Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), nous sommes officiellement 8 milliards de personnes sur Terre depuis le 15 novembre 2022. Mais les études démographiques réalisées par les Nations Unies ne se prononcent pas sur l’effet du réchauffement climatique sur l’évolution de la population mondiale à long terme. L’Institut national des études démographiques (Ined) nous explique pourquoi.

Nous venons de dépasser la barre des 8 milliards d’habitants sur Terre. Combien serons-nous d’ici la fin du siècle ? Si l’ONU prédit une population de 10,4 milliards d’ici 2100, une étude récente a bouleversé ces statistiques. James Pomeroy, économiste pour le groupe HSBC, a au contraire estimé que la population mondiale serait réduite à 4 milliards d’habitants à la fin du siècle. Une étude « pas aussi solide » pour Valérie Golaz, directrice de recherche à l’Institut national des études démographiques (Ined). Selon elle, ces résultats reposent sur des méthodes « plus simples », avec des données « clairement limitées ». Et pour calculer les tendances, l’étude ne prendrait pas en compte le réchauffement climatique. Pas plus que les autres études démographiques d’ailleurs.
Peu d’impacts du réchauffement climatique dans la croissance démographique
Alors, serons-nous plus proches de 10,4 ou 4 milliards d’habitants sur Terre en 2100 ? Impossible de se prononcer. Le réchauffement climatique joue-t-il un rôle déterminant dans la croissance démographique ? « A priori non, estime Valérie Golaz. Les calculs sont fondés sur les transformations de la fécondité, de la mortalité et des migrations au niveau national. Le réchauffement climatique n’intervient pas directement ». Si pourtant la directrice de recherches de l’Ined n’exclut pas des mouvements de populations dus au réchauffement de la planète, « ils n’interviennent pas dans les estimations planétaires », prévient-elle. L’ONU n’expose aucune certitude sur les projections à long terme. Pourquoi ? Car la situation climatique et géopolitique peut radicalement changer en huit décennies.
Quoi qu’il en soit, les déplacements internationaux n’iraient pas jusqu’à perturber l’évolution de la courbe démographique, estime l’Ined. « On sait que les migrations dues à des phénomènes environnementaux sont pour la grande majorité locales, c’est-à-dire internes au pays et à court terme », La Banque mondiale développe ce point dans un rapport de 2021. « Le changement climatique a des répercussions néfastes sur les moyens de subsistance des individus et nuit à l’habitabilité des zones qui y sont fortement exposées, avec des effets puissants sur les migrations internes », résume un communiqué de l’organisation.

Selon la Banque mondiale, d’ici 2050, le changement climatique entraînerait quelques 216 millions de personnes dans le monde en développement à migrer à l’intérieur de leur propre pays, notamment au sein de l’Afrique subsaharienne. À l’inverse, une baisse immédiate des émissions mondiales « pourrait diminuer l’ampleur des migrations climatiques internes de 80% » selon le rapport. Quant à la mortalité, l’impact du réchauffement climatique sur les plus vulnérables n’aurait pas d’effet assez visible sur les tendances liées à la croissance démographique.
« Une marge d’action » face au réchauffement climatique
Néanmoins, certains travaux, comme des études de la Banque mondiale ou de la Nasa, mentionnent de potentielles zones inhabitables sur Terre d’ici 2050. Cela va sans dire qu’une telle situation pourrait influencer très fortement les migrations au niveau mondial. L’Asie du sud et le Golfe Persique pourraient être concernés si les émissions de CO2 poursuivent leur croissance actuelle. Pour autant, Valérie Golaz ne veut pas prendre les projections climatiques au pied de la lettre. « Il y a une marge d’action des États et des individus et une marge d’erreur sur ce que l’on prédit. Cela peut être pire comme, cela peut être mieux », souhaite-t-elle tempérer.
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La directrice de recherche de l’Ined souligne par ailleurs l’existence d’un savoir-faire face aux conséquences du réchauffement climatique. « Si par exemple des côtes deviennent inhabitables, des aménagements peuvent être mis en place pour rendre ces zones viables malgré la montée du niveau de mer », détaille-t-elle. Mais en dehors de ces zones inhabitables en devenir, d’autres peuvent, au contraire, devenir plus propices à la société. La Banque mondiale le confirme en mettant en évidence les foyers d’immigration et d’émigration potentiels. « D’un côté, les régions dont les habitants s’éloigneront en raison de la raréfaction des ressources en eau, de la baisse de la productivité agricole et de l’élévation du niveau de la mer. De l’autre, les zones urbaines et rurales mieux loties et susceptibles d’offrir de nouveaux moyens de subsistance ».
Le nombre d’habitants n’influencerait-il pas le réchauffement climatique ?
Cela peut paraître paradoxal, mais il est peu probable que les futures naissances influencent dramatiquement l’augmentation des émissions carbone. Elles resteront en effet majoritairement produites par les plus aisés de la population mondiale. Or, une grande partie d’eux se situe encore aux États-Unis ou en Europe, là où la fécondité baisse, contrairement à l’Afrique subsaharienne. Dans cette région du monde, les pays connaissent une grande amélioration de leur santé publique, ce qui réduit la mortalité. En parallèle, la fécondité continue d’être supérieure au taux de remplacement, soit supérieur à 2 enfants par femme.
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Même si les futures générations accédaient à un meilleur niveau de vie en Afrique et devenaient elles-mêmes davantage émettrices de GES, la différence resterait « marginale ». En effet, sauf crise majeure et non prévue dans les scénarios, « il est peu probable que la structuration socioéconomique du monde change au point d’inverser les équilibres en présence », prévient Valérie Golaz.
Mais que la population mondiale augmente ou diminue à la fin du siècle, le principal défi reste de décarboner l’économie. « Tout dépend des modes de production et de consommation, synthétise la directrice de recherches de l’Ined. Le nombre d’habitants sur la planète est périphérique à la question des pratiques qu’il faut considérer jusqu’au sommet de l’État, et dans les relations avec les grandes industries ».