Dire adieu à la viande, voici un choix que de plus en plus de Français ont fait. Mais franchir le pas peut encore sembler radical. Alors changer son alimentation, même légèrement, est-ce quelque chose de contraignant ? Nous avons recueilli le témoignage de plusieurs végétariens qui se rappellent de leurs débuts et parfois de leurs difficultés.

William a 18 ans, vit chez ses parents et adore les animaux. En décembre dernier, le jeune garçon tombe sur l’enquête de L214 sur un élevage de cochons à Ortillon. Les images chamboulent son alimentation : il décide alors de passer définitivement au végétarisme. « J’ai éteint mon ordinateur et je suis allé dans le salon pour le dire à mes parents ». Les images marquent. En 2015, Clarisse, 25 ans, est tombée sur des vidéos de cette même organisation. « J’ai vu la vidéo de trop, je ne voulais plus être complice de ça », se souvient-elle.
Manon, 19 ans, a vécu plusieurs mois en Afrique et a constaté les dégâts de l’homme sur l’environnement. « Quand je suis retournée en France il y a 5 ans, j’ai commencé à regarder des documentaires sur la question de l’alimentation et j’ai décidé d’arrêter cette consommation néfaste », explique-t-elle. Depuis 2017, Manon ne mange plus de viande.
Juline, 23 ans, est flexitarienne depuis trois ans quand elle tombe sur un documentaire qui va changer encore plus son alimentation. « Le déclencheur pour moi à été le documentaire ‘Cowspiracy’. Il met en avant des chiffres sur l’impact écologique de la viande. Pour moi, c’est devenu une évidence que je devais arrêter. Je suis végétarienne depuis le début d’année 2022″, témoigne-t-elle.
La difficulté d’être végétarien.ne en famille
Commencer un régime sans viande, le tout en étant dépendant de sa famille, engendre parfois des complications. « Mon sentiment est que leur première réaction a été celle de penser que cela n’était qu’un caprice d’enfant », explique William. Il admet qu’il espérait une meilleure considération de leur part. « J’étais décidé. Mais dès le lendemain il y avait de la viande à midi », ajoute-t-il.
Clarisse quant à elle se remémore ses premiers jours. « Je me souviens que j’ai débuté mon végétarisme le 1er avril 2015, mes parents ont cru à une blague. Ils pensaient que ma révolte était passagère. Au début mes parents voulaient que je continue de manger du poisson chez ma tante pour que j’évite de l’ennuyer en lui demandant un plat végétarien », explique-t-elle. En ce qui concerne Juline, l’épreuve du feu sera les premiers repas. Pour elle, qui a commencé son régime en janvier, il va falloir que chacun fasse des efforts. « Mes parents basent leur alimentation sur la viande, je vais donc montrer que je suis impliquée. Je vais me mettre en cuisine avec eux pour faire passer le message ou me préparer à manger en amont », explique-t-elle.
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Parfois le changement alimentaire effraie les parents. « La difficulté est que je suis allée à l’hôpital pour anorexie. Lorsque j’ai décidé d’arrêter de manger de la viande, mes parents pensaient que c’était une tentative pour manger encore moins. Il a été difficile de faire comprendre qu‘il s’agissait une réelle conviction », témoigne Manon. « Mais le végétarisme a finalement eu l’effet inverse sur mon corps. J’ai commencé à prendre du poids, car je voyais mon alimentation de manière plus saine, moins effrayante, plus fun et bonne pour la planète », analyse-t-elle. « Ça m’a aidé à me rabibocher avec la nourriture et mes parents ont commencé à accepter. Ma grand-mère me préparait même des plats que je pouvais manger dès que je venais lui rendre visite », explique-t-elle.
« Avec ma mère c’était compliqué au départ », confie Roxanne, 23 ans, végétarienne depuis 2017. « Refuser de la viande, c’est une chose, mais refuser la saucisse de Morteau au dîner de famille c’est autre chose. Ma mère pensait que je serais incapable de refuser ce type de plat. Pour elle j’étais gourmande et devenir végétarienne allait à l’encontre de ce trait de personnalité. On associe souvent la viande au plaisir, à la gourmandise. Mais aujourd’hui ma mère ne mange presque plus de viande non plus », dit-elle.
Des courses de plus en plus faciles à faire
Pour que le message passe, « j’ai commencé à venir faire les courses avec mes parents pour être certain que mon choix était pris au sérieux », explique William. « Puisque je suis à la charge de mes parents, remplir le cadi en prenant en compte mon régime alimentaire n’était pas si simple au début », ajoute-t-il.
Une fois entrée dans le supermarché, « les course se font facilement, l’offre végétarienne est riche », témoigne Juline. Elle ajoute : « Je suis curieuse de la nourriture végétarienne, je découvre des substituts, comme des bolognaises végétales. Je ne passe pas plus de temps à chercher ce qu’il me faut car tout est au même rayon. Finalement, je ne dépense pas plus d’argent qu’avant mon changement de régime alimentaire, car la viande était très chère ».
Clarisse, qui a commencé son végétarisme il y a sept ans, note une amélioration dans les choix de plats sans viande dans les supermarchés. Retirer la viande de son régime alimentaire, devient une résolution de plus en plus accessible et peu contraignante.
Un choix de plus en plus socialement accepté
« Je suis passée du jour au lendemain à demander à la cantine des plats sans viande et sans poisson, c’était bizarre. Tu passes de saucisse purée à purée. Cela crée une différence avec les autres au début », explique Roxanne sans pour autant se sentir à l’écart socialement aujourd’hui.
William ne s’est jamais senti à part à cause de son régime alimentaire et note que les jeunes sont « de plus en plus conscients de ce qu’est le végétarisme ». Clarisse fait le même constat. « Les gens ont toujours accepté. Pour les soirées, on fait en fonction pour que tout le monde puisse manger. Les restaurants se sont adaptés et aujourd’hui ça ne pose pas de problème ». Cette dernière ajoute : « au travail on va s’acheter des choses au supermarchés, et je peux manger ce que je veux sans problème ».
Clarisse confesse néanmoins que les débuts n’ont pas été si simples. « Les deux premières années, les gens avaient tendance à oublier que j’étais végétarienne. Quand j’étais invitée chez des amis, je me sentais souvent embarrassée de demander s’ils avaient prévu quelque chose pour moi. Je me disais que je devais amener quelque chose à manger ».
Clarisse souhaite partager une anecdote. Après un an de végétarisme, elle devait effectuer une prise de sang pour des examens. Son médecin traitant, au vu des résultats, lui a demandé s’il elle avait changé son alimentation. Le mauvais cholestérol de son organisme avait drastiquement diminué. Elle y voit une façon de dire à ses proches qu’être végétarien ne signifie pas que l’on est en mauvaise santé ou plus fragile.
Un geste pour l’environnement accessible
Le rapport à l’alimentation et à la viande est en pleine évolution. Le végétarisme et ses variantes, flexitarisme et véganisme notamment, s’inscrivent dans une évolution plus globale du rapport à l’alimentation des Français. Avec comme fil conducteur l’interrogation sur les conséquences de ses choix de consommation.
Souvent appréhendé comme drastique, le changement de régime alimentaire se fait en réalité progressivement, et parfois à plusieurs. Les témoignages recueillis tendent vers cette expérience. Ne pas manger de chaire animale n’empêche pas de manger énormément d’autres choses, contrairement au véganisme, plus restrictif. Ces mêmes témoignages expliquent se sentir mieux dans leur corps et dans leur tête. Malgré un goût différent des produits, s’y accommoder est le « prix à payer » pour sauver la planète.
Selon un sondage IFOP, en 2020, seuls 2,2 % des Français se déclarent appartenir à l’un des régimes sans viande (pescetarien, végétarien ou végan). 24 % des Français se considèrent flexitariens, les 74 % restants se positionnant en tant qu’omnivores.