À l’image du poste de Défenseur des droits humains, Jacques-Charles Fombonne, président de la SPA demande la création d’un poste de Défenseur des droits des animaux. Il répond aux questions de Natura Sciences sur le sujet.
Il y a deux ans, Robert Badinter plantait la graine de cette idée. « Écrire des lois, rendre des décisions, tenir des colloques, formuler des codes, c’est bien. Mais seule une autorité indépendante est de nature à permettre d’étendre la protection, la sauvegarde nécessaire des animaux », déclarait en 2019 l’ancien garde des Sceaux de François Mitterrand en conclusion d’un colloque de la Fondation droit animal. Jacques-Charles Fombonne, président de la Société protectrice des animaux (SPA), reprend aujourd’hui cette proposition. Dans cette lignée, et sur le modèle du Défenseur des droits humains, il demande la nomination d’un Défenseur des droits des animaux. Le président de la SPA explique cette démarche à Natura Sciences.
Natura Sciences : Qu’est ce qu’un Défenseur des droits des animaux?
Jacques-Charles Fombonne: L’idée est d’avoir une personne qui ne soit pas un fonctionnaire de plus, qui ne soit pas forcément un haut commissaire ou un secrétaire d’état à la condition animale. Il s’agirait d’une personne indépendante, nommée par le Premier ministre ou le président de la République. C’est la même idée que pour la Défenseure des droits, Claire Hédon. L’intérêt d’avoir un Défenseur des droits des animaux est d’avoir quelqu’un qui soit capable de fédérer les énergies. Une personne qui soit également capable de contraindre ce qui doit être contraint. Une personne qui pourrait finalement avoir une activité complètement transversale.
C’est un aspect important car la protection animale est un domaine juridique extrêmement complexe, car très éparpillé. Le droit des animaux se retrouve à la fois dans le code rural et dans le code pénal pour tout ce qui concerne la maltraitance. On le trouve aussi dans le code des collectivités territoriales pour les fourrières par exemple. La protection animale est donc un territoire d’actions qui réclame énormément de choses à faire dans des domaines très variés. Ce sont des problématiques multiformes et le poste de Défenseur des droits des animaux serait donc lui aussi multiforme.
En quoi consisterait son rôle? Quelles seraient ses missions?
On a aujourd’hui des problématiques qui sont de vraies questions de société. Il s’agit par exemple des corridas, des abattages rituels sans étourdissements, mais aussi des animaux utilisés pour des spectacles. L’un des rôles du Défenseur des droits des animaux serait de réunir tous les acteurs de ces questions pour parler de ces sujets sociétaux, sur lesquels nos concitoyens s’interrogent. L’objectif serait ensuite de faire des propositions de lois ou de règlement. Le Défenseur des droits des animaux serait donc une force de proposition.
Il aurait également des missions de contrôle. À l’image d’un contrôleur des lieux de détentions, ce Défenseur des droits des animaux aurait le droit d’arriver dans des abattoirs ou des élevages, sans prévenir, pour constater ce qu’il s’y passe. C’est ce que fait actuellement l’association L214 de façon cachée. Mais on comprend bien, qu’à partir du moment où ce sont des associations qui le font, ça veut dire que le relais de l’État n’existe pas. C’est pourtant normalement le rôle de l’État d’aller vérifier ce qu’il se passe dans ces lieux, ce n’est pas le rôle des associations. Nous le faisons car, sinon, il n’y aurait personne pour le faire. Le travail que fait L214 est formidable en ce sens, sinon on ne saurait jamais ce qu’il se passe. Mais à partir du moment où c’est un Défenseur des droits qui pourrait le constater et saisir le ministre de l’Agriculture en dénonçant ce qu’il se passe, cela aura un poids infiniment plus important que le président d’une association.
Dans ces missions, le Défenseur des droits des animaux et son équipe, auraient aussi pour rôle la création et le pilotage d’un Observatoire de la condition animale. On entend partout que la France est le pays record des abandons d’animaux. Mais en réalité, personne n’est capable de dire exactement combien il y en a, et pourquoi ils se font abandonner. Pourtant, pour connaître le remède face à ces abandons il faut en connaître les causes. Donc l’un des objectifs de cet observatoire serait de comprendre pourquoi ces animaux sont abandonnés, dans quels contextes, et de définir le profil des personnes qui les abandonnent. Toutes ces informations nous permettront ensuite de réduire les abandons d’animaux. Les associations n’ont pas les moyens pour ça. Si de mon côté j’interroge les gendarmes, les policiers ou les procureurs pour leur demander combien d’affaires de maltraitance ils ont rencontré, ils ne vont évidemment pas me répondre. Si c’est un Observatoire des droits qui le fait, ils vont lui répondre. Là on va avancer.
Pourquoi demandez-vous aujourd’hui la création d’un Défenseur des droits des animaux?
Pour le moment, les personnes qui sont force de propositions sont pour la plupart des associations, comme la SPA ou L214. Aujourd’hui, chaque organisation est obligée de prendre contact séparément avec les autorités gouvernementales élues pour faire avancer ses idées. C’est une forme de lobbying. À partir du moment où il y a un Défenseur des droits des animaux, nommé par le président de la République, ça aura plus de poids que chaque association prise séparément. Si cette personne interroge les procureurs de la république, les préfets, ou les autorités administratives sur des questions de réglementation ou de législation, ça n’a pas le même impact que si c’est le président de la SPA, même si on me reçoit poliment. L’intérêt d’un Défenseur des droits c’est l’autorité. C’est d’abord la possibilité de demander aux gens qui ont les renseignements de les lui fournir, pour pouvoir en tirer les conséquences. C’est ça un Défenseur des droits. Et puis de temps en temps, il doit pouvoir prendre son bâton de pèlerin et dire ce qui va, ce qui ne va pas, et ce qu’il a pu constater.
Un groupe de députés a travaillé sur les contours que pourrait prendre ce poste. Loïc Dombreval avait détaillé ces travaux dans un rapport remis en 2020 au gouvernement. Avez-vous été consulté ou associé à ce travail? Que pensez-vous du résultat?
Nous avons été associés à la commission qui avait été menée par Loïc Dombreval. J’ai été longuement interrogé, même si ce n’était pas spécifiquement sur ce sujet. La question de la création d’un Défenseur des droits des animaux a effectivement été évoquée. Mais je pense que les contours pour le poste n’étaient sans doute pas assez précisés. Il faut définir un profil, mais aussi inscrire la notion d’indépendance pour ce poste, c’est impératif. L’idée est de le nommer pour un mandat unique, et assez long. Éventuellement un mandat plus long que celui du président de la République.
Comment envisagez-vous de porter cette idée dans les mois à venir?
Ce post ne relève pas du législatif, mais de la volonté du président de la République de le créer. Nous n’avons donc pas besoin de l’intervention de l’Assemblée pour cela. De façon très pragmatique, je veux profiter de cette période pré-électorale. C’est une façon de pousser les candidats à nous répondre sur leurs actions en faveur de la protection animale. Cela va les obliger à s’expliquer. Ensuite, en fonction de celui ou celle qui sera élu, nous suarons quel accueil recevra notre proposition après 2022. Pour l’instant, Emmanuel Macron ne nous a pas donné de signaux positifs à la nomination d’un Défenseur des droits des animaux. Je pense que je vais lui faire un courrier pour lui demander quel pourrait être sa position. J’ai tout de même bon espoir, car cela va dans le sens des demandes de nos concitoyens.
Ouns Hamdi