Le Tchad est le premier producteur mondial de poussières. Si les tempêtes de sable causées par ces poussières sont nuisibles dans l’environnement immédiat pour la santé humaine, l’agriculture et les infrastructures, elles sont bénéfiques à l’Atlantique et à la forêt amazonienne.
Le Tchad, pays enclavé d’Afrique centrale, est souvent associé à des images de désert aride et de vastes étendues de terres stériles. Pourtant, ce pays joue un rôle crucial dans l’écosystème mondial en produisant environ 20% des poussières mondiales. Elles proviennent de la dépression de Bodélé, située dans le Djourab, dans le nord du pays. Au total, entre 60 et 120 millions de tonnes de poussières voyageuses y trouvent leur origine. Le pays appelle à la création d’un fonds pour sa préservation.
Les poussières du Bodélé contiennent des éléments nutritifs essentiels pour l’océan Atlantique et la forêt amazonienne, deux écosystèmes clés de la planète. Richard Washington, auteur d’une étude de référence sur l’apport de ces poussières à l’écosystème mondial expliquait en 2014 au micro de RFI : « Depuis le désert tchadien, la poussière met dix jours à traverser l’océan et atteindre l’Amérique du Sud. C’est un phénomène unique : la dépression du Bodélé est la première source d’émission de poussière dans le monde. Cela n’a pas qu’une influence sur le climat ou la sédimentation des sols mais aussi sur l’ensemble de l’écosystème. La poussière apporte des nutriments aux océans et aux forêts. »
La dépression du Bodélé, un milieu aride et hostile
La dépression du Bodélé se situe dans le nord du Tchad, à la frontière avec le Niger. Elle couvre une superficie d’environ 250 km² et se situe à une altitude de 75 mètres sous le niveau de la mer. La région se caractérise par un climat très aride et hostile, avec des températures extrêmes et des vents violents qui peuvent atteindre jusqu’à 200 km/h. Des paysages de dunes de sable, de plaines rocailleuses et de lacs salés asséchés dominent la région.
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La dépression du Bodélé est un corridor naturel pour les vents qui soufflent du désert du Sahara vers l’ouest, atteignant finalement l’océan Atlantique. Les vents sont particulièrement forts dans cette région, créant des tempêtes de sable qui soulèvent d’énormes quantités de poussières et les transportent sur de très longues distances.
Nourrir l’océan Atlantique et à la forêt amazonienne
Les poussières qui se dégagent de la dépression du Bodélé sont riches en minéraux tels que le fer et le phosphore, ainsi qu’en nutriments tels que le nitrate. Ces éléments sont clés pour la croissance des plantes et le développement des écosystèmes marins. Les vents peuvent transporter ces poussières parfois plus de 5.000 kilomètres. Certaines traversent l’Atlantique, d’autres tombent dans l’océan. Elles y nourrissent les algues et autres organismes marins.
La forêt amazonienne est pauvre en éléments nutritifs et dépend des apports extérieurs pour maintenir leur fertilité. Une partie des poussières du Bodélé traverse l’Atlantique jusqu’à la forêt amazonienne. Elles y fournissent les éléments essentiels au bon développement des plantes et des sols.
La dépression du Bodélé est habitée par des communautés qui dépendent des ressources naturelles pour leur subsistance. La préservation de cette zone aiderait aussi à préserver les modes de vie traditionnels, ainsi qu’à garantir l’accès aux ressources naturelles vitales pour la subsistance des communautés locales.
Préserver la santé infantile
L’exposition des enfants de moins de 5 ans à des niveaux élevés de poussière peut néanmoins entraîner plusieurs impacts négatifs sur la santé, notamment un faible poids à la naissance et une croissance altérée au cours de la première année de vie. Dans les régions en développement, l’exposition à des niveaux élevés de pollution de l’air pendant l’enfance réduit l’espérance de vie globale de 4 à 5 ans en moyenne.
Dans une étude parue en 2020 dans la revue Nature Sustainability, les chercheurs ont voulu prédire l’évolution des poussières du Bodélé dans un contexte de changement climatique. Il apparaît que la concentration de particules de poussière dans l’ensemble de l’Afrique subsaharienne dépend fortement de la quantité de précipitations dans la dépression du Bodélé. Ces changements futurs demeurent néanmoins encore très incertains. Les chercheurs ont donc calculé une gamme de possibilités pour l’Afrique subsaharienne qui s’échelonnent d’une baisse de 13% de la mortalité infantile à une augmentation de 12% en raison des changements de précipitations dans le désert. Ces impacts seraient plus importants que toute autre projection publiée concernant l’impact du changement climatique sur la santé en Afrique.
Les chercheurs suggèrent d’explorer la possibilité d’humidifier le sable avec de l’eau souterraine dans la région de Bodélé pour l’empêcher de voler. Les chercheurs estiment que le déploiement de systèmes d’irrigation à énergie solaire dans la zone désertique pourrait éviter 37.000 décès de nourrissons par an en Afrique de l’Ouest pour un coût de 24 dollars par vie.