L’idée de la « planification écologique » a été exposée par le candidat de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, tout au long de la campagne présidentielle. Elle a été reprise par le candidat Emmanuel Macron durant l’entre-deux tours. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, Natura Sciences revient sur cette idée longtemps portée par La France insoumise.
Samedi dernier, lors d’un meeting d’entre-deux-tours à Marseille, Emmanuel Macron a annoncé qu’en cas de réélection, il nommerait un Premier ministre chargé de la « planification écologique ». Un terme souvent utilisé pendant la campagne par Anne Hidalgo et Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a présenté ce concept dès 2008, alors qu’il quittait le Parti Socialiste. Si ses propositions se sont étoffées au fil des campagnes présidentielles, le concept reste le même : baisser les émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs pour atténuer le changement climatique.
La planification écologique c’est quoi ?
Concrètement, le terme de planification écologique repose sur l’objectif de neutralité carbone fixé à 2050 par l’Union Européenne. C’est-à-dire ne pas dépasser les capacités d’absorption des sols et forêts pour baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES). « À partir du moment où cet objectif a été fixé, il faut établir des points de passage pour 2030 en développant les énergies renouvelables, le véhicule à faible émission etc », indique Neil Makaroff, responsable Europe chez Réseau Action climat. La planification écologique désigne alors, selon l’expert, cette idée de « rétroplanning sur le temps long ». Le tout grâce aux objectifs climatiques fixés pour atteindre la neutralité carbone, secteur par secteur.
Jean-Luc Mélenchon a présenté, lors de la deuxième édition de l’émission L’Avenir en commun, la planification écologique comme un outil. Selon lui, elle permet de « réparer » les destructions de l’homme sur la nature. Grâce à la planification il est alors possible de « s’adapter » au changement climatique et à ses conséquences. Pour favoriser la lutte contre le réchauffement, le candidat des insoumis a insisté sur la nécessité d’apporter des changements sur les modes de vie au quotidien. Ces changements devraient, selon lui, toucher tous les secteurs de l’économie.
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La règle verte
Cette planification écologique entre en cohérence avec la règle verte, proposition de loi déposée par Jean-Luc Mélenchon et autres membres du parti La France insoumise en 2008. Le texte avait pour but d’« affirmer la priorité de l’intérêt écologique sur l’intérêt économique ». Il vise surtout à « ne pas prélever sur la nature plus de ressources renouvelables« . Une mesure qui entre en concordance avec le troisième volet du rapport du GIEC, publié le 4 avril dernier. « Le GIEC montre qu’il y a un besoin de ne plus avoir de dépenses néfastes pour le climat et, au contraire, de baisser drastiquement nos émissions », rappelle Neil Makaroff.
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Si le texte recommande de baisser les émissions mondiales de 40%, la France « investit encore trop d’argent dans les énergies fossiles » selon l’expert. Contrairement à ses voisins européens, la France ne témoignerait pas d’efforts suffisants. « Il y a un vrai souci entre nos objectifs climatiques et nos investissements qui vont à leur encontre », ajoute-t-il. Au delà de la campagne présidentielle, le principe de cette règle verte existe déjà à l’échelle européenne.
Le plan de relance européen vise notamment à réduire les dépenses néfastes pour l’environnement et le climat. « Malheureusement, certains États membres ont inclut le gaz fossile comme énergie pouvant atteindre les objectifs d’investissement du plan européen », rappelle Neil Makaroff. Le mois dernier, l’AIE a présenté des recommandations énergétiques pour les pays européens. Parmi elles, la fermeture des centrales à charbon le plus vite possible et sortir du gaz dès 2035 permettraient d’atteindre la neutralité carbone en 2050.
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Emmanuel Macron « est en train de verdir son programme »
Samedi dernier, Emmanuel Macron organisait un meeting à Marseille et a appuyé sur la « planification écologique ». Le président candidat a promis un Premier ministre « directement chargé de la planification écologique » en cas de réélection. Celui-ci aura pour mission d’aller plus vite sur la sortie du charbon, du gaz et du pétrole. Il a également évoqué un second ministre chargé cette fois-ci de la « planification écologique territoriale ». Un renfort pour adapter la mobilité quotidienne et accélérer la rénovation des logements.
« Il est en train de verdir son programme et c’est très bien », confie Neil Makaroff. Mais au vu de son bilan, on ne peut être que prudent ». Un avertissement suite à de récents rebondissements politiques, comme la condamnation à deux reprises de l’État pour le dérèglement climatique. S’ajoute à cela « un retard très fort dans le déploiement des énergies renouvelables », constate-t-il. « Sans compter que la France est le pays d’Europe le plus en retard sur ses objectifs climatiques », regrette-t-il. Ce retard s’observe aussi sur la rénovation des bâtiments. « Cela prend beaucoup trop de temps. Il y a encore 12 millions de Français en précarité énergétique », rappelle le responsable Europe du Réseau Action Climat.
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Si la planification écologique fait bien partie du programme d’Emmanuel Macron, les moyens pour la mettre en place restent inconnus. « On ne sait pas s’il s’agit de rénovations performantes ou pas, si cela cible les ménages les plus précaires. Il y a beaucoup de choses qui sont assez floues et lacunaires dans son programme qui ne permettent pas non plus de dire qu’il a complètement pris en compte le sujet », avertit Neil Makaroff. Le débat du second tour de l’élection présidentielle sera peut-être l’occasion de le préciser.