Sur l’île de Palma, la lave du volcan est entrée au contact de l’eau de mer. Un réaction chimique produit alors des gaz toxiques irritables pour la peau, les yeux et les poumons. Cet événement s’ajoute à des dégâts déjà considérables.
La nature se fait entendre sur l’île de la Palma aux Canaries. Il y a dix jours, son volcan Cumbre Vieja est entré en éruption. Depuis, la population vit au rythme du parcours de la lave. « Cette éruption s’est produite dans une zone où la topographie est telle que la lave allait continuer, de toutes les façons, à couler inexorablement jusqu’à arriver à la mer », explique Nathalie Feuillet, géophysicienne à l’Institut de physique du globe (IPGP). Cet obstacle a été atteint hier soir. Dans la nuit de mardi à mercredi, cette coulée est arrivée à l’océan, a annoncé l’Institut volcanologique des Canaries (Involcan). La rencontre entre cette roche fondue à plus de 1.000 °C, et l’eau à une vingtaine de degrés était redoutée. Pour cause, ce mélange produit des gaz toxiques.
Des réactions chimiques dangereuses
« Quand la lave chaude interagit avec l’eau de mer, elle va provoquer l’évaporation de cette eau contenant des chlorures, des sulfates, des carbonates, du fluor et de l’iode . D’où le grand nuage que l’on peut voir », explique la géophysicienne. Elle précise que « cette réaction crée notamment de l’acide chlorhydrique gazeux. A ce mélange vont s’ajouter des particules de lave ». En plus, viennent s’additionner des gaz d’acide fluorhydrique et d’acide sulfurique. Un résultat très néfaste pour l’être humain puisque l’inhalation ou le contact avec ces substances acides peut irriter la peau ou les yeux. « Ces substances acides risquent également, et surtout, d’agresser les poumons », indique Nathalie Feuillet.
Les gaz se propagent vers la mer
Les autorités ont toutefois vu venir ce problème. Le gouvernement régional de l’archipel a décrété un rayon d’exclusion d’environ 3,7 km autour de l’endroit où était prévue l’arrivée de la lave. Par ailleurs, dès lundi, et par crainte de l’émanation de ces gaz toxiques, les habitants des villages situés près de la côte avaient été appelés à se confiner. « Heureusement, les vents semblent pour l’instant favoriser la propagation de ces gaz vers la mer, et non vers les terres. Cela participe à diluer les acides », rassure la géophysicienne. « Pour l’instant, je ne pense pas que ces nuages de gaz toxiques puissent se répandre au-delà du périmètre de sécurité de 4 kilomètres. Il serait trop délayé », estime Nathalie Feuillet.
D’autres risques en perspective aux Canaries
Outre les gaz toxiques, un autre danger menace la région. Cette lave va progressivement s’accumuler sur la côte. « Cela va créer un delta particulièrement instable, qui peut s’effondrer également », s’inquiète Nathalie Feuillet. Un phénomène qui pourrait alors provoquer de fortes vagues, voire des explosions pouvant projeter des fragments de lave et de roche vers la terre ou la mer.
Pour tenter d’arrêter des coulées de lave, des expériences ont été menées, notamment à la Réunion. « Dans le cas de cette éruption aux Canaries, la coulée est tellement épaisse, chaude et avance si vite, qu’il était presque impossible de l’arrêter », insiste Nathalie Feuillet. Pour l’heure, la lave continue donc de couler dans l’océan, et les dégâts qu’elle laisse derrière elle sont considérables. Les coulées ont déjà détruit 589 bâtiments, habitations comprises. Elles ont également emporté de nombreuses routes.
Selon le système européen de mesures géospatiales Copernicus, cette lave aurait recouvert près de 258 hectares de terrain. Le président de la région des Canaries, Angel Victor Torres, estimait dès la semaine dernière que les dégâts dépasseraient les 400 millions d’euros. L’état de catastrophe naturelle a été déclaré sur cette île, et quelques heures avant l’entrée de la couvée de lave dans la mer, 10,5 millions d’euros d’aides directes aux victimes de l’éruption avaient été débloquées.
Ouns Hamdi