Dans Goliath, les destins de Patrick, France et Matthias se croisent. Le premier est avocat, la deuxième est militante écologiste et le dernier est lobbyiste véreux. Frédéric Tellier signe avec ce troisième long métrage, en salle dès ce 9 mars, un thriller environnemental choral, nuancé et puissant.
Devant une nuée de journalistes, caméras et micros tendus, Patrick, avocat spécialiste des questions environnementales, présente son téléphone. Sur haut-parleur, il fait écouter un message de sa cliente Lucie, la compagne d’une agricultrice décédée d’un cancer du système lymphatique. Elle accuse son exposition à un pesticide : la tétrazine. Face à l’inaction de la justice, des autorités sanitaires et étatiques, Lucie lui annonce qu’elle va mettre fin à ses jours.
Cette séquence qui allie tension et cruauté constitue l’un des moments forts de Goliath, en salle dès ce 9 mars. Précis, dynamique et réaliste, le long métrage de Frédéric Tellier est inspiré de faits réels et expose avec nuance les luttes d’influence à l’œuvre dans le secteur de l’agrochimie.
Un triple point de vue nuancé sur la question
Dans ce thriller environnemental haletant, France milite contre l’usage de pesticides qui empoisonnent son mari. Patrick, avocat, s’attaque à Phytosanis, géant de l’agrochimie. Matthias, quant à lui, est un influent lobbyiste de cette entreprise. Au cœur d’un scandale sanitaire et écologique, leurs destins et leurs intérêts se croisent et s’entrechoquent.
En adoptant ce triple point de vue, Frédéric Tellier offre ainsi une vue d’ensemble de la situation. Un monde où les individus tentent de renverser un système étatique, judiciaire et entrepreneurial qui les écrase. Le réalisateur injecte par ailleurs de la nuance à un récit engagé. « J’ai essayé de ne pas offrir aux gens ma pensée toute simple mais de proposer des personnages nuancés », explique-t-il. Ainsi, filme-t-il un Goliath, lobbyiste véreux – Pierre Niney, impeccable à contre-emploi – dans des scènes d’une grande tendresse avec sa famille. Frédéric Tellier nous présente également un David faillible – Gilles Lellouche et Emmanuelle Bercot, très justes et sur la brèche – prompte à commettre des erreurs.
« Toute ressemblance avec la réalité n’est ni fortuite ni involontaire »
Fruit d’un long travail de recherche, Goliath s’inscrit dans la droite lignée des précédents films de Frédéric Tellier (Affaire SK1 et Sauver ou périr), attachés au réel. Dès l’introduction, il nous met d’ailleurs en garde : « Toute ressemblance avec des personnages réels n’est ni fortuite ni involontaire ». « Je n’ai fait que des films sur des histoires vraies et j’aime être irréprochable sur les faits. Ça prend du temps, des années d’enquête, de rencontres, de voyages, de rendez-vous, de documentation par tous les moyens. J’ai eu beaucoup de consultants, de journalistes spécialisés sur le sujet qui m’ont aidé à vérifier les pistes, à les recouper », explique le réalisateur à Natura Sciences.
De fait, le procès contre Phytosanis n’est pas sans rappeler le procès qui a opposé un retraité californien à Monsanto il y a quelques mois. Les tentatives de Matthias de peser sur le renouvellement du permis de la tétrazine auprès de l’Union européenne, raisonnent curieusement avec l’actualité de la réautorisation du glyphosate. Par ailleurs, le combat de France semble calqué sur celui des riverains qui luttent pour éloigner les zone d’épandage des herbicides des zones d’habitation.
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Le cinéma, un lanceur d’alerte ?
Co-écrit par Simon Moutaïrou déjà derrière le récent « Boîte noire », Goliath s’appuie sur une construction progressive de la tension et un sens du rythme indéniable. Après Steven Soderbergh et Erin Brockovich, seule contre tous ou, plus récemment, Todd Haynes et Dark Waters ou Farid Bentoumi et Rouge, Frédéric Tellier use des codes du thriller pour mettre en lumière un scandale sanitaire et environnemental. « Je pense que le cinéma est un média très puissant émotionnellement. Je voulais raconter cette histoire au cinéma, à la fois avec du spectacle mais aussi du fond », explique le réalisateur.
Une démarche qui pourrait bien peser dans le débat ou, dans une moindre mesure, sensibiliser l’opinion publique. « Les cinéastes ne parlent pas que de faits et de chiffres. Nous nous approchons des personnages avec un effet miroir, explique Frédéric Tellier. Nous donnons à penser aux gens avec des personnages qui leur ressemblent ».