Élus, experts, représentants de la société civile et l’Observatoire des multinationales ont lancé mardi 30 novembre une commission d’enquête parlementaire et citoyenne. Elle examinera le « bien-fondé » des aides publiques au secteur privé. Les membres, issus de divers groupes politiques, estiment que des conditionnalités pourraient constituer un « levier de transformation écologique, économique, sociale et fiscale ».
Au nom de l’intérêt commun. Mardi 30 novembre, les parlementaires issus de différents groupes, ont rendu public le lancement d’une commission d’enquête, chargée d’évaluer la légitimité des aides publiques au secteur privé. Ces élus travaillent en collaboration avec l’Observatoire des multinationales, ainsi que des experts (économistes, juristes, présidents d’associations…) et représentants de la société civile. Ensemble, ils ont constitué un programme de travail. Encore provisoire, celui-ci vise à porter des exigences de « conditionnalité » et transformer le système économique actuel. L’objectif : rétablir une « transparence » et une « démocratie d’information » sur les ressources publiques attribuées aux grandes entreprises. Les parlementaires mettent l’accent sur la réponse à l’accroissement des inégalités sociales et environnementales. Ils insistent également sur le « péril des services essentiels », en citant l’école publique, l’hôpital public et la justice.
Un « manque de transparence » sur les aides publiques
Six membres de la commission ont détaillé un constat partagé sur les aides publiques, mardi 30 novembre à l’Assemblée nationale. Autour de la table, presque exclusivement constituée de femmes, Maxime Combes, économiste, expose les grandes lignes de ce projet. « Nous avons, avec l’observatoire des multinationales, produit un stand de données montrant que les aides publiques liées au secteur privé liées à la pandémie Covid-19 ne sont pas conditionnées aux exigences écologiques, sociales, fiscales. ».
Cette commission d’enquête parlementaire et citoyenne intervient après la publication d’une étude sur les aides perçues par les grands groupes. « Quand on regarde les entreprises du CAC40, on se rend compte que 100% de ces groupes ont été aidés et que 80% des groupes ayant touché le chômage partiel ont par la suite versé un dividende, continue Maxime Combes. Nous sommes confrontés à un manque de transparence, de suivi et d’accès aux données pour savoir qui a touché quoi, dans quel but avec avec quels objectifs ». Pour les parlementaires, ces observations interrogent sur le « bon usage » des ressources publiques pour les grands groupes.
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Des conditionnalités « écartées » par le gouvernement
À partir ce constat, les critiques s’enchaînent. « C’est un scandale démocratique que de l’argent public soit investi en dépit de l’urgence écologique et sociale, et ne serve, à terme, qu’à augmenter les dividendes des actionnaires », déplore Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne (LFI). Dans le même temps, et en dehors des aides ponctuelles, Emilie Cariou, députée de la Meuse (Groupe Ecologie démocratie solidarité), avertit que la baisse du taux des impôts de production (abordée pendant le quinquennat) « ne bénéficie pas à des entreprises qui ont souffert de la crise », contrairement à de grands groupe du secteur financier. L’élue dénonce également de l’argent coulé « à flot », sans « octroyer des aides de transition écologique ». Les parlementaires estiment que les aides déployées auraient pu être mises « au service de la transformation sociale et écologique ». « Le gouvernement a systématiquement écarté toutes les propositions en ce sens », avertit Maxime Combes.
À son tour, la députée des Hauts-de-Seine, Elsa Faucillon (PC), prétend que ces sommes monétaires justifiaient les « mesures de contrôle et de dépossession des plus précaires » alors que les aides publiques « s’accumulent pour les entreprises du CAC40 ». Pendant la crise sanitaire, les divers plans d’urgence ont entraîné des débats sur la conditionnalité de ces aides publiques. Mais les parlementaires évoquent une « occasion manquée ». « Le gouvernement a œuvré pour qu’aucun véhicule législatif n’y contribue pleinement », souligne le constat présenté pendant l’ouverture de la commission.
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La commission doit préciser son calendrier
Le travail de cette commission d’enquête parlementaire et citoyenne vise à produire un « livre blanc », en vue de l’élection présidentielle à venir. Ce document final permettrait d’« alimenter les débats publics et électoraux », en présentant un état des lieux, analyses et recommandations. La commission prévoit sa publication dès le mois de mars prochain. En attendant,la commission évaluera les propositions de conditionnalités portées par les ONG, syndicats et entrepreneurs sociaux. Des représentants de Greenpeace, Oxfam France, CCFD-Terre solidaire, ou encore des syndicats CGT, établiront « un état des lieux partagé sur les propositions emblématiques portées par la société civile ».
En plus de ces rencontres, figurent au programme des séances de réflexions par secteur. Les aides publiques et exonérations fiscales sur le secteur de l’énergie, ou les conditionnalités pour le secteur aérien, font partie de ce calendrier. Il s’agira notamment d’examiner l’adaptabilité et l’efficacité des aides publiques sur les énergies les plus polluantes. Mais aussi de formuler des propositions pour transformer le secteur aérien, entre transition écologique et reconversion industrielle. Ainsi, pour cette commission d’enquête, les thèmes écologiques interviennent après les allègements fiscaux, le secteur pharmaceutique et la grande distribution. La commission doit encore préciser et confirmer les dates prévues au programme.
Sophie Cayuela