Ce jeudi 6 octobre, le Gouvernement a présenté un plan de sobriété énergétique. L’objectif est de réduire la consommation d’énergie globale du pays de 10% d’ici 2024 par rapport à 2019. Une mesure en particulier illustre l’ambition réduite du Gouvernement : la réduction de 130 à 110 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes pour les seuls agents de l’État.

La réduction de la vitesse sur autoroute en passant de 130 km/h à 110 km/h comptait parmi les 149 mesures de la Convention citoyenne pour le climat, il y a deux ans. Mais elle avait été écartée par le Gouvernement. Dans son plan de sobriété énergétique présenté le 6 octobre, ce dernier la retient finalement pour les seuls agents de la fonction publique d’État, soit 2,49 millions d’agents.
Dans un contexte politique et climatique délicat, le gouvernement cherche à faire des économies, et notamment des économies d’énergie. Mais cette mesure, uniquement imposée aux agents de l’État a-t-elle une chance d’être significative ?
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Une limitation loin d’être anodine ?
En juin 2020, le climatologue Jean Jouzel appelait déjà à réduire la vitesse maximale sur autoroutes à 110 km/h. En vain puisque la mesure n’avait pas été retenue par l’exécutif. Pourtant cette mesure est intéressante écologiquement à bien des égards. « Dans cette mesure de limitation, il y a de très bonnes choses » selon Pierre Leflaive, responsable transports au sein du Réseau Action Climat. « Il s’agit d’une des mesures qui permettrait de réduire le plus significativement notre consommation de pétrole selon la Commission européenne », explique-t-il. « Cela représenterait des économies pour les ménages, et également une diminution des émissions de gaz à effet de serre », ajoute-t-il. En effet, baisser la vitesse de 20 km/h sur les grands axes permettrait aux automobilistes de réaliser une économie de 125 euros par an, selon une note du cabinet Asterès.
« Si cette mesure était imposée à l’ensemble de la population, et à l’ensemble du réseau autoroutier, on parle de 2 millions de tonnes de CO2 d’économies. Ce qui représente la consommation des habitants d’une ville comme Rennes pendant un an. Il s’agit d’une mesure significative », estime Pierre Leflaive. Toutefois, en imposant cette mesure aux seuls agents de l’État, les économies de gaz à effet de serre associées sont « aujourd’hui inconnues ».
Pour les associations écologistes, le fait que le gouvernement s’empare de la question est déjà une avancée majeure.« C’est une très bonne nouvelle que le gouvernement se penche sur le sujet. Il le fait au pied du mur, mais il fallait le faire », se réjouit Stéphane Chatelin, directeur de l’association négaWatt. « Imposée à l’ensemble de la population, cette mesure entraîne une économie de 13 à 14 térawattheures par an. Cela représente 20% de la consommation sur l’autoroute soit 6% de la consommation totale des voitures en France », détaille-t-il. Selon les associations, cette mesure impactante a le mérite de pouvoir être mise en place rapidement, mais également d’encourager la production de véhicules plus sobres en termes de poids, de puissance et de vitesse maximale.
Un volontariat qui ne convainc pas
Toutefois, la dimension incitative, de l’ordre du volontariat, laisse amère les associations écologistes. « Seuls les agents de l’État doivent rouler moins vite. Pour les autres, cela reste basé sur le volontariat. Cela nous laisse penser que nous n’allons pas atteindre nos objectifs », regrette Pierre Leflaive. « Il faut une vraie réglementation qui touche tout le monde », insiste-t-il.
« On oublie qu’il y a déjà tout une partie de la population qui fait déjà ces efforts de sobriété, notamment pour des raisons économiques. Il s’agit d’une sobriété contrainte par la précarité. Mais l’autre partie de la population, les plus aisés, continue de rouler comme avant. Autrement dit, il s’agit d’une mesure à deux vitesses », pointe-t-il du doigt. « Cela pose une question de justice sociale et d’efficacité. Les plus aisés ont les plus grosses voitures et consomment le plus. Nous avons une France coupée en deux. On laisse le choix à ceux qui l’ont déjà. »
« Je ne crois pas du tout au volontariat pour cette mesure. Pour d’autres oui, mais pas celle-ci », admet Stéphane Chatelin. « L’idée du gouvernement est de ne pas contraindre tous les citoyens, en partie pour ne pas engendrer des contestations derrière ». Le gouvernement se souvient que les Gilets jaunes s’étaient notamment mobilisés contre le passage de la limitation à 80 km/h en 2018.
Une mesure qui a ses détracteurs
Le mesure est timide, mais serait prometteuse si elle était étendue à l’ensemble des Français. L’idée divise et cette mesure a ses détracteurs. « Cette mesure est stupide. C’est une décision d’écologiste, c’est-à-dire de quelqu’un qui lit avec les doigts sans penser aux conséquences. Autrement dit c’est cataclysmique », s’indigne Pierre Chasseray, porte-parole de l’association 40 millions d’automobilistes.
Selon lui « cela coûtera très cher » de prendre une route « sur laquelle on n’avance pas ». « On va se retrouver avec des quatre voies limitées à 110, cela n’a aucun sens. Les gens vont sortir de l’autoroute, pour éviter les radars, ils vont embouteiller les petites routes et polluer les villages », juge-t-il.
Malgré tout, selon une étude Ifop pour Agir pour l’Environnement publiée en juillet 2022, 63% des sondés seraient prêts à réduire leur vitesse de 20km/h sur autoroute pour faire des économies de carburant.