Toujours plus de pollution dans les océans, un recyclage à la traîne, des politiques ambitieuses mais peu réalistes… La consommation de plastique occupe grandement les politiques. Pendant ce temps, le secteur de l’industrie plastique se refait, doucement mais sûrement, une santé. Cela grâce aux habitudes très ancrées de la société de l’usage unique.
66 kilogrammes. L’association WWF France rapporte qu’en 2016, chaque Français a généré 66 kilos de déchets plastiques. À l’échelle du pays, cela représente une montagne de 4,5 millions de tonnes. Cette-là, l’Hexagone a raflé la place du plus grand producteur de déchets plastiques du bassin méditerranéen.
Le WWF rapporte également que 11.200 tonnes de déchets plastiques français finissent dans la Méditerranée chaque année. En tout, 200.000 tonnes de plastiques sont déversés dans cette mer chaque année. L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) rappelle qu’elle est la mer la plus polluée du monde.
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La question de la pollution plastique demeure au cœur des préoccupations. Dans un communiqué daté de septembre 2020, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a affirmé que « mettre fin à la crise mondiale de la pollution plastique dans les milieux marins d’ici à 2030 » est une priorité. « Il n’y a plus d’incertitudes sur la crise de la biodiversité. On attend de ce congrès une mobilisation nouvelle et un passage à l’action fort », déclare au Monde Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’UICN. À l’occasion du congrès de septembre 2021 à Marseille, l’UICN a enjoint les gouvernements à lutter contre la pollution plastique. Cette préconisation a fait l’objet d’une mention.
80% du plastique en mer vient de terre
Pour lutter contre ce fléau, le ministère de la Transition écologique a lancé le plan d’actions 2020-2025 « Zéro déchets plastiques en mer ». Ce dernier se compose de 35 mesures. La première prévoit de renforcer la prévention de la pollution plastique en amont, sur terre. « Les chercheurs estiment qu’entre 60% et 80% de la pollution plastique maritime et océanique est d’origine terrestre. C’est pourquoi la priorité est d’agir à la source », souligne Matthieu Combe, auteur de l’ouvrage Survivre au péril plastique (Rue de l’échiquier, 2019). La prévention est particulièrement essentielle sur les littoraux. Selon WWF France, 71% de cette pollution est liée aux activités côtières.
En parallèle, le gouvernement prévoit une réduction de 20% du volume des emballages plastiques d'ici 2025. Un décret en date du 30 avril 2021 dans le cadre de la loi anti-gaspillage officialise cette décision. Pour les acteurs de la lutte contre les déchets, cette annonce ne convainc pas. "L'objectif de réduction est fixé pour l'ensemble des metteurs sur le marché sans que l'on sache comment cela va se concrétiser en termes de contrôle du respect et de sanction. En plus, l’objectif est formulé en tonnage et non en unités de vente, ce qui va plutôt inciter à alléger le poids des emballages", déplore Alice Elfassi, responsable des affaires juridique chez Zero Waste France.
Cette même loi fixait comme objectif que la France recycle 100% des plastiques fabriqués sur son territoire d'ici 2025. Cette prévision semble d'autant plus ambitieuse que l'Hexagone ne recycle aujourd'hui que le quart de ses déchets plastiques. "Un objectif 100% recyclage" est "impossible à atteindre", assure au Monde Nathalie Gontard, directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) de Montpellier. "Sur la plupart des plastiques utilisés, ne serait-ce que pour les emballages, les filières de recyclage n'existent toujours pas. C'est notamment le cas pour le polystyrène d'emballages du pot de yaourt ou les emballages multicouches de la gourde de compote", confirme Matthieu Combe. "De plus, aujourd'hui, les industriels ne sont pas capables de recycler des objets composés de différents types de plastiques", ajoute l'auteur.
Des baisses "purement conjoncturelles"
PlasticsEurope, l'association professionnelle représentante des producteurs européens, rapporte que la hausse de la production et de la demande de matières ralentit depuis 2017. La crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 a même provoqué des baisses. En France, la production de plastique a reculé de 11% en un an. Dans le même temps, les demandes des clients ont diminué de 7,5%.
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Ces données s'expliquent par la mise à l'arrêt de l'industrie automobile. Celle-ci a engendré une baisse de la consommation de matières plastiques de 28%. La consommation a également reculé de 7% dans le secteur de l'emballage. Contrairement aux attentes des plasturgistes – les fabricants d'objets plastiques – la crise ne leur a pas été favorable. "Les baisses connues en 2020 sont purement conjoncturelles. Il faut s'attendre à un effet rebond dès cette année, aussi bien en France que dans le monde", prévient Matthieu Combe. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, l'embauche de salariés dans le secteur de la plasturgie devrait donc reprendre.
Dans les entreprises de la plasturgie française, quelques indices confirment la reprise. Bien qu'Emmanuelle Perdrix, présidente de Polyvia, fédération patronale du secteur, estimait en mai 2021 être "toujours en pleine crise", les emplois semblent partir de nouveau à la hausse. Selon l'Urssaf (Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales), le nombre de nouveaux contrats suit une courbe positive depuis le troisième trimestre de cette même année.
Cela fait suite à une très violente baisse des embauches de 43,3% au deuxième trimestre 2020. La reprise de l'activité devrait rapidement suffire pour combler le recul du nombre d'employés en 2020. Selon les données de l'Urssaf, l'an dernier, la crise a engendré la destruction de 249.600 emplois. "Aujourd'hui, la société de consommation repose encore sur le tout plastique. Et cela assure l'avenir de l'industrie plastique. Tant qu'aucune solution ne sera trouvée pour lutter contre les plastiques à usage unique, la filière aura toujours de beaux jours devant elle", juge Matthieu Combe.
Chaymaa Deb