Secteur par secteur, le Giec appelle à des mesures permettant de réduire le plus possible les émissions de gaz à effet de serre. Le dernier rapport publié ce lundi présente, pour chacun, les priorités pour atteindre l’objectif des 1,5°C fixé lors de l’Accord de Paris en 2015.
Le dernier rapport des experts du Giec publié lundi est sans appel. Pour ne pas dépasser le seuil de +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle, les émissions de gaz à effet de serre doivent atteindre leur pic avant 2025. Et elles doivent diminuer de 43% d’ici 2030 par rapport à 2019. Un scénario possible selon les experts climat de l’ONU. Si le délai semble très court, les calculs des options disponibles par secteur montrent que « le potentiel total de réduction d’émissions d’ici 2030 » est « suffisant » pour les réduire à la moitié du niveau actuel « ou moins », assure le texte.
Une large palette d’options déjà disponibles dans chaque secteur (énergie, agriculture, transport…) permettrait de réduire les émissions nettes annuelles de 31 à 44 gigatonnes d’équivalent CO2 d’ici 2030. Le Giec souligne que les bénéfices attendus de certaines solutions excèdent les coûts de leur mise en place. Par comparaison, en 2019, les émissions totales étaient de 59 gigatonnes.
Le Giec souligne l’absence de solution miracle permettant de limiter le réchauffement. Toutefois, les quatre options qui révèlent le potentiel le plus élevé sont le développement de l’énergie solaire, le développement de l’énergie éolienne, la réduction de la déforestation et la restauration des forêts.
Les progrès de l’éolien et du solaire
Grâce au solaire, il serait possible de réduire les émissions entre 2 et 7 gigatonnes d’équivalent CO2 en 2030. L’éolien permettrait de gagner entre 2,1 et 5,6 gigatonnes. Les deux options ont en outre l’avantage de présenter en majorité des « coûts négatifs », c’est-à-dire inférieurs aux énergies fossiles. Entre 2010 et 2019, les coûts de déploiement du solaire et de l’éolien ont chuté respectivement de 85% et de 55%, indique le rapport. D’autres options ont un potentiel moins élevé, avec un coût plus important. Il s’agit du nucléaire, de l’hydroélectricité ou de la chasse aux émissions de méthane dans la production d’énergies fossiles.
Toutefois, le rapport précise que les seules réductions d’émissions à court terme, c’est-à-dire pour horizon 2030, seront insuffisantes pour atteindre l’objectif visé. Dans les scénarios limitant le réchauffement à 1,5°C, les émissions nettes de CO2 du secteur de l’électricité atteignent zéro au niveau mondial entre 2045 et 2055. Pour atteindre cet objectif, il faudra « modifier considérablement le système énergétique au cours des 30 prochaines années ». Sans surprise, cette transition passe par la réduction de la consommation de combustibles fossiles. Mais également par l’augmentation de la production à partir de sources d’énergie à faible émission de carbone.
Les forêts représentent des puits de carbone essentiels
Les forêts sont des puits de carbone cruciaux pour absorber les émissions de CO2 générées par les activités humaines. En parallèle, limiter la déforestation et la destruction des prairies pourrait réduire les émissions nettes entre 3 et près de 8 gigatonnes. Et restaurer ces écosystèmes permettrait d’économiser de 1 à 5 gigatonnes. Mais ici, il faut accepter de dépenser de l’argent pour protéger les forêts et les prairies.
Le taux de déforestation, qui représente 45 % des émissions du secteur de l’agriculture, a globalement diminué, tandis que la couverture forestière mondiale et les niveaux des stocks de croissance forestière mondiaux ont augmenté. Accessoirement, les pertes de carbone s’observent généralement dans les régions tropicales et les gains dans les régions tempérées et boréales.
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Les réductions d’émissions dues à la déforestation peuvent être réalisées relativement rapidement, alors que la baisse des émissions dans les autres secteurs nécessite des investissements. L’intensification durable de l’agriculture, l’évolution des régimes alimentaires et la réduction des déchets alimentaires pourraient également réduire les besoins en terres agricoles. Par ailleurs, le Giec soulève d’autres potentiels de réduction des émissions pour le secteur agricole et la sylviculture. Parmi eux, la séquestration de carbone dans l’agriculture et la baisse des émissions agricoles de méthane (ruminants…). S’ajoute également la meilleure gestion des forêts, le changement de régimes alimentaires ou encore la réduction du gaspillage alimentaire.
Réduire la demande de services de transports
Dans les transports, il existe une variété d’options qui permettraient une réduction plus modeste que dans d’autres secteurs. Mais elles seraient à moindre coût pour l’économie. Cela inclut le passage aux transports publics, aux véhicules électriques et l’efficacité énergétique dans l’aviation. En ville, la demande en services de transports pourrait se réduire au profit d’une utilisation plus accrue, grâce à la mise en place d’infrastructures spécifiques. « L’économie circulaire, l’économie partagée et les tendances à la numérisation peuvent favoriser [ces] changements systémiques « , complète le rapport.
Les réponses apportées à la pandémie de Covid-19 ont été prises en compte pour réduire les émissions. « Si le télétravail peut réduire la demande de transport, l’augmentation du covoiturage peut accroître le nombre de véhicules-kilomètres parcourus », mentionne le Giec. Mais du côté du transport maritime et de l’aviation, les options de décarbonation nécessitent encore de la recherche et du développement, malgré l’avancée des biocarburants.
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Le rapport indique toutefois que les émissions liées au transport ont augmenté plus rapidement dans les pays en développement qu’en Europe ou en Amérique du nord. Cette tendance devrait se poursuivre au cours des prochaines décennies.
Investir davantage dans la décarbonation du bâtiment
Dans ce secteur, la construction de nouveaux bâtiments à haute efficacité énergétique a le plus fort potentiel devant l’amélioration de l’éclairage, la production et l’utilisation de renouvelables sur place, puis la rénovation du bâti existant. Au cours de la période 1990-2019, les émissions mondiales de CO2 provenant des bâtiments ont augmenté de 50 %. La demande finale d’énergie des bâtiments a quant à elle augmenté de 38 %. Et la demande finale d’électricité de 161 %.
Si le nombre de bâtiments à énergie nulle a augmenté au niveau mondial, la décarbonation des bâtiments est toutefois entravée par de « multiples obstacles ». Le manque de capacités institutionnelles, notamment dans les pays en développement, ralentit la décarbonation du parc immobilier mondial. Les flux financiers se trouvent également limités.
L’investissement mondial dans la décarbonation des bâtiments a été estimé à 164 milliards de dollars en 2020. Toutefois, selon le résumé technique du rapport, ce montant reste largement insuffisant pour combler le déficit d’investissement.
L’Industrie, secteur qui a le plus augmenté ses émissions
La majorité des options du secteur industriel sont disponibles à des coûts supérieurs à 20 dollars la tonne de CO2. L’indutrie présente toutefois des potentiels importants de réduction d’émissions, en particulier le passage à des sources d’énergies moins carbonées. Depuis 2000, l’industrie est le secteur qui a le plus augmenté ses émissions carbone. Cela s’explique par l’augmentation de l’extraction et de la production de matériaux de base.
Ces émissions de gaz à effet de serre proviennent essentiellement de la combustion de combustibles et de l’utilisation de déchets. En 2019, l’industrie représentait 24% des émissions directes d’origine humaine. S’aoute à cela la demande de plastique, qui a connu sa plus forte croissance depuis 1970 cette même année.
Ici, le GIEC recommande de développer le recyclage et la réutilisation. « La réduction de la demande de matériaux, l’efficacité des matériaux et les solutions d’économie circulaire peuvent réduire le besoin de production primaire », souligne le résumé technique du rapport.