Cinq mois après la sortie de « Don’t Look Up, déni cosmique », Adam McKay revient sur le lien toujours vivace de son film avec la réalité du combat écologiste. À l’occasion du sommet Change Now ce samedi 21 mai, il a échangé avec des militantes et expertes sur les questions climatiques.
« Il y a 100% de chances que nous mourrions tous ! » . Sur un plateau de télévision, Kate Dibiasky, astronome américaine, tente d’alerter l’opinion publique concernant une astéroïde qui s’apprête à ravager la Terre. Face à elle, deux journalistes hilares : « Croyez-vous qu’elle pourrait raser la maison de mon ex-femme par la même occasion ? ». L’échange semble lunaire.
Métaphore tragi-comique de la crise écologique, Don’t Look Up, dernier long-métrage d’Adam McKay illustre pourtant avec un réalisme piquant la course contre la montre de deux scientifiques américains. Après avoir découvert l’existence d’un astéroïde menaçante, Dibiaski (Jennifer Lawrence) et Mindy (Leonardo Di Caprio) multiplient les alertes jusqu’à la Maison blanche afin d’éviter la catastrophe. Face à eux, politiques et médias semblent peu réceptifs. Quelques mois après la sortie de cette satire acide, son réalisateur, accompagné de militantes et expertes scientifiques, participait ce 21 mai à une table ronde lors du sommet Change Now à Paris. L’occasion de revenir sur les liens entre ce film engagé et la réalité.
Don’t Look Up : une métaphore puissante de l’inaction globale
Avec Don’t Look Up, Adam McKay saisit parfaitement l’inaction collective manifeste face à une catastrophe dont l’existence ne fait plus aucun doute. À l’instar de Dibiaski et Mindy dans le film, des experts du GIEC, des militants et des journalistes parcourent dans la vraie vie les plateaux télé, tentent de sensibiliser, mais en vain. Quelques jours après la mise en ligne du film, des internautes ont ainsi relayé une séquence de l’émission 28 minutes d’Arte. Salomé Saqué, journaliste économique et politique, alertait alors sur la gravité de la menace écologique. Sur le plateau, face à elle, des invités plus intéressés par une remarque concernant leur âge que le fond du sujet. « Le compte à rebours du GIEC est lancé et les médias, les politiques restent sourds », martèle Adam McKay.
Et cinq mois après sa sortie, son long-métrage reste tristement réaliste. Les sphères politiques et médiatiques semblent toujours aussi étanches aux alertes des scientifiques et militants écologistes. Le climat n’a représenté que moins de 3% des débats lors de la campagne présidentielle. Alors que les températures atteignent des records à la surface du globe ces derniers jours, les médias peinent par ailleurs à aborder frontalement le changement climatique d’origine anthropique. Le réalisateur alerte : « Mon film ne se veut pas une métaphore parfaite de la crise environnementale. C’est davantage une métaphore de notre inaction. Contrairement à une comète qui frapperait la terre, nous pouvons agir pour contenir le changement climatique ».
Un hommage aux scientifiques et aux activistes
Au sommet Change Now ce samedi, Yamina Saheb, contributrice du GIEC et Britt Wray, chercheuse de l’Université de Stanford, ainsi que Camille Etienne, militante, sont unanimes. Pour elles, l’identification avec les astronomes de Don’t Look up est aisée. « Quand j’interviens en public, mes interlocuteurs rétorquent souvent que je suis trop radicale », constate Yamina Saheb. Camille Etienne quant à elle, confie avoir été menacée de mort à l’occasion de la dernière assemblée générale de BNP Paribas, lors de laquelle elle est intervenue. Des menaces et des railleries constamment essuyées par Dibiasky et Mindy dans le long métrage d’Adam McKay.
« J’ai été très touché par les réactions des scientifiques et des activistes après avoir vu le film. Pour une fois, ils semblaient avoir été entendus », sourit Adam McKay. Le réalisateur confie également avoir lutté pour que la fin catastrophique de Don’t Look Up, peu conforme aux happy ends américains traditionnels, demeurent. « J’ai parlé avec des tonnes de scientifiques. Pourtant, certains producteurs trouvaient cette fin trop dramatique », confie-t-il.
Le cinéma, puissant outil de sensibilisation
Avec 263 millions d’heures de visionnage, Don’t Look Up se classait, deux semaines après sa mise en ligne, à la troisième place des plus gros succès Netflix. Preuve que, sous une forme contournée, la crise climatique peut toucher le plus grand nombre. Si les rapports du GIEC ne sont pas toujours accessibles ou parlants pour le grand public, un film peut alors servir de relai détourné.
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Une arme de sensibilisation dont Adam McKay a bien conscience. « L’art doit s’emparer de la crise écologique. À tous les artistes, rejoignez-nous, utilisez votre imagination », martèle-t-il. Pour sa part, le réalisateur continue de mettre son art au service d’un engagement écologiste et prépare une série, dérivée de l’ouvrage La Terre inhabitable de David Wallace-Wells.