Diffusé ce mercredi à 21 heures sur France 5, le documentaire L’abominable mystère des fleurs rend hommage au travail titanesque des scientifiques. Ces derniers cherchent à comprendre comment les plantes à fleurs sont devenues les espèces majoritaires à la surface de la Terre. Parmi eux, François Parcy, chercheur passionné, tente de résoudre cette énigme, aussi génétique que poétique.
Rouges, jaunes, irisées, odorantes ou non, minuscules ou au contraire immenses, sous des chaleurs arides ou en haute montagne… Les fleurs, sous leur apparente fragilité, ont envahi le monde en quelques millions d’années. Elles représentent aujourd’hui 90% des espèces de végétaux. Pourtant, les plantes à fleurs n’ont pas toujours été présentes sur Terre.
Cette colonisation fulgurante a fasciné Charles Darwin, frustré de ne pouvoir expliquer leur prolifération à la surface du globe. Dans un documentaire passionnant, précis mais accessible, à découvrir ce soir sur France 5, Clément Champiat et François Tribolet décryptent « L’abominable mystère des fleurs ». Les deux cinéastes ont ainsi librement adapté l’ouvrage de François Parcy (L’histoire secrète des fleurs, ed. Humensciences, 2019), chercheur au laboratoire de physiologie cellulaire et végétale de Grenoble. Non sans poésie, ce dernier revient sur la quête titanesque des scientifiques afin de résoudre l’énigme qui entoure l’existence des fleurs.
Natura Sciences : Pourquoi Darwin parlait-il d’un « abominable mystère des fleurs » ?
François Parcy : Sa théorie reposait sur l’évolution progressive des êtres vivants. Il pensait qu’on pouvait toujours retrouver les traces intermédiaires et les influences de leur évolution. Surtout, chez tous les organismes vivants, il arrivait à montrer que l’évolution se faisait doucement. Pour les fleurs, en revanche, il a retrouvé les premiers fossiles datés d’il y a 100 millions d’années. Et, quasiment immédiatement, il en a découvert de toutes sortes et partout dans le monde. Cette apparition brutale et leur diversification rapide ne collaient donc pas avec sa théorie.
À son époque, ses détracteurs disaient que les plantes à fleurs étaient la preuve que sa théorie était invalide. En particulier, William Carruthers, le gardien de la chaire de botanique au British Museum, était en conflit avec Darwin. Il pensait que les plantes à fleurs étaient la preuve de l’existence de Dieu. Darwin a donc régulièrement écrit à des scientifiques en expliquant qu’il était perturbé par « l’abominable mystère des fleurs », qui résistait à sa théorie universelle.
Ce mystère a-t-il été résolu depuis ?
Ce mystère est immense. Grâce aux découvertes, aux nouvelles techniques scientifiques, nous le grignotons petit à petit. Aujourd’hui, nous comprenons mieux la diversification des plantes à fleurs. Nous avons compris qu’elles sont apparues il y a bien plus longtemps que nous le pensions, il y a environ 150 millions d’années.
Nous savons que les plantes à fleurs ont réussi à devenir les espèces de végétaux les plus nombreuses à la surface de la Terre. Notamment grâce à leur appareil reproductif et une photosynthèse très efficaces. Toutefois, nous n’avons pas encore découvert l’origine de l’apparition de ces qualités.
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Une part du mystère demeure également autour des intermédiaires entre les plantes à fleurs — les angiospermes — et les autres plantes, comme les conifères — les gymnospermes. Le système de ces plantes-là est très différent de celui des fleurs. Elles ont des cônes mâles et des cônes femelles séparés. Elles n’ont pas de pétales ni de sépales [la partie généralement verte qui se trouve sous les pétales, NDLR]. Pour trouver leur ancêtre commun, nous ne pouvons pas remonter dans le temps, mais nous analysons différents types de gymnospermes, et cherchons leurs points communs.
Quels effets le changement climatique peut-il avoir sur l’évolution à venir des plantes à fleurs ?
Il est possible qu’avec le changement climatique, certaines espèces de plantes à fleurs se trouvent en difficulté. Nombreuses sont celles qui dépendent des insectes pollinisateurs, ce qui peut être une faiblesse à long terme dans le contexte d’un effondrement de la biodiversité.
Toutefois, il est possible que les plantes à fleurs résistent mieux que les autres. Certaines parviennent déjà à coloniser des milieux divers, comme la haute montagne. Par ailleurs, une partie d’entre elles n’ont pas besoin de pollinisateurs et s’autofécondent. Donc, si le changement climatique n’était pas si brutal, elles pourraient s’adapter à tout. Ce qui va être difficile, c’est la brutalité de ce changement. Nous avons du souci à nous faire concernant les plantes à fleurs qui nous nourrissent. Si elles peuvent s’adapter en plusieurs millions d’années, nous, non.