Le rapport « Synthétiques anonymes 2.0 », publié ce mercredi par Changing Markets Foundation (CMF), en coopération avec l’ONG française No Plastic in My Sea, dénonce la trop forte dépendance du secteur de la mode aux fibres synthétiques. L’étude pointe du doigt certaines marques très populaires.

L’industrie textile utilise de plus en plus de fibres synthétiques. Désormais, plus des deux tiers de nos vêtements sont constitués de plastique. Dans un contexte d’urgence climatique, les fibres produites à partir de combustibles fossiles (pétrole, charbon ou gaz) perpétuent la dépendance de l’industrie de la mode aux hydrocarbures. Pour connaître un peu mieux les pratiques de 55 marques de mode, les ONG Changing Foundation et No Plastic in My Sea leur ont soumis un questionnaire portant sur leur utilisation de fibres synthétiques. 31 ont répondu.
Ces marques ont détaillé leurs fournisseurs de fibres, leur utilisation de fibres recyclées ou encore leurs engagements en faveur de l’élimination progressive des fibres synthétiques. Ces réponses et des recherches complémentaires ont permis aux deux ONG d’élaborer le rapport « Synthétiques anonymes 2.0 » publié ce mercredi. Il révèle que, malgré les promesses « vertes » ou « éco-responsables », l’industrie de la mode ne réduit aucunement sa dépendance aux fibres synthétiques issues des combustibles fossiles.
Une dépendance destructrice
L’étude met l’accent sur la dépendance de l’industrie de la mode aux fibres synthétiques. Elles « relarguent des microplastiques au lavage et sont difficilement recyclables », explique le communiqué des ONG. « L’étude de Changing Market à laquelle nous avons collaboré démontre encore une fois la dépendance de l’industrie de la mode aux fibres synthétiques et notamment au polyester », affirme Muriel Papin, déléguée générale de No Plastic in My Sea.
« Nous sommes déçus de la dépendance croissante des marques de mode aux combustibles fossiles en période d’urgence climatique« , déplore Urska Trunk, responsable de campagne, Changing Markets. Selon elle, la mode doit faire le ménage et réduire sa dépendance aux fibres synthétiques pour limiter la pollution. « De la pollution micro-plastique qui s’infiltre dans nos rivières et océans aux piles de vêtements déversées dans les décharges des pays du Sud », précise-t-elle.
Parmi les marques qui utilisent le plus de fibres synthétiques par rapport au total des fibres utilisées, les Français connaissent notamment les marques Adidas (56% de fibres synthétiques), Bonprix et Puma. Chez les marques qui utilisent le plus de matières synthétiques en volume, se trouvent Nike (245 239 tonnes), les marques de groupe Inditex (Zara, Bershka, Pull&Bear, Massimo Dutti), Puma ou encore C&A.
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La fausse bonne idée du polyester
Les marques affichent des engagements d’augmentation des matériaux « durables ». Mais « dans les faits, elles se limitent souvent à des tissus synthétiques recyclés ou plutôt décyclés », explique Muriel Papin. C’est le cas du polyester fabriqué à partir de bouteilles en PET. « Cela est une fausse bonne solution car ces matériaux compromettent le recyclage des produits qu’ils composent. Il s’agit en réalité de décyclage », insiste-t-elle.
Parmi les marques qui utilisent le plus de polyester recyclé (par rapport à la teneur totale en fibres recyclées des produits), le rapport épingle là aussi des marques populaires. C’est notamment le cas des marques Puma (93% de polyester recyclé), Zalando, C&A et Levi Strauss & Co. « Alors que 45 des 55 marques, interrogées pour cette étude, se sont fixées des objectifs pour augmenter leur contenu synthétique recyclé, seule une poignée de marques investissent dans de vraies solutions, telles que la technologie de recyclage fibre à fibre », explique Muriel Papin.
Une conclusion alarmante et une lueur d’espoir
La majorité de l’industrie traîne les pieds. Elle « ne reconnaît pas que les matières synthétiques sont un des principaux responsables de la pollution croissante par microfibres plastiques, une pollution grandissante qui s’ajoute aux autres formes de pollution plastique », explique le rapport.
40 % des entreprises sur (22 sur 55, NDLR) ont été référencés dans la catégorie « Zone rouge » du classement de Changing Market Foundation et de No Plastic in my sea. Une zone rouge qui regroupe les marques qui manquent complètement de transparence sur leur stratégie d’utilisation des fibres synthétiques. « Malheureusement, 45 % des entreprises avaient une politique faible en matière de microfibres, regrette Muriel Papin. « Une minorité, quant à elle, fait preuve à la fois de transparence et d’engagements concrets. »
Le rapport soulève toutefois un espoir. Les marques reconnaissent l’importance d’aller au-delà des seuls engagements volontaires. Les ONG appellent donc à une réglementation encadrant l’usage des fibres textiles, imposant des objectifs de réemploi et de recyclage et visant à réduire le risque de fausses déclarations environnementales.