Le 15 avril dernier, s’est ouvert au Palais de Tokyo à Paris, l’exposition « Réclamer la Terre ». Exposés jusqu’au 4 septembre prochain, quatorze artistes repensent notre place dans la nature. Une exposition immersive et sensible.
Dans son ouvrage Par-delà nature et culture (Ed. Gallimard), paru en 2005, l’anthropologue Philippe Descola invitait à repenser les relations entre l’humain et le reste du vivant. Depuis le 15 avril dernier, l’exposition « Réclamer la Terre », présentée au Palais de Tokyo à Paris pense à son tour le monde au-delà de cette frontière.
Quatorze artistes du Chili, du Brésil, du Pérou ou encore de Guyane française présentent leurs œuvres organiques et engagées. Autant d’invitations à repenser les logiques extractivistes et capitalistes du monde contemporain. Dans cette exposition, conseillée notamment par la sociologue écoféministe australienne Arien Salleh, il est également question de la place des femmes et des luttes des premières nations australiennes ou canadiennes.
« Réclamer la Terre » avec tous ses sens
On est touché, en parcourant l’exposition, par la façon dont les quatorze artistes sollicitent tour à tour nos sens. Tabita Rezaire et Yussef Agbo-Ola invitent notamment à se déchausser pour fouler la terre de leur structure Nono : temple de la terre. « Conçu comme une entité spirituelle, cet espace sacré invoque le pouvoir de guérison du sol et fait appel à sa capacité à transformer, nourrir et libérer la vie », nous indique-t-on.
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Les clapotis d’un cours d’eau s’échappent d’une salle de projection plongée dans le noir. L’artiste d’origine Mapuche – peuple indigène chilien – Sebastián Calfuqueo, y présente Liquid Being. Un court métrage qui dénonce la privatisation de l’eau au Chili, mise en place par la dictature de Pinochet. À travers l’eau, Calfuqueo interroge également la notion de binarité de genre.
Pour ce qui est du regard, il est forcément attiré par le travail de la Néo-zélandaise Kate Newby. Cette artiste a travaillé des morceaux de verre collectés dans Paris avec de la porcelaine de Limoges. Le résultat, comme une plage de coquillages, interroge notre rapport à la matière et aux éléments du quotidien, que l’artiste réutilise dans son travail.
Un impact environnemental diminué … mais non négligeable
« Notre rapport au vivant n’est pas seulement le thème de l’exposition, il a imprégné notre façon même de la penser », explique Matthieu Boncour, directeur RSE du Palais de Tokyo. « Les artistes travaillent à partir de matériaux naturels, s’inspirent du vivant, sont dans une logique de réemploi. Et puis nous avons réalisé des coproductions et certaines œuvres vont ensuite participer à d’autres expositions », complète-t-il. Le directeur RSE précise que la scénographie de « Réclamer la Terre » a en partie été récupérée d’une précédente exposition et sera en partie réutilisée pour une suivante.
Matthieu Boncour reste toutefois lucide, acheminer les œuvres d’une dizaine d’artistes originaires du monde entier représente un coût environnemental colossal. « Nous avons choisi de maintenir cette exposition à impact carbone élevé. Nous estimons en effet qu’elle possède également un impact primordial sur les consciences », explique-t-il. Un arbitrage encore délicat entre diminuer son impact environnemental ou sensibiliser le plus grand nombre.