La crise du Covid-19 et la guerre en Ukraine ont affaibli encore davantage les systèmes énergétiques africains. Sur le continent, environ 600 millions de personnes, soit 43% de la population, manquent d’électricité. Pourtant, le territoire dispose d’un potentiel en termes de développement des énergies renouvelables.
Déjà fragilisée par le changement climatique, l’Afrique a vu ses systèmes énergétiques se déstabiliser davantage depuis la pandémie de Covid-19. La situation empire alors que le continent demeure le moins électrifié du monde. Le nombre d’habitants vivant sans électricité a augmenté de 4% entre 2019 et 2021, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Mais le contexte sanitaire n’est pas le seul responsable dans la dégradation du développement énergétique de l’Afrique.
La guerre en Ukraine augmente les prix de l’énergie
« La flambée actuelle des prix de l’énergie souligne l’urgence et les avantages pour les pays africains d’accélérer la mise en place de sources d’énergie moins chères et plus propres », indique l’AIE dans un nouveau rapport spécial publié ce lundi. Cette hausse des prix s’explique par l’invasion de l’Ukraine par les troupes russes. Le conflit a en effet impacté le prix des denrées alimentaires, de l’énergie et d’autres produits de base.
« Les crises qui se chevauchent affectent de nombreuses parties des systèmes énergétiques africains, notamment en inversant les tendances positives en matière d’amélioration de l’accès à l’énergie moderne », détaille l’AIE. Ainsi, 25 millions d’africains supplémentaires vivent sans électricité aujourd’hui par rapport à l’avant pandémie, selon l’Africa Energy Outlook 2022. Désormais, environ 600 millions de personnes, soit 43% de la population, manquent d’électricité en Afrique, la plupart d’entre eux en Afrique subsaharienne.
Un continent déjà fragilisé par le changement climatique
En parallèle, l’Afrique subit d’ores et déjà les effets du changement climatique. Le continent connaît par exemple des sécheresses récurrentes. En parallèle, l’augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes expose des communautés d’Afrique à une insécurité alimentaire, selon le dernier rapport du Giec. La baisse des ressources en eau reste aussi un point majeur à surveiller
Dans la même optique, « les sécheresses, les inondations et la variabilité des précipitations ont contribué à réduire les disponibilités alimentaires et à augmenter le prix des denrées, menaçant ainsi la sécurité alimentaire et nutritionnelle et les moyens de subsistances de millions de personnes dans le monde », préviennent les experts. La sécheresse entraîne notamment une réduction de la production hydroélectrique d’environ 4 à 5% par rapport à la production des années 1980.
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Pourtant, l’Afrique reste « la moins responsable du problème », soulève l’AIE. « À ce jour, l’Afrique est responsable de moins de 3% des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie. Elle présente les émissions par habitant les plus faibles de toutes les régions », continue l’organisation. Pourtant, le continent figure l’un des premiers territoires impactés par le changement climatique, bouleversant ainsi son économie.
Un potentiel en termes d’énergies renouvelables
« Malgré ces défis, le rapport constate que la transition vers une énergie propre au niveau mondial est porteuse de nouvelles promesses pour le développement économique et social de l’Afrique », indique un communiqué de l’AIE. Les ambitions internationales en matière de réduction des émissions contribuent à « donner une nouvelle orientation au secteur énergétique mondial ». Ceci grâce à une baisse des coûts des énergies renouvelables.
Parmi elles, l’énergie solaire, et l’hydrogène vert, émergeant en Afrique, offrent « un potentiel de croissance s’ils sont bien gérés » , indique le rapport. Les États africains comptent également profiter de l’évolution des modèles d’investissement mondiaux et attirer des flux croissants de financement climatique.
« L’Afrique a été durement touchée par l’économie fondée sur les combustibles fossiles, recevant les plus petits avantages et les plus grands inconvénients, comme le souligne la crise énergétique actuelle », a déclaré Fatih Birol, directeur exécutif de l’AIE. Le rapport de l’AIE démontre qu’il est possible d’apporter « une énergie moderne et abordable à tous les Africains », grâce à un investissement de 25 milliards de dollars par an. « Il est moralement inacceptable que l’injustice permanente de la pauvreté énergétique en Afrique ne soit pas résolue alors qu’il est si clairement dans nos moyens de le faire. », a ajouté Fatih Birol.
Mais une Afrique toujours consommatrice de gaz naturel
Dans son rapport, l’AIE expose un scénario probable dans lequel la demande en services énergétiques viendrait à croître rapidement en Afrique. Et cela nécessite de garantir une accessibilité financière. « L’amélioration de l’efficacité énergétique est essentielle à cet égard, car elle permet de réduire les importations de combustibles, de soulager les infrastructures existantes et de maintenir les factures des consommateurs à un niveau abordable », précise le texte.
Le continent dispose de réseaux électriques de plus en plus alimentés par des énergies renouvelables. L’Afrique abrite, selon l’AIE, 60% des meilleures ressources solaires du monde. « Mais elle ne détient actuellement que 1% de la capacité photovoltaïque solaire »; nuance le rapport. Cette source d’énergie, la moins coûteuse dans de nombreuses régions d’Afrique, devrait concurrencer toutes les autres sur le continent d’ici 2030.
Les énergies renouvelables représenteraient plus de 80% de la nouvelle production d’électricité. Mais si elles sont devenues le moteur du secteur de l’électricité en Afrique, « l’industrialisation du continent repose en partie sur l’utilisation croissante du gaz naturel », souligne l’AIE.
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Le rôle des pays développés à l’égard de l’Afrique
Pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de l’Afrique, l’AIE prévient que les investissements doivent doubler dans le secteur énergétique d’ici 2030. Il faudrait ainsi dépenser près de 190 milliards de dollars (180 milliards d’euros) chaque année de 2026 à 2030. Les deux tiers seraient réservés aux énergies renouvelables.
Pour Fatith Birol, « l’avenir énergétique du continent nécessite des efforts plus importants sur le terrain, soutenus par un appui mondial ». Lors de la COP26 à Glasgow en novembre 2021, les pays industrialisés n’avaient toujours pas tenu leur promesse d’aider les pays en développement à hauteur de 100 milliards de dollars par an. Cette promesse, signée en 2009 à Copenhague, reste un atout clé selon l’ONU pour parvenir à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
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Permettre à l’Afrique de « s’épanouir dans les décennies à venir »
Le directeur exécutif de l’AIE compte notamment sur les banques multilatérales de développement. « [Elles] doivent prendre des mesures urgentes pour augmenter les flux financiers vers l’Afrique, tant pour développer son secteur énergétique que pour s’adapter au changement climatique », a-t-il déclaré. En plus de s’équiper pour s’adapter au changement climatique, l’enjeu reste de parvenir à l’accès universel aux technologies renouvelables et aux services énergétiques modernes.
« Cette décennie est cruciale non seulement pour l’action climatique mondiale, mais aussi pour les investissements fondateurs qui permettront à l’Afrique – qui abrite la population la plus jeune du monde – de s’épanouir dans les décennies à venir », a déclaré Fatith Birol. Les dirigeants africains devront définir le programme des années à venir lors de la COP27 en novembre prochain, en Égypte.