Le journal écologiste précurseur « La Gueule ouverte » aurait eu cinquante ans en 2022. À cette occasion, la REcyclerie, avec le concours du Musée du vivant et de l’INA, propose une exposition inédite jusqu’au 28 août. À la découverte de 35 unes emblématiques de ce cousin écolo de « Charlie Hebdo ».

« On les emmerde, ça continue ! ». Sur fond rouge, un poing levé brandit avec force une fleur. Au pied de la page, une signature : « Fournier ». En mars 1973, La Gueule ouverte pleure le décès de son fondateur acharné, le militant écologiste et pacifiste Pierre Fournier. Dans son édito, ses camarades annoncent la couleur : pas question pour autant d’abandonner le combat, et ce média écologiste lancé un an et cinq numéros plus tôt.
Jusqu’au 28 août, la REcyclerie, le Musée du vivant AgroParisTech, en partenariat avec l’INA, exposent à Paris les numéros emblématiques de ce précurseur, objet journalistique non identifié, fondé en 1972. 35 unes s’étalent ainsi sur les quais de la petite ceinture. Comme des affiches de propagandes et autant d’alertes, lancées par le périodique en avance sur son temps. Pour les accompagner, des codes QR permettent par ailleurs de consulter les numéros et des archives audiovisuelles.
Le petit cousin de Charlie Hebdo
Au début des années 1970, alors que les Trente glorieuses battent leur plein, les consciences écologiques s’éveillent progressivement en France. En 1970, on célèbre la première Journée de la Terre. Un an plus tard, Pompidou crée le ministère de la protection de la nature et de l’environnement. En 1972, se tient la conférence des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm…
Journaliste pour Charlie Hebdo, Pierre Fournier participe en 1971 à l’une des premières manifestations écolo de France, contre la construction de la centrale nucléaire de Bugey (Ain). Naît alors l’idée de consacrer aux luttes et aux enjeux écologiques un journal à part entière qui « annonce la fin du monde ». En 1972, La Gueule ouverte voit ainsi le jour et son premier numéro s’écoule à 70 000 exemplaires. La publication accueillera les contributions d’Isabelle Monin-Soulié, Cabu, Wolinski …
Anticapitaliste, antinucléaire et antimilitariste …
Il est aujourd’hui frappant de relire les pages de ce périodique irrévérencieux et acide, tant les sujets qu’il abordait en son temps semblent plus que jamais d’actualité. Jusqu’en 1980, La Gueule ouverte se fait le relai des luttes écologistes autant que leur point d’appui. Pesticides, nucléaire, pollutions, étaient ainsi décriés à longueur de numéros. « Quand nous travaillions sur les contenus, nous nous sommes rendus compte de leur actualité encore aujourd’hui », témoigne Aurélie Utzeri, attachée de conservation au musée du vivant.
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Après avoir participé à structurer l’écologie politique en France, La Gueule ouverte s’est éteint en 1980. « Ce n’est pas simple de comprendre avant tout le monde et de nager à contre-courant », écrivaient prophétiquement ses contributeurs et contributrices dans l’édito du numéro de mars 1973. Quarante ans plus tard, la REcyclerie permet à une nouvelle génération de militants écolo de découvrir ce canard, finalement pas si petit ni vilain, mais résolument incisif.