Avec 32 jours sans pluie (ou presque), la France a battu en février son record de sécheresse hivernale de 1989. Conséquence du réchauffement climatique, cette sécheresse exceptionnelle expose d’autant plus les forêts françaises au risque incendie. Explications.

Si l’année 2022 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, le faible taux de pluie de ce début d’année 2023 ne parviendra pas, d’après Météo-France, à compenser la sécheresse subie l’année dernière. La sécheresse hivernale du mois de février pourrait également avoir des conséquences sur le reste de l’année en cours. Considérée comme une période « cruciale », les mois de novembre à mars sont les plus propices à la recharge des nappes phréatiques et conditionnent le reste de l’année. Et selon Serge Zaka, docteur en agroclimatologie, « 25 % des nappes phréatiques françaises sont à un niveau extrêmement bas, 25 % à un niveau bas, 25 % légèrement sous la moyenne, et le dernier quart dans la moyenne et au-dessus ».
Alors que quatre départements (l’Isère, le Var, les Bouches-du-Rhône et les Pyrénées-Orientales) sont encore concernés par des mesures de restriction d’eau, le service météorologique estime que le scénario « plus chaud que la normale » est le plus probable pour la France durant les trois mois à venir. De quoi faire craindre une aggravation de la sécheresse et une augmentation du risque incendie, notamment dans les forêts, qui ont subi de plein fouet les incendies ravageurs de l’été dernier. La surabondance de matières sèches au sol favorise les départs de feu, rappelle Jean-Bernard Duprat, responsable de l’unité territoriale Charente-Maritime de l’Office national des forêts (ONF).
Une « situation tendue »
Du côté des forestiers et des pompiers, la situation est donc particulièrement « tendue ». « On avait des inquiétudes souvent au printemps, mais sur les périodes calmes, comme décembre-janvier, on n’avait pas ces inquiétudes parce que les pluviométries étaient conséquentes », explique Bruno Lafon, président de l’Association de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) dans les Landes. Seulement, « ce début d’année n’a pas rattrapé les déficits qu’on a eus l’année dernière », rappelle-t-il. Ardèche, Pyrénées-Orientales, Gironde… Les risques d’incendie en hiver s’accentuent partout en France. Pas moins de 130 hectares ont été ravagés à Mouriès, près d’Avignon, le samedi 4 février. Un phénomène qui risque de s’accentuer.
« Bien sûr, il y a la partie associée à la sécheresse. Il y a aussi des insectes, qui ravagent des forêts entières de sapins. Et ça fait du bois mort, comme des allumettes sur pied. Et donc malheureusement, l’action de tout ça est quand même liée globalement au réchauffement climatique », explique Anthony Colin, chercheur spécialiste des incendies à l’Université de Lorraine. Dans ce contexte, la nécessité de gérer les forêts est de plus en plus importante. « Le changement climatique fragilise les forêts. Il faut les protéger, les aider à s’adapter en les gérant avec humilité comme le font les forestiers », plaide Françoise Alriq, directrice adjointe de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR).
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De nombreuses menaces pèsent sur les forêts françaises et l’incendie de Mouriès n’est pas un cas isolé. En Charente-Maritime, un incendie d’origine accidentelle a détruit quatre hectares de broussaille et de résineux le 8 février. Et alors que l’an dernier, les premiers feux avaient été relevés en mars, les incendies du mois de février suscitent l’inquiétude. « Des petits incendies accidentels, oui, des écobuages qui débordent… Mais un gros incendie en cette période, non. Et malheureusement, je pense qu’il va falloir s’y habituer », déplore Christian Bonnet, président du comité feux de Mouriès.
Les forêts entretenues sont plus résilientes
S’y habituer et surtout s’y préparer en renforçant la gestion des forêts. « Les forêts entretenues sont les plus résilientes. Renforcer la gestion et la surveillance à l’échelle de chaque massif forestier, c’est le meilleur moyen de protéger la forêt et les habitations », explique Anne-Catherine Loisier, sénatrice de la Côte-d’Or et rapporteur de la mission d’information sur le contrôle relatif à la prévention et à la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie.
Parallèlement à la gestion des forêts, le renforcement des moyens d’intervention est également indispensable. C’est notamment le cas en Gironde, où la crainte d’un été 2023 « pire que l’été 2022″ inquiète les acteurs de la lutte contre les incendies. « J’espère que nous pourrons avoir prochainement des moyens aériens sur le massif des Landes de Gascogne », lance Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde.
Dans l’attente de ces moyens aériens, l’élu départemental annonce l’arrivée de camions en renfort et le déploiement de la vidéosurveillance pour effectuer du repérage de feu. En outre, des patrouilles de sapeurs-pompiers devraient être « prépositionnées à certains endroits ».
Autant de mesures indispensables quand on sait qu’entre juillet et septembre 2022 près de 30.000 hectares de forêt ont brûlé en Gironde. Un chiffre record depuis 1949.