Des prévisionnistes britanniques estiment déjà que 2023 devrait battre des records de température. Pour limiter le recours aux techniques de climatisation énergivores, le député écologiste Julien Bayou propose une solution plus écologique et moins coûteuse : le « cool roofing », une technique qui consiste à repeindre les toits en blanc.
Et si nous repeignons tous les toits en blancs ? L’idée peut paraître saugrenue, pourtant, il s’agit d’une mesure scientifiquement prouvée visant à éviter la surchauffe des bâtiments. Cette technique, nommée « cool roofing », a été présentée en décembre 2022 à l’Assemblée nationale par le député Julien Bayou dans le cadre du projet de loi sur les énergies renouvelables. Par cette proposition, l’ancien patron de EELV souhaite se préparer à la montée des températures et baisser la consommation énergétique liée aux vagues de chaleur comme celles qu’a connu la France en 2022.
Selon le GIEC, sans baisse des émissions mondiales de gaz à effet de serre, il y aura deux fois plus de périodes de canicule en 2050 qu’aujourd’hui. Pour l’instant, la solution majoritairement employée reste le recours à la climatisation. Le constat est d’ailleurs édifiant : selon l’Agence internationale de l’énergie, la climatisation représente 10 % de la consommation électrique mondiale.
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D’ici 2050, près de deux tiers des ménages pourraient en être équipés, contre 26% en France aujourd’hui (étude CODA Stratégies). Or, la climatisation participe à cette surchauffe urbaine en augmentant la température des villes.
Un gain thermique de 4 à 5°C en intérieur
Pour éviter ce sur-usage de la climatisation, un procédé existe, et il n’est pas nouveau : le cool roofing. En Grèce ou en Tunisie, les maisons sont badigeonnées de chaux blanche précisément dans le but de limiter l’absorption de chaleur du bâtiment. C’est une pratique assez répandue, notamment dans le bassin méditerranéen.
Elle l’est aussi outre-Altantique. “Aux États-Unis, l’ensemble des magasins Walmart ont peint leur toit en blanc”, souligne Adeline Constant, directrice générale d’Enercool, société de cool roofing.La raison ? Le blanc renvoie 70 à 80 % des radiations qu’il reçoit. Cette couleur renvoie la chaleur, à la différence du noir, qui les absorbe. Appliquée sur le toit d’une maison, cette couleur contribue donc à rafraîchir le bâti. “En France, beaucoup de toitures sont en bitume noir. C’est efficace car très robuste. Mais l’été, ça monte à 80°C », développe Maxime Bourassin, fondateur de Covalba, fabriquant de peintures réflectives. Avec le cool roofing, cette température baisse en dessous de 40°C. Le gain thermique se situe entre 4 et 5° C à l’intérieur du bâtiment.”
Mais attention, en termes d’isolation thermique, toutes les peintures blanches ne se valent pas. En effet, une peinture ordinaire se dégrade sous l’effet des rayons du soleil, s’encrasse, et perd de son pouvoir réflectif. Il faut donc régulièrement la remplacer. Pour éviter cela, plusieurs entreprises françaises s’emploient à concevoir des peintures plus résistantes.
“Notre peinture intègre des pigments réflectifs qui renvoient les infrarouges responsables de la création de chaleur et qui résistent aux attaques des UV provoquant le vieillissement des toits. Il s’agit d’une technologie initialement utilisée par la NASA pour protéger les boucliers thermiques des lanceurs des rayons solaires” explique Adeline Constant. De son côté, l’entreprise brestoise Cool Roof innove en utilisant le calcium de coquilles d’huîtres en guise d’agent réflectif. “Nos peintures durent jusqu’à 20 ans”, se félicite Julien Martin-Cocher, DGA de l’entreprise bretonne.
Une technique réservée aux toits plats ?
Les résultats du cool roofing, réalisé à l’aide d’une peinture réflective adaptée, sont sans appel. “Dès la première année, les toits équipés de peinture réflective permettent de réduire de 40% la consommation d’énergie liée à la climatisation”, explique la directrice générale d’Enercool.
Mais en dépit de cet avantage, certains demeurent sceptiques. “On n’est pas dans les Cyclades, en Grèce, s’énerve le député d’Eure-et-Loir Guillaume Kasbarian, à l’entente de la proposition de Julien Bayou. Notre pays est riche de son patrimoine exceptionnel. Allez expliquer aux Normands qu’on va peindre les toits de chaume en blanc ! Ou à ceux qui ont des toits en ardoise, etc. Cette idée est inapplicable”. À cela s’ajoute une contrainte supplémentaire. “D’un point de vue réglementaire, le changement de couleur d’une toiture est encadré par l’urbanisme, cela nécessite une autorisation préalable”, développe Adeline Constant.
Pour cela, la majorité des toits peints en cool roofing sont plats, car moins visibles du voisinage. Dans le cas d’un toit plat, l’autorisation afin de réaliser les travaux pour le peindre en blanc est donc plus facile à obtenir, car il n’occasionnera aucune gène esthétique. Pour parer à ce problème et permettre aux propriétaires de bâtiments dont le toit est en pente d’adopter cette technique malgré tout, Enercool développe depuis peu des versions teintées. Cette peinture est proposée en six teintes : ardoise, zinc, tuile brune, tuile claire, tuile oxyde et tuile foncée. Permettant de conserver l’authenticité visuelle du revêtement d’origine, ces peintures apportent un gain “moindre mais pas négligeable, jusqu’à moins 3°C”, explique Adeline Constant.
Un besoin de démocratisation
Malgré une promesse d’efficacité certaine, le concept de cool roofing a un coût qui n’est pas accessible à tous. Enercool vend sa peinture réflective à 20 € du mètre carré de surface à peindre. Quant au revêtement de Covalab, il coûte 30 € par mètre carré, pose comprise. Une peinture blanche classique du commerce, à base par exemple de siloxane (qui n’est donc pas adapté au cool roofing), coûte entre 1,25 et 3 € le mètre carré. Souhaitant démocratiser cette technique, Cool Roof, soutenue par Time for the Planet, a une solution. L’entreprise, qui a le statut d’acteur de l’Économie Sociale et Solidaire, propose une formule DIY gratuite de peinture réfléchissante pour pouvoir en fabriquer soi-même.
Ainsi, Cool Roof veut permettre à chacun de découvrir et de tester le cool roofing à moindre coût. Les ingrédients nécessaires sont disponibles en grande surface ou en magasin de bricolage. Il suffit de bicarbonate de soude, caséine, poudre de marbre, fouet, saladier, balance, seau, et eau. “Cette recette, que chacun peut reproduire à partir de matériaux simples, n’a évidemment pas la même tenue que les produits que nous proposons à l’achat. Mais au moins cette formule revient à 2 ou 3 € au mètre carré. Cela permet de faire connaître cette technique afin qu’elle se développe, explique Julien Martin-Cocher. C’est indispensable si nous voulons être acteur de la transition écologique”.