Les États insulaires souffrent particulièrement de la crise climatique. En particulier, le dérèglement climatique menace grandement les opérations des forces armées françaises dans les Antilles et dans les Caraïbes.

Les défis et conséquences des changements climatiques sont considérables et affectent même la sécurité humaine. L’Observatoire Défense et Climat, encadré par l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), met en avant dans une récente étude les implications géopolitiques et sécuritaires des changements climatiques dans les Caraïbes et les Antilles. S’y trouvent notamment des territoires d’Outre-mer français comme la Guadeloupe, la Martinique, ou encore Saint-Barthélemy.
La crise climatique impacte l’économie de la région et les moyens de subsistance des populations. L’acidification de l’eau ou encore la hausse de la température de l’air constituent des facteurs limitant les activités économiques. Submersion, érosion, sécheresses… ces États insulaires font face à des risques conséquents. « Ces États insulaires sont menacés d’inhabitabilité », déplore Virginie Duvat-Magnan, chercheuse au laboratoire LIENSs (La Rochelle Université – CNRS). Dans les Antilles françaises, cette vulnérabilité amplifie la difficulté des opérations militaires. Mais les forces armées françaises cherchent à s’adapter face aux conséquences de la crise climatique.
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Les États insulaires face à la crise climatique
Pour comprendre en quoi la présence de l’armée française est importante dans ces territoires d’Outre-mer, il faut comprendre les risques auxquels s’exposent ces îles. Leur population se concentre sur le littoral, ce qui les exposent beaucoup au risque de submersion. C’est notamment le cas des infrastructures énergétiques de ces États. « À partir de 2060 – 2080, en fonction des conséquences de la crise climatique, nous craignons que la ville Pointe-à-Pitre en Guadeloupe connaisse jusqu’à 180 jours par an d’état de submersion », explique Virginie Duvat-Magnan.« Les aléas très forts auxquels font face ces États, couplés à un retard d’adaptation, font qu’aujourd’hui la menace est grande. »
« Quand un cyclone passe, il dévaste toute l’île sur sa superficie », poursuit Virginie Duvat-Magnan. « Certaines îles risquent, dans les années à venir, d’être rasées », s’inquiète-t-elle. « Ces territoires sont au milieu de l’océan et sont touchés par des évènements azonaux, c’est-à-dire qui se produisent à grande distance comme des typhons ou des tsunamis », informe la chercheuse. Ces îles sont donc exposées de manière considérable à des aléas de grande ampleur.
L’Observatoire Défense et Climat, coordonné par l’IRIS dans le cadre du contrat réalisé pour le compte de la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées, analyse les causes du manque structurel d’adaptation des États insulaires au réchauffement climatique. Il pointe le lourd passé colonial de certaines îles des Caraïbes. « Qu’on le veuille ou non, le passé colonial a généré une fragilité structurelle importante, engendrant un retard d’adaptation, analyse Virginie Duvat-Magnan.
Des forces armées capitales, mais en difficulté
L’enjeu derrière la situation des États insulaires dans les Caraïbes est également sécuritaire. Et les forces armées françaises, engagées dans la région, se confrontent aussi aux conséquences du dérèglement climatique. « Les Antilles françaises par exemple comptent sept îles. Les forces armées sont réparties sur ces territoires pour subvenir aux besoins des populations, notamment en Martinique » , explique Marie-Hélène Lovichi. Selon cette cheffe d’état-major interarmées des forces armées aux Antilles, la présence de l’armée est également primordiale sur un plan politique. Elle entretient les liens avec les préfectures françaises, et maintient une présence dans cette région du monde.
Ainsi, la présence militaire des forces armées françaises dans les Caraïbes et dans les Antilles, présente bien des enjeux. « Les missions de l’armée sont de l’ordre de la prévention et de la lutte contre les trafics et contre les épidémies locales mais également de l’intervention post-cyclonique. Ces cyclones sont susceptibles se multiplier à cause du dérèglement climatique », explique Marine de Guglielmo Weber, enseignante chercheuse à l’IRIS. Sans l’armée, « les risques de tensions interétatiques et intraétatiques pourraient augmenter avec une hausse de la criminalité ».
Plus le dérèglement climatique sera intense, plus les forces armées souffriront.« La hausse des températures de l’eau ou encore la sécheresse sont des aléas qui endommagent les équipements, notamment les bateaux ou les équipements électroniques, explique Marine de Guglielmo Weber. « Les changements climatiques intensifient les missions historiques menées par les armées françaises : la lutte contre les trafics et l’intervention post-cyclonique. Ils sont plus globalement la cause d’une multiplication des missions d’aide à la population, notamment dans le cadre de la lutte contre les épidémies ».