Luc Risetti, pionner du maraîchage bio de Côte d’Or, en Bourgogne, raconte son expérience d’hôte de wwoofers.
Luc Risetti, 64 ans, a presque toujours rêvé de devenir maraîcher bio. À 20 ans, il intègre un lycée technique agricole. Il part ensuite comme bénévole en agriculture et génie civil au Burkina Faso. Il y construit un barrage. À son retour en France, il s’installe comme maraîcher. Il crée, en 1985, le Moulin de Braux. C’est dans cette propriété de 4 hectares, entre Semur-en-Auxois et Vitteaux, en Bourgogne, qu’il accueille des wwoofers du monde entier.
Natura Sciences : Qu’est-ce qui vous motive à recevoir des wwoofers?
Luc Risetti : C’est important pour moi de recevoir des wwoofers. Je les encourage à développer leur goût de l’effort, à relever des défis physiques et psychologiques. Je leur fait partager la satisfaction que j’ai à produire des légumes bons et sains. Mais les wwoofers sont aussi une aide précieuse, d’autant que je suis en difficulté économique depuis six ans. Ce qui, rappelons-le, est l’un des effets du changement climatique. La fréquence élevée de périodes trop pluvieuses et de périodes trop sèches rend le métier de plus en plus difficile.
Malheureusement, je constate chez moi, depuis quelques années, une baisse des demandes de bénévolat. Je reçois environ douze woofers par an, soit de deux à quatre fois moins qu’à mes débuts. D’abord, parce que de plus en plus de maraîchers s’inscrivent comme hôtes sur le site du Wwoof. C’est une bonne chose, mais cela augmente la concurrence entre les fermes. De plus, la proportion de bénévoles de courte durée, d’une ou deux semaines, augmente progressivement.
N.S. : Comment expliquez-vous cette évolution du wwoofing ?
Luc Risetti : Je pense que cela reflète l’évolution de la société. De plus en plus de gens sont perdus. Dans le brouillard, ils cherchent des repères. Ceux-là voient dans le wwoofing une démarche personnelle. Ils aident les autres pour s’aider eux-mêmes. Il y a vingt ans, les wwoofers étaient presque tous des gens bien dans leur tête. Ils voulaient simplement soutenir l’agriculture bio. Déjà à l’époque, ces wwoofers comprenaient l’intérêt de la bio pour l’environnement et la santé humaine. Ils avaient beaucoup de courage face à l’effort, pour aider un maximum. Mais le courage se perd. Il faut dire aussi que la vie moderne n’aide pas. Les citadins sont assis toute la journée devant des écrans, c’est ensuite difficile de travailler dans les champs ! A côté, chaque maraîcher bio se sent comme le dernier des Mohicans.
N.S. : Sur le site du wwoofing, on trouve désormais des particuliers. Est-ce qu’auprès des bénévoles, ils concurrencent les agriculteurs bio professionnels ?
Luc Risetti : Oui. J’observe une hausse des wwoofers chez les particuliers qui ont un jardin bio (qui ne vendent pas leur production). Il s’agit de familles en recherche d’autonomie alimentaire. Voire de lieux atypiques, qui mettent par exemple l’accent sur la spiritualité.
C’est déloyal car j’estime que les exploitations professionnelles, telles que la mienne, ont davantage besoin de wwoofers. Nous avons plus de travail. Par exemple, le désherbage est chez nous considérable. En effet, une dose de désherbant d’un coût ridicule fait économiser des centaines d’heures de travail. Et nous avons mis notre énergie pour faire changer le modèle agricole. Il est normal que la société nous aide un peu ! Il y a un an, j’ai donc écrit à Wwoof France. Je leur ai demandé pourquoi des maraîchers non professionnels ont le droit de s’inscrire sur le réseau. Ma lettre est restée sans réponse. Mais si les non professionnels étaient regroupés dans une rubrique à part, cela serait déjà un bon début.
Cet article fait parti du dossier consacré au wwoofing, Également à lire :
- Qu’est-ce que… le wwoofing?
- J’ai testé le wwoofing en côte d’Or chez des pionniers de la bio (Expérience 1/2)
- J’ai testé le wwoofing dans le Morbihan chez des néo-paysans (Expérience 2/2)
- Comment bien préparer son wwoofing?
Propos recueillis par Cyrielle Chazal, journaliste environnement