Réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux JO de Londres en 2012 : telle est la promesse. Pour remporter les Jeux olympiques de 2024, le Comité de candidature parisien n’a pas hésité à brandir la carte de la « durabilité ». Un comité de transformation écologique voit le jour pour la première fois dans l’histoire des JO. Ce groupe devra, malgré parfois ses propres doutes, veiller à la réalisation des engagements promis. Enquête.
Les Jeux de Paris 2024 « serviront d’accélérateur pour le développement de programmes à impacts positifs sur l’environnement, la société et la biodiversité », promet le dossier de candidature. L’objectif ambitieux affiché par Paris est de réduire de 55% les émissions de gaz à effet de serre émises lors des derniers Jeux de Londres en 2012. Il s’agit de l’une des éditions les plus polluantes avec RIO 2016. Dans cette perspective, un Comité de transformation écologique conseillera et veillera à la mise en œuvre des engagements promis.
« Des Jeux 2024 plus propres oui, mais totalement, c’est impossible au vu de la démesure de l’évènement », reconnaît Gilles Bœuf, président honorifique du Comité de transformation écologique, professeur à la Sorbonne et expert en biodiversité. « Soit on arrête les Jeux, soit on compense. Je pense d’ailleurs qu’on aura de moins en moins de candidatures car beaucoup de pays ne peuvent pas respecter ces engagements ». Le président du comité le concède : « Du greenwashing ? Je n’en sais rien si les objectifs sont réalisables. Je l’espère mais je n’en sais rien du tout ». « Un évènement comme les Jeux, bien pensé, peut donner une image très positive sur le respect entre les femmes et les hommes de la planète. Il faut que les Jeux véhiculent un message d’égalité et de durabilité », ajoute-t-il.
Le Comité de transformation écologique des Jeux
Qualifié à l’origine « d’excellence environnementale », le comité doit accompagner Paris 2024 dans sa stratégie climatique et environnementale. Créé en septembre 2021, son nom change finalement en « Comité de transformation écologique ». Un changement de nom qui intervient car le précédent ne « correspondait pas à ce qu’est vraiment le Comité » selon Georgina Grenon, directrice de l’excellence environnementale de Paris 2024. « Ce Comité est là pour changer les Jeux, l’excellence ça n’existe pas. Le nouveau nom correspond mieux à ce que nous sommes », explique-t-elle. « Le Comité se compose de 9 membres, 9 experts », détaille-t-elle.
Le Comité a élu domicile à Saint-Denis dans un bâtiment de 30.000 mètres carrés (construits en structures bois) de six étages. Sur la terrasse, un potager sert à alimenter le restaurant d’entreprises en herbes aromatiques. C’est ici que le Comité doit conseiller et suivre la mise en œuvre des engagements environnementaux pour les Jeux.
Faire mieux qu’à Londres
Le président honorifique du Comité, Gilles Bœuf a participé aux choix des membres. Il explique son intégration dans le projet. « Le Comité est venu me voir, car je travaillais déjà dans préparation de la candidature de Paris 2024. Ce qui m’a séduit ? Déjà, j’adore le sport. Ensuite, c’est la personnalité de Tony Estanguet (président du Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024) que j’ai appris à connaître. C’est lui qui m’a demandé de présider, à titre honorifique, ce Comité », explique-t-il.
« Depuis le début, le Comité voulait faire des Jeux irréprochables. On s’est demandé si on pouvait faire mieux qu’à Londres. On ne peut plus organiser les Jeux comme on le faisait avant, la planète brûle. Que ça soit sur les transports, les constructions ou encore l’alimentation. Nous voulions donc créer, pour la première fois de l’histoire un Comité d’excellence environnementale », explique-t-il. « En conséquence il fallait sélectionner des gens irréprochables. On a donc des gens comme Thierry Marx que je connais depuis longtemps et avec qui j’ai une confiance totale. Il est là pour savoir comment on organise la restauration ou comment on ne gaspillera pas d’eau par exemple », précise-t-il.
Pour Georgina Grenon, « la neutralité carbone est possible pour ces Jeux, sans hésiter ». « Nous savons le faire. Cela commence par une réduction massive des émissions par rapport à ce qui se faisait avant. Puis nous travaillons sur la compensation », ajoute-t-elle.
Un Comité de transformation écologique
« Nous sélectionnons les membres sur la base de plusieurs critères. Sur leur capacité à maîtriser leur sujet, leur disponibilité et bien sûr leur motivation. Ce sont des gens qui travaillent beaucoup à côté comme Arnaud Leroy, président de l’ADEME, par exemple », explique Georgina Grenon. Elle poursuit : « Ce sont des vrais experts. Quelqu’un comme Vincent Courboulay, directeur scientifique de l’Institut Numérique responsable, il n’y en a pas 30.000 à son niveau. Ou encore Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Iddri, experte climat. Ce sont des pointures et c’est un honneur de travailler avec eux », s’enthousiasme-t-elle. En février 2022, au moment de cette interview, le Comité s’était réuni une seule fois. Trois à quatre réunions par an doivent avoir lieu jusqu’aux Jeux.
« Quel est le rôle des membres du Comité ? La première fonction principale, c’est le suivi de la mise en œuvre de notre stratégie environnementale. La deuxième c’est la formulation de recommandations. Les membres du Comité nous conseillent et nous proposent d’autres pistes. Ensuite le troisième point c’est de rendre un avis sur ce que nous faisons », énumère-t-elle.
La menace du greenwashing lors des JO
Le monde des JO n’est pas tout vert. Les derniers Jeux d’hiver 2022, en Chine, ont été marqués par l’utilisation d’une neige 100% artificielle. La Chine a détruit plus de 1.000 hectares de zones naturelles pour faire de la place aux nouvelles installations. Le CIO avait pourtant promis les Jeux « les plus verts de l’histoire ». 200 canons à neige ont recouvert la totalité des pistes d’une neige peu appréciée des athlètes, représentant une dépense totale de 185 millions de litres d’eau. Forcément les regards se posent désormais sur Paris 2024.
« Je suis venu à une seule condition que j’ai exposée au Comité : je viens si on change Paris pour toujours, pas seulement pour 15 jours. Il faut me le promettre. Je me pose la question tous les jours si cela n’est pas de la poudre aux yeux », admet le président du Comité de transformation écologique des Jeux.
Les promesses de la candidature Paris 2024
Le dossier de candidature voulait appuyer sur une prise de conscience. Il fallait enjôler le CIO (Comité international olympique) pour l’attribution des Jeux. « L’objectif n’est pas simplement de faire des Jeux plus verts, c’est de faire des Jeux alignés sur l’accord de Paris », avait déclaré en 2017 à l’AFP, Pascal Canfin, député européen et président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire. Selon les prévisions, 1,56 million de tonnes d’équivalent CO2 seront émises à l’occasion de ces JO, contre 3,42 millions à Londres. Elles seront compensées (par exemple par de la reforestation) grâce à un budget dédié de 30 millions d’euros.
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Le dossier met en avant la limitation des espaces utilisés. « Le concept des Jeux de Paris 2024 repose sur 95% d’infrastructures existantes ou temporaires », explique le document. « Nous proposons des équipements et des services urbains qui tiennent compte du défi climatique », est-il précisé. En cas de constructions, celles-ci doivent être responsables. Par exemple le chantier du quartier qui hébergera les 14.000 athlètes de la compétition en Seine-Saint-Denis se veut exemplaire en matière environnementale. Le béton bas carbone des travaux est notamment produit sur place. 20% de la consommation d’énergie du site sera autoproduite, grâce à des panneaux photovoltaïques intégrés à la toiture.
Ces principes se heurtent déjà à quelques complications. C’est le cas du chantier de la piscine d’Aubervilliers. En février dernier la cour administrative d’appel de Paris a estimé que le choix d’artificialiser un hectare de terres cultivables était en « incohérence » avec les objectifs environnementaux définis au niveau de la région. Les travaux du futur bassin d’entraînement des JO, portent ainsi « atteinte » à une zone primaire de biodiversité. Les travaux de la piscine ont été suspendus. Des jardiniers ont par ailleurs dû quitter leurs parcelles au début des travaux.
Énergies renouvelables et transports
Le dossier évoque également un « approvisionnement à 100% en énergies renouvelables des sites pendant les Jeux ». Il est même garanti qu’« aucune source d’alimentation complémentaire ne sera nécessaire pour compléter la capacité existante ».
Côté mobilité, le Comité s’engage à ce que tous les spectateurs se déplacent en transports en commun ou à vélo, et les athlètes feront plus de voyages en train et en véhicules électriques. « 80% des déchets seront réutilisés et recyclés pendant la phase opérationnelle des Jeux », promet également la candidature.