Ce mardi, le gestionnaire du réseau électrique RTE notifiait que l’emplacement des futurs réacteurs nucléaires en France devrait tenir compte du changement climatique. Il invite à privilégier l’installation en bord de mer ou de certains fleuves.
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RTE, Réseau de transport d’électricité en France, soulignait ce mardi la nécessité de prendre en compte le changement climatique pour choisir l’emplacement des futurs réacteurs nucléaires. Sécheresse, canicules, raz-de-marée… Les centrales nucléaires n’échappent pas aux phénomènes liés au changement climatique. Elles doivent ainsi s’adapter pour continuer à fonctionner face aux conditions extrêmes.
Difficile de s’imaginer un monde sans nucléaire pour RTE. Dans son rapport publié fin novembre, RTE dévoile six scénarios prévisionnels pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur électrique à l’horizon 2050. Seule une prévision repose intégralement sur les énergies renouvelables. Tous les autres intègrent du nucléaire, qu’il soit historique ou de nouvelle génération. Dans son plan France 2030, le président Emmanuel Macron défendait le nucléaire et annonçait la construction de nouveaux réacteurs.
Les réacteurs nucléaires, qui fournissent environ 10% de l’électricité mondiale, nécessitent l’accès à de grands volumes d’eau pour se refroidir. Or, le projet Explore2070, chargé d’évaluer l’impact du changement climatique sur la ressource en eau à l’échéance 2070 en France, conclut qu’il faut s’attendre à “une diminution significative globale des débits moyens annuels à l’échelle du territoire”, de l’ordre de 10% à 40% selon les simulations.
Quels risques ?
RTE met en garde contre le risque d’arrêt des réacteurs pour cause climatique. C’est ce que relève son dernier rapport sur l’avenir du système électrique français à 2050. Dans son chapitre consacré au climat, le rapport indique : « À l’horizon 2050, dans les différents scénarios conservant des tranches nucléaires, le nombre de réacteurs arrêtés simultanément pour cause de canicule ou de sécheresse devrait progresser ».
L’hydroélectricité est aussi concernée. Outre le nucléaire, les effets du changement climatique sont aussi attendus sur cette technologie. Ainsi, la gestion des stocks hydrauliques “devra évoluer”. RTE évoque ainsi un probable “moindre remplissage des réservoirs hydrauliques à la fin de l’automne et au début de l’hiver”.
En cas d’augmentation des sécheresses et des canicules et en l’absence d’adaptations supplémentaires par l’exploitant, “il pourrait y avoir des pertes de production sur quelques sites, notamment sur la Meuse”, souligne Thomas Veyrenc, directeur de la stratégie, de la prospective et de l’évaluation chez RTE. Or, au bord de la Meuse se trouve la centrale de Chooz en Ardennes.
Privilégier les mers et fleuves
Les prévisions climatiques du Giec sont claires. Le groupe d’experts met en garde face à une accentuation des épisodes caniculaires. Mais aussi la menace de vagues pouvant submerger les côtes. Ces problématiques concernent directement le nucléaire.
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Les réacteurs, ayant besoin d’être refroidis en permanence, doivent prélever de l’eau dans une source froide. Et ils le font soit dans un cours d’eau, soit dans la mer. « Il y a aura une tendance à privilégier des emplacements possibles le long de la mer. Mais c’est possible également sur certains cours d’eau qui sont le moins impactés par le changement climatique », explique Thomas Veyrenc.
Afin de réduire l’incidence du risque de canicule ou de sécheresse, il faudrait « pour d’éventuels nouveaux réacteurs, privilégier le bord de mer ou certains fleuves à fort débit comme par exemple le Rhône”, ajoute Thomas Veyrenc. En cela, EDF a fourni une proposition détaillée pour six réacteurs EPR2 sur trois sites. Les deux premiers se situent en bord de mer, les deux autres le long du Rhône et du canal de Donzère-Mondragon, une dérivation de ce fleuve.
Des effets déjà visibles
Ces événements climatiques ont déjà eu des effets sur le parc nucléaire actuel. Notamment des indisponibilités simultanées atteignant jusqu’à près de 6 GW, soit environ 10% de la capacité, relève RTE. L’été dernier, EDF avait été contraint d’arrêter un réacteur à Golfech en Tarn-et-Garonne. En effet, l’eau rejetée à l’aval des centrales avait atteint les limites maximales, définies pour préserver la faune et la flore aquatiques.
En France, les pertes de production pour cause de températures trop élevées des cours d’eau ont représenté 0,3% de la production nucléaire annuelle depuis 2000, selon EDF. Face à ce risque, “il peut y avoir des mesures mises en œuvre dans un certain nombre de réacteurs pour réduire le risque d’indisponibilités”, estime Thomas Veyrenc. En France, des centrales sont notamment équipées de systèmes de climatisation industrielle pour faire face aux chaleurs ou encore de générateurs diesels de secours résistant aux tornades.
Ces risques ne remettent pas en question le développement des réacteurs selon certains experts. “On en n’est pas à revoir complètement la conception des installations ou à remettre en cause la construction de nouveaux réacteurs”, assure Karine Herviou, directrice générale adjointe de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Mais Mathilde Panot, députée LFI du Val-de-Marne, assure que l’exploitation des réacteurs nucléaires n’est pas adaptée au dérèglement climatique. « On sait par exemple que le Rhône va voir son débit baisser de 40%. Et que chaque été on ferme des réacteurs parce qu’on doit les refroidir”, déplorait-elle en septembre sur France 5.
Jeanne Guarato