Malgré un volontarisme de façade, les multinationales françaises n’exercent que très partiellement leur devoir de vigilance en matière environnementale. C’est ce que révèle un rapport rendu ce mercredi par l’association Notre Affaire à Tous.
Ce mercredi, pour la troisième année, l’association Notre Affaire à Tous publie son « benchmark de la vigilance climatique des multinationales ». Ce rapport analyse les mesures de vigilance climatique prises par 27 grandes entreprises françaises « emblématiques de secteurs d’activités fortement émetteurs ». Total et EDF pour l’énergie, Auchan et Casino pour l’agro-alimentaire ou encore BNP Paribas et Axa pour le secteur financier. Notre affaire à tous a ainsi classé les mauvais élèves au regard de la loi.
Depuis la loi relative au devoir de vigilance de 2017, ces entreprises doivent adopter des mesures de vigilance. Celles-ci concernent les risques d’atteinte aux droits humains et l’environnement. Dans les faits, Notre Affaire à Tous note que ces 27 multinationales sont loin de respecter cette contrainte. Une aberration puisqu’elles représentent à elles seules environ quatre fois les émissions équivalent CO2 territoriales de la France.
Le double jeu de ces acteurs économiques
Notre Affaire à Tous martèle : « Aucune entreprise analysée ne semble respecter l’ensemble des obligations issues du devoir de vigilance et des objectifs de transition climatique ». Sur la base des documents publiés par les entreprises elle-même, l’association a analysé trois éléments. « L’identification des risques climatiques », « la prévention des atteintes graves liées au climat » et « l’intégration des informations climatiques dans le plan de vigilance ». La Société Générale, Auchan, Casino, Eiffage, Bolloré ou encore Total figurent en bas du classement sur 100 points.
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En ressort un manque d’intégration du climat aux différents plans de vigilance ainsi qu’une reconnaissance insuffisante du risque climatique. Par ailleurs, Notre Affaire à Tous déplore la communication incomplète des multinationales concernant leur empreinte carbone et un engagement faible. Pourtant, Jérémie Suissa, délégué général de l’association souligne : « Les grands groupes rivalisent de vertu et d’inventivité dans leurs communications. Elles vantent toujours plus de ‘neutralité’, ‘d’impact positif’, de ‘décarbonation’, de durabilité. Sans qu’il leur semble nécessaire de faire suivre la parole par les actes ».
Société générale, Auchan et Casino : les cancres de la classe
Dans le bas du classement, la Société générale cumule un score particulièrement faible de 17,5/100. En cause selon Notre affaire à tous ? Sa stratégie climatique n’est pas incluse dans le plan de vigilance. Par ailleurs, l’association note : « La banque ne reconnaît pas explicitement sa part de responsabilité dans le réchauffement climatique et n’en détaille pas les conséquences sur les droits humains et l’environnement ». Finalement, des objectifs chiffrés, sur la base des Accords de Paris ou recommandations du GIEC font également défaut.
Dans le secteur agroalimentaire, Notre Affaire à Tous note que Auchan (27,5/100) « n’a aucune stratégie globale de lutte contre le changement climatique ». Quant à Casino (30/100), l’association relève : « Selon des rapports publiés par Reporter Brasil, EIA et CCCA, les fournisseurs de Casino en Amérique latine sont liés à la déforestation amazonienne », avant de souligner que le groupe ne reconnaît pas sa responsabilité dans le changement climatique. Pour rappel, Notre Affaire à Tous figure parmi les onze ONG qui assignent Casino en justice. Elles accusent le groupe de vendre des produits à base de viande bovine issue de fermes liées à la déforestation.
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Malgré ce classement argumenté, Jérémie Suissa explique : « Notre analyse n’a pas pour vocation de décerner des bons ou des mauvais des mauvais points telle une agence de notation, mais simplement d’apporter au débat public des éléments mettant en lumière le niveau d’implication et de sincérité des grandes multinationales françaises dans la lutte contre le changement climatique ».
Mise à jour du 21 juillet 2022 : Céline Coulibre Dumenil, directrice RSE d’Auchan retail déclare : « Je m’interroge sur le sens d’une évaluation comme celle-ci alors qu’il existe déjà un certain nombre d’études déjà extrêmement exigeantes de la part d’experts comme le Carbon disclosure project. L’évaluation de Notre Affaire à tous se base sur des informations parues en 2020, trop datées pour être discutées. Certes, nous avons encore un énorme chantier devant nous mais cette étude ne fait que condamner des entreprises qui font des efforts. Elle cristallise de la mauvaise énergie plutôt que de générer de l’enthousiasme. »
*Contactée, la Société générale, n’a, au moment de la publication de cet article, pas répondu à nos sollicitations. Le groupe Casino — impliqué dans une affaire en justice face à Notre Affaire à Tous — n’a, pour sa part, pas souhaité commenter ce rapport.