Dans son nouveau rapport, le GIEC, groupe d’experts climat de l’ONU, dessine une image inquiétante des impacts sur l’humanité du changement climatique. Au-delà de 1,5°C, l’adaptation deviendra de plus en plus difficile. Et « dans certaines régions, ce sera impossible si le réchauffement climatique dépasse 2°C ».
Le nouveau rapport du GIEC lance des alertes pour le moins inquiétantes. « Le monde affrontera de multiples aléas climatiques inévitables au cours des deux prochaines décennies avec un réchauffement climatique de 1,5°C », met en garde le GIEC. Dès lors que le réchauffement dépassera ce seuil, même de façon « temporaire », le monde connaîtra « des impacts supplémentaires graves, dont certains seront irréversibles », poursuit-il.
Après deux semaines de négociations en ligne et à huis clos qui ont débordé de plus d’une journée, le groupe de Travail II du GIEC dévoile ce jour le « résumé pour les décideurs » du deuxième volet du sixième rapport d’évaluation (AR6) du GIEC. Ce rapport se penche sur les impacts du réchauffement et la façon de se préparer pour limiter les risques (« l’adaptation »). Passé au crible par les 195 États membres, il servira de base aux politiques internationales et nationales d’adaptation d’ici 2030. Il résume les milliers de pages du rapport scientifique élaboré par 270 chercheurs de 67 pays. Le troisième opus consacré aux solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre sera publié en avril prochain.
La planète s’est déjà réchauffée en moyenne d’environ +1,1°C depuis l’ère pré-industrielle. Ainsi, les experts climat de l’ONU indiquent clairement que le monde connait sur presque tous les continents de nouvelles catastrophes. L’adaptation deviendra plus difficile à mesure que le monde se réchauffera. « Dans certaines régions, ce sera impossible si le réchauffement climatique dépasse 2°C », prévient le GIEC.
La nécessité d’une action urgente
Le rapport comprend plusieurs nouveautés par rapport à son évaluation précédente, datant de 2014. Alors qu’il alertait sur des effets à venir, le GIEC pointe désormais l’atteinte de certains points critiques. « L’augmentation des vagues de chaleur, des sécheresses et des inondations dépasse déjà les seuils de tolérance des plantes et des animaux, entraînant des mortalités massives chez des espèces telles que les arbres et les coraux », assure le GIEC. Par ailleurs, « la sauvegarde de la biodiversité et des écosystèmes est fondamentale pour un développement résilient au changement climatique », prévient-il, faisant clairement le lien entre biodiversité et climat.
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Le monde connaît déjà une hausse des phénomènes météorologiques extrêmes. Cela a entraîné des effets irréversibles, les systèmes naturels et humains étant poussés au-delà de leur capacité d’adaptation. En se produisant simultanément, ces phénomènes provoquent des impacts en cascade de plus en plus difficiles à gérer. Ils ont par exemple déjà exposé des millions de personnes à une insécurité alimentaire et hydrique aiguë. Les effets se font notamment sentir en Afrique, en Asie, en Amérique centrale et du Sud, dans les petites îles et dans l’Arctique. Le groupe d’experts souligne en ce sens l’urgence à déployer une action climatique axée sur l’équité et la justice. La résilience passera par un financement suffisant, un transfert de technologies et un engagement politique à la hauteur des enjeux.
Une adaptation encore insuffisante
Le GIEC invite à accélérer l’adaptation au changement climatique, tout en réduisant au plus vite les émissions de gaz à effet de serre. « Jusqu’à présent, les progrès en matière d’adaptation sont inégaux et il existe des écarts croissants entre les mesures prises et ce qui est nécessaire pour faire face aux risques croissants », selon le nouveau rapport. Les écarts sont les plus importants parmi les populations à faible revenu.
« En restaurant les écosystèmes dégradés et en conservant efficacement et équitablement 30 à 50 % des habitats terrestres, d’eau douce et océaniques de la Terre, la société peut bénéficier de la capacité de la nature à absorber et à stocker le carbone, et nous pouvons accélérer les progrès vers le développement durable, mais un financement et des politiques adéquats de soutien sont essentiels », affirme le coprésident du Groupe de travail II du GIEC, Hans-Otto Pörtner.
Les villes, victimes et leviers d’action
Ce rapport explore les impacts et risques du changement climatique dans les villes, où vit plus de la moitié de la population mondiale. En particulier, la santé, les biens et les infrastructures essentielles, y compris les systèmes d’énergie et de transport, devront s’adapter. Il faut préparer leur résilience face aux vagues de chaleur, tempêtes, sécheresse et inondations, ainsi qu’aux changements à évolution lente, notamment l’élévation du niveau de la mer, insiste le GIEC.
« Mais les villes offrent également des opportunités d’action pour le climat – des bâtiments écologiques, un approvisionnement fiable en eau propre et en énergie renouvelable, et des systèmes de transport durables qui relient les zones urbaines et rurales peuvent tous conduire à une société plus inclusive et plus juste », assure Debra Roberts, coprésidente du Groupe de travail II du GIEC.