2023 décrochera-t-elle la médaille de l’année la plus chaude jamais enregistrée ? Avec quatre mois ayant battu des records de températures et un début octobre estival, cela est bien possible. Les températures records enregistrées au niveau mondial cette année peuvent être qualifiées d’“extrêmes climatiques”. Toutefois, il faut s’attendre à de nouveaux records dans un futur proche, prévient Alain Mazaud, paléoclimatologue et chercheur émérite au LSCE.

Au niveau des températures, 2023 a battu tous les records. Selon l’observatoire Copernicus, l’été 2023 ainsi que ce mois de septembre ont été les plus chauds jamais enregistrés. Entre juin et septembre 2023, chaque mois a ainsi décroché la médaille du mois le plus chaud dans sa catégorie. De plus, le mois de juillet 2023 a été le mois le plus chaud tous mois confondus. Avec une première moitié d’octobre quasiment estivale, ces extrêmes climatiques répétés inquiètent.
Une étude, menée par Robin Noyelle, doctorant au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL), et publiée ce 18 septembre, montre qu’une température de 50°C est envisageable en Europe de l’ouest, même dans les conditions climatiques actuelles. Cela pourrait notamment advenir, dans le cas d’une très forte sécheresse et à l’intérieur des zones urbaines, à cause du phénomène d’îlots de chaleur. Selon Alain Mazaud, paléoclimatologue et chercheur émérite au LSCE, 50°C à Paris reste encore peu probable à court terme. Toutefois, “si le réchauffement continue, si on ne réduit pas nos émissions de gaz à effet de serre, ces 50°C auront des chances plus importantes d’arriver d’ici une dizaine d’années ou légèrement plus”, ajoute-t-il.
Des températures extrêmes en accord avec les modèles
D’après Alain Mazaud, si les températures observées en 2023 sont bien des extrêmes climatiques, elles correspondent tout de même aux prévisions des modèles. Ces derniers prévoient la tendance générale du réchauffement climatique, qui multiplie les chances d’apparition de telles températures. Ils ne peuvent toutefois pas prévoir où ces records de températures seront battus dans un futur proche.
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De plus, les modèles climatiques prévoient le fait que ces événements prennent place sur une période prolongée, augmentant ainsi encore leurs chances de se produire. “La saison de l’été météorologique s’étend et celle de l’hiver se contracte, en quelque sorte. Ainsi, les événements extrêmes (sécheresse, températures, etc…) qui étaient vraiment exceptionnels deviennent de plus en plus courant”, explique le chercheur.
“Ce qui est sûr c’est que l’été prochain, il y aura des endroits dans le monde où des records seront battus”
Des événements comme ceux observés en 2023 sont amenés à se reproduire. “Nous observons déjà une multiplication de ces phénomènes extrêmes, sans forcément atteindre les 50°C à Paris. Ces extrêmes sont plus forts, plus nombreux et s’étendent sur une saison plus longue, précise le paléoclimatologue. Ça, nous l’observons déjà. Après, les valeurs qui seront atteintes dépendent du réchauffement futur. Ce qui est sûr c’est que l’été prochain, il y aura des endroits dans le monde où des records seront battus, mais on ne sait pas exactement où.”
Si ces extrêmes climatiques continuent à se multiplier, cela est dû au dérèglement climatique. “La source du problème, ce sont les émissions de gaz à effet de serre”, détaille Alain Mazaud. Sans réduction de nos émissions et autres mesures permettant de combattre le dérèglement climatique, les extrêmes météorologiques continueront à se multiplier et à s’intensifier. “Ça ne peut pas s’arrêter. Tout simplement parce que nous émettons toujours de l’ordre de 40 milliards de tonnes de CO2/an [au niveau mondial]”, rappelle le chercheur.
Des fluctuations de températures dans le réchauffement
L’évolution des températures et du climat se mesure sous deux aspects. D’un côté, la tendance générale, qui s’observe sur le long terme. Il faut “une quinzaine d’années au minimum”, détaille le paléoclimatologue. Cette tendance, qui est à la hausse, trace l’évolution du dérèglement climatique.
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Cependant, cette évolution n’est pas constante ; elle subit des fluctuations. Ainsi, bien que la tendance globale soit en hausse, cela ne signifie pas forcément que l’année 2024 sera plus chaude que 2023. “Ce que je prends parfois comme comparaison, ce sont les vagues sur la plage à marée montante, éclaire Alain Mazaud. Chaque vague ne va pas forcément plus loin que la précédente […] mais si nous attendons le record finit par être battu.”
El Niño, le phénomène qui amplifie les vagues de chaleurs
El Niño constitue l’une des causes de ces fluctuations et des températures extrêmes de 2023. Ce phénomène climatique impacte les alizés du Pacifique, des vents soufflant vers l’ouest. En temps normal, ces vents poussent l’air chaud situé au-dessus du Pacifique vers l’Indonésie. Cela provoque des remontées d’eaux plus fraîches, car provenant de zones de l’océan plus profondes, au niveau des côtes américaines. Celles-ci refroidissent alors l’ensemble du système climatique. El Niño se produit lorsque ces vents s’atténuent. Il favorise alors la chaleur sur toute la planète.
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À l’inverse, lorsque les alizés se renforcent, le phénomène de La Niña se produit et refroidit davantage le système Terre. Selon l’Organisation météorologique mondiale, El Niño se manifeste tous les deux à sept ans pendant neuf à douze mois. La Niña quant à elle intervient tous les quatre à cinq ans et dure un à deux ans. Ainsi, ces deux phénomènes causent régulièrement des fluctuations dans le dérèglement climatique.