« Mon corps, ma planète ! », co-écrit par Juliette Lambot et Anne-Florence Salvetti-Lionne, est en librairie depuis le 3 novembre. Natura Sciences s’est entretenu avec la journaliste Anne-Florence Salvetti-Lionne. Elle nous présente ce nouvel ouvrage construit comme un guide pratique à la portée de tous les curieux désireux de découvrir l’écoféminisme.

Concept encore méconnu du grand public, l’écoféminisme tend à se faire une place ces dernières années en France. Récemment, des personnalités politiques, comme la députée écologiste Sandrine Rousseau, ont remis ce concept au goût du jour. Théorisé en 1972 par la philosophe Françoise d’Eaubonne, l’écoféminisme considère que les femmes et la planète Terre ont été victimes d’une même prédation : celle de l’homme.
Aujourd’hui, l’écoféminisme est plus qu’un étendard politique. Pour beaucoup, et notamment chez les plus jeunes, il est un symbole social fort. C’est dans ce contexte qu’est sorti ce 3 novembre, le nouvel ouvrage de la journaliste Anne-Florence Salvetti-Lionne, intitulé « Mon corps, ma planète ! » aux éditions Eyrolles. L’autrice expose à Natura Sciences ce nouvel opus, qu’elle présente volontiers comme un guide pédagogique.
Natura Sciences : Depuis quand entend-on parler d’écoféminisme en France ?
Anne-Florence Salvetti-Lionne : Lors de l’élection présidentielle de 2022, Sandrine Rousseau a beaucoup parlé d’écoféminisme. Cela a mis en lumière ce concept et a permis au grand public de le découvrir. Les gens ont compris que sous un certain angle, l’oppression envers les femmes et l’oppression envers la nature ont finalement un seul responsable : le patriarcat. Beaucoup n’avaient jamais vu les choses de cette manière. Des femmes s’y sont retrouvées et se sont dit que leurs convictions féministes et leurs convictions écologiques ont un lien. Ce sont des luttes qui sont imbriquées l’une dans l’autre.
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Comment avez-vous personnellement découvert l’écoféminisme et de quelle manière s’est développée votre envie d’écrire à ce sujet ?
Comme beaucoup de Français, j’ai entendu pour la première fois parler d’écoféminisme pendant la primaire des écologistes de 2021. [Celle-ci opposait Yannick Jadot et Sandrine Rousseau au second tour, NDLR]. Je suis moi-même féministe, mais je n’étais pas sensibilisée à ce sujet et ne connaissais pas ce terme avant.
J’ai co-écrit ce livre avec Juliette Lambot, journaliste et rédactrice en chef de Thalassa. L’idée de « Mon corps, ma planète ! » est la sienne. Elle et moi partageons un point commun fort : nous avons des filles. Nous avions envie d’écrire ce livre pour nos enfants. Plus tard, elles seront complètement concernées par ces thématiques. L’idée était de faire un guide pédagogique qui vient vraiment poser les bases pour comprendre ce qu’est l’écoféminisme et la façon dont il se traduit aujourd’hui.
Vous avez donc écrit ce livre à quatre mains ?
Oui. Juliette s’est chargée de la première partie qui se compose d’un rappel historique de ce qu’est l’écoféminisme depuis les années 1970 et d’une présentation de sa matérialisation à travers le monde. Je me suis occupée de la seconde partie. Dans celle-ci, j’explique concrètement comment l’écoféminisme se traduit dans le quotidien des femmes françaises.
Justement, comment se traduit l’écoféminisme au quotidien ?
Aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a un peu d’écoféminisme partout dans nos décisions. Cela se traduit notamment dans la charge écologique des femmes. Ce sont quasiment toujours elles qui font entrer l’écologie dans leurs foyers et qui subissent une charge mentale par rapport à ça. L’écoféminisme se retrouve aussi dans les modes de consommation, et même dans la façon dont on choisit sa contraception. On peut aussi l’invoquer dans la façon dont on est parent, dont on vit sa féminité, sa maternité, l’amitié, ou encore la sororité. En fait, l’écoféminisme touche à tous les domaines de la vie.
Quelle place occupe l’écoféminisme aujourd’hui dans la société ?
L’écoféminisme n’a encore qu’une toute petite place. Si vous faites un micro-trottoir à ce sujet, la majorité des gens diront ne pas connaître. Mais dans les faits, l’écoféminisme est partout dans notre quotidien. Et ça va le devenir de plus en plus avec la prise de conscience écologique. À l’avenir, les femmes comprendront que tout ce qu’elles subissent, qu’il s’agisse des agressions ou des inégalités, a un lien avec cette lutte écologique. Si l’on creuse le sujet, on se rend compte que nous sommes toutes concernées.
Votre livre s’appuie sur une série d’entretiens avec des figures incontournables du mouvement. Pouvez-vous en présenter quelques-unes ?
Juliette Lambot s’est entretenue avec Élise Thiébaut, qui a écrit plusieurs ouvrages sur Françoise d’Eaubonne. Elle s’est entretenue aussi avec Solène Ducretot qui a co-fondé une communauté qui contribue à développer le mouvement écoféministe, ou encore avec la femme rabbin Floriane Chinsky.
De mon côté, je me suis entretenue avec Camille Sfez, psychologue qui parle des cercles de femmes, ou encore avec la sage-femme Véronique de La Cochetière. J’ai également rencontré des personnes qui se disent sorcières. C’est le cas de Sandy, une tatoueuse. J’ai aussi interviewé la directrice générale de la fondation GoodPlanet Albane Godard, mais aussi la femme politique Raphaëlle Rémy-Leleu (EELV). Nous avons cherché à avoir un panel très varié de femmes et qui, au quotidien ou dans leur vie publique, sont écoféministes ou appliquent l’écoféminisme.
Avez-vous des conseils pour aller plus loin dans sa découverte de l’écoféminisme après la lecture de votre livre ?
Notre livre est vraiment fait pour mettre un pied dans le sujet et comprendre à la fois d’où vient l’écoféminisme et comment il se traduit aujourd’hui. Pour aller plus loin, il y a évidemment les ouvrages de Françoise d’Eaubonne. Ils sont incontournables. Émilie Hache a également fait un grand travail dans « Reclaim : recueil de textes écoféministes » fondateurs qui n’avaient pas été traduits [des principales figures de ce mouvement, parmi lesquelles Susan Griffin, Starhawk, Joanna Macy, Carolyn Merchant, NDLR]. En dehors de France, l’autrice indienne Vandana Shiva a aussi écrit sur le sujet, à l’instar de l’Italienne Silvia Federici.