Le nouvel épisode caniculaire met à mal les récoltes dans l’ensemble de la France. Alors que de nombreux exploitants déplorent des pertes et des baisses de rendements, les réponses apportées par le ministère de l’Agriculture restent faibles.

Les agriculteurs français commencent à manquer d’air. Aussi bien au sens propre qu’au figuré. Cette semaine, l’ensemble des régions métropolitaines subit un épisode de canicule précoce, que Météo-France qualifie « d’inédit ». D’ici à samedi, les températures dépasseront allègrement les 35°C. En Aquitaine, le mercure devrait même grimper jusqu’à 40°C. Après des perturbations météorologiques successives au printemps dernier, – redoux anticipé, gel, 38 jours de températures au-dessus des normales de saison puis grêle et orages – la saison estivale s’annonce, elle aussi, difficile.
Aux quatre coins de la France, plusieurs producteurs agricoles constatent un blocage biologique des cultures. « À cause de la chaleur et du manque d’eau, le maïs ne pousse pas. Pareil pour le chou-fleur », déplore Éric Trevien, maraîcher à Morlaix (Finistère). Des températures durablement trop élevées menacent également les récoltes de pommes de terre. « Il nous faut trouver les moyens d’anticiper et combattre les urgences liées au changement climatique », enchérit Luc Chatelain, président de l’interprofession de la pomme de terre (CNIPT) auprès de l’AFP.
Canicule, sécheresse… « On est dépassé »
Dans le Tarn-et-Garonne, Laurent Dirat fait face à un autre problème. Le maraîcher assiste impuissant à la perte d’une partie de la production de ses 100.000 fraisiers. « On est dépassé, désespère-t-il auprès de l’AFP. L’exigence est d’avoir un produit très solide pour les supermarchés. Donc il leur faut un degré de maturité très faible. » Or, un pic de chaleur brutal précipite la maturation des fraises et les rend « invendables ». De leur côté, les apiculteurs craignent pour la production de miel. « Avec la sécheresse, les plantes souffrent de la chaleur et ne produisent plus de nectar », explique Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) à l’AFP. Or pas de nectar, pas de miel.
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Les épisodes météorologiques extrêmes entraînent des manques à gagner pour les agriculteurs. Selon l’Unaf, la production de miel en France est passée sous la barre des 10.000 tonnes en 2021. La douceur de l’hiver dernier a laissé espérer une meilleure saison. Mais cette nouvelle canicule, venant s’ajouter aux autres menaces pour les abeilles, achève cet espoir. Julien Aniorté, maraîcher producteur de légumes bio à Pissy-Pôville (Seine-Maritime) fait le même constat. « Face à la sécheresse, on arrive toujours à sauver ce qui est sauvable, mais nos rendements sont forcément réduits », concède-t-il.
De l’agriculture avec moins d’eau
L’inquiétude des agriculteurs est d’autant plus forte que le réchauffement climatique provoquera l’intensification des épisodes météorologiques extrêmes durant les prochaines années. Météo-France indique qu’en plus d’être plus fréquentes depuis 30 ans, les canicules seront deux fois plus nombreuses d’ici 2050. Dans ce contexte, les experts du Giec prévoient que l’accès à l’eau sera de plus en plus difficile. Ce phénomène concernerait particulièrement le sud de la France. Face à cela, l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae) préconise le développement d’un modèle agricole « plus économe en eau ».
En parallèle, les réponses à court terme du ministère de l’Agriculture demeurent parcellaires. Les agriculteurs ne peuvent pas tous bénéficier du dispositif de calamité agricole. Ainsi, seuls les apiculteurs disposant de plus de 50 ruches peuvent prétendre à une compensation versée par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Or l’Unaf indique que 90% des agriculteurs en possèdent moins de dix. De plus, si la grêle, le vent et la sécheresse font partie des critères pour prétendre à une indemnité, rien ne couvre pour l’instant les pertes liées à une vague de chaleur ou canicule.