Dans un nouvel épisode de « Sur le front », Hugo Clément s’intéresse à l’impact écologique de nos logements. Après l’industrie textile ou le commerce des roses, le journaliste lève le voile sur les excès du BTP et les solutions pour changer de cap. Entretien.

80% des maisons françaises sont construites en béton. Problème : la composition de cette matière est profondément néfaste pour l’environnement. Dans le dernier numéro de son magazine d’enquête Sur le front, diffusé ce soir sur France 5, le journaliste Hugo Clément se penche sur nos logements. Bien qu’ils soient au cœur de nos vies, nous ne sommes pas toujours au fait de leur impact écologique.
Construction à partir de matériaux à l’origine d’émissions colossales de gaz à effets de serre, isolation défaillante causant une importante déperdition énergétique … Sur le front passe au crible nos maisons et appartements, et dessine des solutions afin de changer de cap. Une formule qu’Hugo Clément — intervenant dans la matinale de France Inter à la rentrée 2022 — porte depuis plus de deux ans, afin de bousculer les consciences. Nous nous sommes entretenus avec lui à ce sujet. Il réagit en plus aux accusations à l’égard des journalistes environnementaux jugés d’être trop militants.
Natura Sciences : Après l’industrie textile, florale, la disparition des oiseaux, pourquoi s’intéresser au BTP ?
Hugo Clément : Cette industrie est partout dans notre quotidien. Ce sont les logements dans lesquels nous vivons, les bureaux où nous travaillons, la route sur laquelle nous nous déplaçons. Pourtant, on se pose rarement la question de l’impact écologique de ces constructions.
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Ce reportage suit la logique de Sur le front. Nous partons d’éléments présents dans notre quotidien et essayons de comprendre, enquêter sur leur impact écologique. Il s’agit de découvrir les informations mal connues ou parfois cachées, puis de proposer des solutions. Nous essayons d’être constructifs. L’objectif n’est pas de parler de choses qui se passent à l’autre bout du monde. Nous essayons de trouver des sujets sur lesquels, en tant que Français, nous pouvons agir. Cela nous permet d’éviter un sentiment d’impuissance.
Le BTP est une des industries les plus polluantes. Comment expliquer que l’on ne s’en doute pas toujours ?
Si l’on met de côté la question des déchets du BTP, son impact écologique est moins directement visible. Par exemple, le ciment est produit dans des cimenteries auxquelles les gens n’ont pas accès et qui dégagent des gaz dans l’atmosphère. De même, l’extraction du sable nécessaire pour le ciment a lieu dans des carrières fermées au public, ou dans le fond de la mer.
Par ailleurs, pour l’industrie textile, on sait qu’en achetant des vêtements fabriqués en Europe par exemple, on peut réduire son impact écologique. Or, on ne peut pas arrêter, en un claquement de doigt, de consommer du ciment. On a l’impression qu’on ne peut pas agir puisqu’on ne peut pas se passer de cette industrie.
C’est pour cela que nous avons voulu expliquer pourquoi le ciment, le béton posent problème. Et surtout, montrer les solutions alternatives qui se développent. En termes de construction, notamment avec les briques en terre. En termes de rénovation, aider les citoyens à mieux isoler leur logement est annoncé comme une priorité, mais en pratique c’est une autre histoire …
Dans Sur le front, vous proposez des solutions aux citoyens mais qu’en est-il des décideurs ?
Nous avons tous la responsabilité, à notre échelle, d’identifier ce que l’on peut mieux faire. Si nous ne commençons pas par-là, rien ne changera. Toutefois le changement global repose sur les épaules de ceux qui sont en haut de la pyramide : les décideurs politiques et économiques. Ce sont eux qui ont le pouvoir de structurellement et massivement changer l’ordre des choses, notamment en changeant les lois. On ne peut pas mettre tout le monde sur un pied d’égalité en disant que nous sommes tous également responsables.
Je n’ai pas prétention de dire que c’est grâce à l’émission, mais des choses bougent, surtout grâce aux acteurs de terrain. Nous avons eu de belles surprises, des décisions politiques ou d’entreprises survenues après des diffusions. Et surtout, les gens changent leurs pratiques. Par exemple, j’ai reçu des milliers de messages après la diffusion du documentaire sur les roses pour la Saint-Valentin. Des tas de gens ont décidé de ne plus en acheter à ce moment car ils ont pris conscience de l’impact écologique de cette industrie.
On taxe régulièrement les journalistes environnementaux, vous inclus, d’être trop militants. Qu’en pensez-vous ?
Ce qui se passe est gravissime et implique des réponses fortes au niveau politique et économique. Si dire ça fait de moi un journaliste militant, soit. Je ne crois pas une seconde à l’objectivité journalistique. Le journalisme environnemental, compte tenu de la situation, est forcément perçu comme engagé. Mais ce qui compte, dans le fond, c’est si notre travail est un travail de recherche et d’enquête.
Ce que l’on devrait interroger davantage est : pourquoi les médias parlent-ils aussi peu des sujets environnementaux ? France Télévision et Radio France donnent de la place à ces thématiques, mais beaucoup d’autres médias continuent à débattre de sujets anecdotiques ou à inviter des climatosceptiques sur leurs plateaux. Or, l’écologie devrait être présente dans tous les formats d’information parce qu’elle concerne tout. L’économie, la santé, la sécurité : la question écologique est cruciale dans tous les secteurs.