La compagnie aérienne Finnair a annoncé l’interruption définitive de deux liaisons intérieures en Finlande. Les voyageurs voulant effectuer l’un de ces deux trajets de moins de 200 kilomètres le feront désormais en bus.
En Finlande, la compagnie aérienne principale Finnair vient de prendre une décision inédite et encourageante dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique. Ce mercredi 5 avril, Finnair a annoncé par voix de communiqué l’interruption de “deux de ses liaisons intérieures les plus courtes”. Cela signifie qu’à partir du 1er mai 2023, les trajets entre Helsinki et les villes de Turku et Tampere se feront en bus. D’après Finnair, ces deux liaisons s’effectuaient en 25 minutes de vol.
Désormais, les voyageurs devront effectuer un voyage terrestre d’environ deux heures en bus pour rejoindre ces destinations. Pour ce faire, Finnair a créé deux lignes de bus allant respectivement vers chacune des villes. Tous les jours, quatre trajets permettent dès à présent aux usagers de rejoindre Turku, sur la rive est de la mer Baltique, ou Tampere, située dans la baie de Porrasalmi. Ces bus seront alimentés par du biodiesel, précise la compagnie.
Des arguments économiques et environnementaux pour Finnair
Perttu Jolma, vice-président du réseau Finnair, justifie cette décision par le faible nombre de voyageurs empruntant ces lignes. Et cela a un impact direct sur l’empreinte carbone de ces navettes. “Les vols vers Tampere et Turku sont particulièrement courts et le nombre limité de passagers (environ 35 % de taux de remplissage) signifie que les émissions carbone par passager sont plus élevées que sur beaucoup d’autres liaisons similaires de notre réseau. Le transport routier ou ferroviaire est une option plus durable pour les liaisons entre l’aéroport d’Helsinki et ces villes. Nous comprenons que cette décision puisse décevoir les voyageurs […] Nous devons cependant tenir compte des facteurs économiques et environnementaux.”
En supprimant ces lignes aériennes en faveur de la route, Finnair pourra diviser par deux les émissions carbone de chaque voyageur. D’après l’outil d’estimation de quantité d’émissions rejetées par déplacement de l’Ademe, un trajet en bus (à moteur thermique) de 180 kilomètres, soit la distance routière entre les villes d’Helsinki et de Tampere, émet 20 kg de CO2e par personne. Le même trajet parcouru en avion en émettrait 41, ce qui en fait le moyen de transport le plus émetteur sur cette distance.
Pour rappel, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) indique qu’en 2019 le transport aérien mondial avait émis près de 1,04 milliard de tonnes de CO2. Cette année-là, le trafic aérien domestique était responsable de près de 40% des émissions du secteur. En 2021, ce chiffre s’approchait des 720 millions de tonnes de CO2, regagnant presque un tiers de la baisse causée par la pandémie.
Limiter le transport aérien : une nécessité
Pour le Réseau Action Climat, la décision de Finnair est positive et une avancée dans la bonne direction. Cependant, cette désision reste avant tout symbolique. “C’est évidemment vers cela qu’il faut aller mais sur l’impact carbone, nous parlons de deux très petites lignes. Cela risque de ne pas suffire pour lutter contre le réchauffement climatique. Par contre, cela interroge plus globalement sur les manières dont nous pouvons nous passer de l’avion sur un certain nombre d’usages, et notamment sur les lignes intérieures et les vols courts” explique Pierre Leflaive, responsable transports pour Réseau Action Climat, à Natura Sciences.
Pourtant, du côté de la France, la tendance est bien différente. Mi-avril 2023, la compagnie aérienne Twin Jet ouvrira une nouvelle ligne. Elle reliera les villes de Lille et Lyon avec un avion de seulement 19 places. Ce vol durera 1h30, contre un trajet de 3 heures en train. Pierre Leflaive déplore cette décision. “Ce qu’il faut avoir en tête, c’est que lorsqu’on emprunte l’avion plutôt que le train, on émet 85 fois plus de CO2. Et là, nous parlons d’un avion de 19 places alors qu’il peut y en avoir 600 à 700 dans un train. On voit bien l’inefficacité en termes de mobilité. De plus, les conséquences sur le réchauffement sont très importantes”, regrette-t-il.
Un changement qui doit venir du politique
Face à ces chiffres, le Réseau Action Climat appelait déjà, dans une tribune en 2019, à réduire le trafic aérien français. “Si nous nous montrons incapables de réduire rapidement et significativement le trafic aérien, comment pouvons-nous sérieusement croire que nous arriverons à infléchir les émissions de gaz à effet de serre pour respecter nos engagements sur le climat ? ”, écrivaient-ils.
En France, la loi climat de 2021, devait interdire les vols intérieurs pour lesquels il existe une alternative en train en moins de 2h30. Cette mesure, originaire de la convention citoyenne pour le climat, devait entraîner une réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. Pourtant, deux ans après l’adoption de cette loi, ces vols ne sont toujours pas interdits. “Aujourd’hui, c’est aussi du côté politique que le changement doit venir. À la fois avec une réglementation des lignes lorsqu’il existe une alternative en train, mais aussi par exemple sur l’application de la taxe kérosène pour ramener une équité fiscale entre les modes de transport”, rappelle Pierre Leflaive.