Plus de 25.000 personnes ont perdu la vie dans le puissant séisme de magnitude 7,8 qui a ébranlé la Turquie et la Syrie dans la nuit du 5 au 6 février. Si pour les sécheresses ou la fonte des glaces, le lien avec le dérèglement climatique n’est plus à prouver, pour les séismes, le lien est moins évident. Entre les glaciers du Groenland et les terres d’Anatolie, des effets similaires ne sont pas forcément liés aux même causes.

Après le séisme meurtrier – de magnitude 7,8 sur l’échelle de Richter – en Turquie et en Syrie qui a fait plus de 25.000 victimes dans la nuit du dimanche 5 au lundi 6 février, se pose la question de l’anticipation des tremblements de terre. Si les sismologues savent que dans cette région les séismes sont fréquents, ils ne peuvent toutefois pas prévoir un tremblement de terre à l’avance, ni son intensité.
L’un des enjeux pour la communauté scientifique est de savoir s’il y a une possibilité, ou non, de prédire les gros séismes quelques heures, voire quelques jours à l’avance. En plus des risques de tremblements de terre, les pays de la plaque antaolienne et du Moyen-Orient sont particulièrement exposés au dérèglement climatique. Or, plusieurs scientifiques, dont la géodésiste et géophysicienne allemande Rebekka Steffen, indiquent que les tremblements de terre pourraient être favorisés par la fonte des glaces. La chercheuse indique que « la perte de masse des glaces modifie les tensions au sein de la croûte terrestre ».
Au Groeland, les glaciers peuvent provoquer des séismes
Justement, depuis plusieurs années, les scientifiques ont relevé des séismes fréquents au Groenland. Pouvant avoir une intensité allant jusqu’à 5 sur l’échelle de Richter, ils ne sont pas aussi dévastateurs que celui qui a touché la Turquie et la Syrie. Un document diffusé par la préfecture des Pyrénées-Orientales indique qu’à cette magnitude, « le séisme est ressenti par la plupart des personnes à l’intérieur et par beaucoup à l’extérieur » et peut engendrer de « légers dommages » sur certains bâtiments. Les séismes groenlandais coïncident avec la rupture de glaciers, parfois grands comme des régions entières. Plus précisément, ces phénomènes sont appelés « vêlages », et correspondent au détachement d’un bloc de glacier qui devient un iceberg. Notons toutefois que l’épicentre des activités sismiques liées aux glaciers groenlandais se passent loin de la population.
Pendant un temps, les scientifiques se sont demandés si la hausse des températures était à l’origine de ce phénomène. Mais une étude publiée dans la revue Science en 2015, co-dirigée par les universités de Columbia (États-Unis) et de Swansea (Royaume-Uni) a démontré que c’est la rupture des glaciers qui provoque les séismes, et non l’inverse.
En étant sur la plaque anatolienne, la Turquie se trouve sur une faille active. Ce lieu correspond à une rupture dans l’écorce terrestre, particulièrement exposée aux risques sismiques. Les risques de tremblements de terre sont d’autant plus forts que la plaque anatolienne frotte avec trois autres : les plaques arabique, africaine et eurasienne. Malgré la fragilité de la zone, un effet papillon lié à la fonte des glaces dans le cercle polaire n’est pas à établir.
À« l’échelle globale, pas de lien entre dérèglement climatique et activités sismiques »
Il est nécessaire de distinguer l’activité tectonique liée au vêlage d’un glacier et les séismes tels que celui qui a secoué la Turquie et la Syrie. Physicien et chercheur à l’Institut Terre environnement de Strasbourg, Jérôme Vergne reconnaît que « la fonte des glaciers, dans les grandes chaînes de montagnes, enlève de la masse à la surface de la Terre, et modifie les forces qui s’appliquent sur les failles« . Toutefois, il insiste sur le fait que ces effets restent limités et localisés. Il en va de même pour les secousses liées à des précipitations. « Certaines études montrent également que de fortes concentrations de pluie peuvent engendrer de l’activité sismique, là aussi localisée« , détaille ainsi Jérôme Vergne.
Le chercheur indique qu’à « l’échelle globale, il n’y a aucun lien entre dérèglement climatique et activités sismiques ». Le physicien explique que les tremblements de terre sont très majoritairement des conséquences de « la manifestation de la dynamique interne de la planète ». Ce phénomène, également appelé géodynamique interne, désigne, selon Pierre-André Bourque, ancien professeur émérite à l’Université Laval, « les mouvements et les processus qui affectent l’intérieur de la Terre ».
Les scientifiques s’attendent à un nouveau séisme en Turquie
Autrement dit, c’est « parce que de la chaleur est produite à l’intérieur de la planète, par le noyau et le manteau de la Terre, que la lithosphère génère des séismes », explique Jérôme Vergne. De plus, ce dernier rappelle que le dérèglement climatique n’a pas d’effet sur la température interne de la Terre. « Ce qui se réchauffe, c’est l’atmosphère et pas l’intérieur de la planète », insiste-t-il.
S’appuyant sur cet argument, Jérôme Vergne indique que « l’état du climat ne donne aucune indication sur les futurs tremblements de terre ». Et le scientifique ajoute qu’à l’heure actuelle, aucun élément de mesure ne permet de prédire la survenue d’un nouveau séisme. « Nous n’avons qu’une vision sur le long terme, dans telle ou telle zone. C’est ce qui s’appelle avoir connaissance de l’aléa sismique », déclare-t-il. De ce fait, les scientifiques s’attendent à de nouveaux séismes de grande ampleur en Turquie dans les années à venir. « Tout ce que nous pouvons faire, c’est nous y préparer », explique le chercheur.
Léo Sanmarty et Chaymaa Deb