Elles font fureur auprès des jeunes, mais également chez les fumeurs qui cherchent à arrêter la cigarette classique. Pourtant, à y regarder de plus près, les cigarettes électroniques jetables « Puff » constituent une aberration écologique. Alors qu’elles contiennent notamment une batterie, leur recyclage « infinitésimale » pose question. Enquête.
Goût pêche, coca, saveurs exotiques, les cigarettes électroniques jetables Puff ont de quoi attirer les vapoteurs. Simple d’utilisation, la Puff est une petite cigarette électronique jetable prête à l’emploi. Son accessibilité est d’ailleurs ce qui en fait une option plébiscitée par les jeunes fumeurs (et non fumeurs) et ceux qui veulent arrêter de fumer. Problème : la Puff ne se recharge pas. Une fois les 300 à 600 bouffées fumées, elle est jetée, mais presque jamais recyclée.
Des cigarettes électroniques jetables, un contre-sens écologique
Les Puffs occupent une place importante dans les rayons des bureaux de tabacs. Plusieurs marques sont visibles comme Liquideo, Marie Jeanne ou encore Dinner Lady. On y trouve plusieurs gammes de produits, avec (jusqu’à 20 mg/ml) ou sans nicotine . « Vous trouverez ces cigarettes électroniques jetables entre 8 euros et 17 euros ici. La Puff s’est vraiment imposée comme un produit incontournable », explique Armand, vendeur à la Civette du Palais Royal, l’un des plus vieux tabac de Paris.« Une fois que les vapoteurs ont terminé leur Puff, ils sont invités à nous les rendre. Nous les mettons ensuite dans une boîte de produits à recycler », ajoute-t-il. Il précise qu’une consigne de 50 centimes sera rendue aux clients pour leur prochain achat en boutique. Lorsqu’on regarde cette boîte de recyclage, on constate toutefois que peu de Puff leur reviennent.
À la Fédération Interprofessionnelle de la vape (FIVAPE), le produit fait débat en interne.« Notre priorité à la FIVAPE a toujours été de se focaliser sur la santé des consommateurs. Ainsi, nous considérons ces cigarettes électroniques jetables comme des produits qui aident les fumeurs à arrêter », explique Jean Moiroud, son président. « Dans un premier temps nous voulons l’arrêt du tabac. C’est seulement dans un deuxième temps que nous questionnons les moyens pour y parvenir », admet-il.
« Malgré tout, et c’est là la subtilité, est-ce que nous tenons ce produit en sympathie ? Pas du tout », insiste Jean Moiroud. « Pour nous, la Puff n’est absolument pas quelque chose d’idéal sur le long terme. Déjà d’un point de vue écologique, c’est n’importe quoi », reconnait-il. Il ajoute :« Il existe des dizaines d’alternatives qui sont à peine plus complexes à opérer », à commencer par la cigarette électronique classique rechargeable. « Je pense que tout produit muni d’une batterie, avec un cycle de vie d’un à deux jours, et qui est destiné à finir sa vie en déchet ou au mieux dans une possible filière de recyclage, est un non-sens environnemental », déclare-t-il.
Lire aussi : Le Haut Conseil de la santé publique rejette le vapotage comme méthode de sevrage tabagique
Le recyclage des Puffs pas si facile
Sur les nombreux sites internet qui mettent en avant les avantages de la Puff, une mention invite les utilisateurs à rapporter leur cigarette électronique utilisée en magasin ou à la déposer en déchetterie. Mais comment se passe ce recyclage ? L’éco-organisme Ecosystem, nous explique comment il procède. « Nous récupérons ces cigarettes car elles contiennent une batterie et sont donc collectées », explique Ecosystem. « La collecte se fait dans nos points de collecte réguliers : déchetteries, points de collecte chez les distributeurs ou dans les supermarchés », détaille l’éco-organisme.
« Les cigarettes électroniques sont collectées avec le PAM (petit appareil en mélange, NDLR). Nous avons globalement collecté 179.000 tonnes de PAM en 2021, avec un taux de recyclage de 72% », informe l’organisme. « Nous prélevons des échantillons régulièrement pour qualifier notre collecte et estimons que nous avons collecté environ 450 kg de briquets et cigarettes électroniques (jetables et réutilisables, NDLR) en 2021 soit une proportion infinitésimale du tonnage global », reconnait Ecosystem.
Il est à ce jour impossible de quantifier le marché français de la cigarette électronique jetable. Les données manquent et le marché reste opaque. En particulier, Liquideo, Marie Jeanne et Dinner Lady n’ont pas répondu à nos sollicitations. Seuls les chiffres du marché de la cigarette électronique (non jetable) sont connus. Le marché est estimé à environ 900 millions d’euros en France avec près de trois millions de vapoteurs. Il occupe la troisième place du classement mondial, après les États-Unis et le Royaume-Uni, selon la FIVAPE.
En théorie, les différents matériaux composant les cigarettes électroniques jetables sont recyclables : le laiton, le plastique, la mousse notamment. « Il existe cependant des barrières techniques à leur recyclage », affirme Ecosystem. « La petite taille des pièces et la présence d’une batterie au lithium, difficilement amovible et fortement inflammable, posent problème. La présence d’un liquide qui peut entraîner la pollution des autres fractions du produit ne rend également pas le recyclage évident », ajoute l’organisme.
Lire la suite : De mégots à plastique recyclé, l’innovante fin de vie des cigarettes
Boycotter les Puffs est possible
Dans le milieu de la cigarette électronique, certains vendeurs décident de ne pas proposer les Puffs à leurs clients. C’est le cas de l’entreprise « Ô Mon VapO » basée à Montpellier. « Nous refusons catégoriquement de vendre ces produits », affirme Audrey Le Fur, sa dirigeante. « Il est complètement irresponsable de vendre ce genre de produits. À quel moment avons-nous pensé que passer d’un système rechargeable à un système jetable était une révolution écologique ? », regrette-t-elle.
« Certains ont commencé à faire des Puffs dans des boîtes en carton pour nous dire que cela était plus écologique. C’est tout simplement du greenwashing. C’est mettre un pansement sur une jambe de bois », affirme-t-elle. Sur le site internet de l’entreprise, les équipes de Ô Mon VapO ont publié une tribune pour expliquer qu’ils ne vendraient pas ces produits et appellent au boycott des Puffs. Audrey Le Fur, sera présente au salon Vapexpo 2022 à Lille entre entre le 22 et 23 octobre prochain. Elle compte bien profiter de l’occasion pour de nouveau élever la voix contre les Puffs.
Au-delà des conséquences néfastes pour l’environnement, le goût addictif des puffs et le taux de nicotine présent dedans (entre 0% et 1.7%, NDLR) induisent une addiction rapide. Les jeunes, premières cibles de ces cigarettes électroniques jetables, sont invités à rester prudents.