A l’occasion de la journée mondiale des rhinocéros, 2.500 cornes de rhinocéros ont été brûlées en Inde. Une action menée en faveur de la lutte contre le braconnage. Dans le pays, aujourd’hui, ce sont pourtant les changements climatiques et les activités humaines qui menacent l’animal déjà vulnérable.
Ce 22 septembre, près de 2.500 cornes de rhinocéros ont été brûlées au Nord de l’Inde, dans l’État d’Assam. Une action menée à l’occasion de la journée mondiale des rhinocéros, et dans le cadre de la lutte contre le braconnage. « Ce sont des cornes qui datent de plusieurs dizaines d’années pour certaines. Elles provenaient du braconnage, mais aussi et surtout d’animaux morts naturellement. Jusqu’ici, le gouvernement les a entreposées en sécurité pour qu’elles ne puissent pas fuiter dans le marché illégal à cause de la corruption, et pour que les braconniers ne puissent pas y avoir accès. Mais cela coûtait très cher » explique Rikkert Reijnen, conseiller principal – conservation à l’IFAW.
Pourquoi avoir brûlé ces cornes ?
Même lorsque les animaux meurent naturellement, il demeure problématique de revendre leur corne. « Avec plus de cornes sur le marché, cela fait baisser le prix à court terme. Elles deviendraient alors plus accessibles, et le nombre de personnes voulant s’en procurer risque d’augmenter. Pour subvenir à toute cette demande à long terme, le braconnage risque de faire son retour en force » explique Rikkert Reijnen. Peu importe d’où viennent les cornes, elles ont donc été brûlées. Le membre de l’IFAW note également, qu’à terme, « il est impossible de distinguer laquelle vient du braconnage, et laquelle vient d’animaux morts naturellement ». Aujourd’hui, au marché noir, une corne peut valoir entre 25.000 et 200.000 euros selon sa taille. Au minimum 62,5 millions d’euros sont donc partis en fumée ce mercredi.
Même si le commerce de cornes de rhinocéros est interdit depuis 1977 par la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), son commerce illégal est toujours présent. Plus chères que l’or, elles sont réduites en poudre. La matière est ensuite utilisée dans la médecine traditionnelle asiatique. Rikkert Reijnen souligne que « la demande actuelle est en baisse, mais vient surtout d’Asie, particulièrement du Vietnam et de Chine. Ils utilisent cette poudre pour de supposées vertus curatives, pour des traitements contre la fièvre, ou le cancer par exemple ». Pourtant, les scientifiques n’accordent aucune propriété médicale à ces cornes. Pour cause, elles se composent de kératine, même matière que les ongles et les cheveux.
Le braconnage en recul, des espèces toujours menacées
Si les rhinocéros sont aujourd’hui menacés, c’est en réalité le résultat d’une longue histoire. Au début de XIXème siècle, ils ont été décimés en Inde à cause de la popularité de la chasse sportive. Ils étaient alors au bord de l’extinction. En 1908, il ne restait plus que douze rhinocéros à Kaziranga, dans l’État d’Assam. « Dans cette région, en collaborant avec le gouvernement, nous avons réussi à faire remonter ces chiffres. En 50 ans, la population totale de rhinocéros est passée de 300 à près de 3.600 » précise Rikkert Reijnen.
« Aujourd’hui, il y a trois espèces de rhinocéros en Asie, et deux d’entre elles sont malheureusement toujours très proches de l’extinction » nuance le conseiller. Il précise qu’on estime les populations restantes à « quinze ou vingt pour les rhinocéros de Java, et une cinquantaine d’individus pour les rhinocéros de Sumatra ». On peut également compter 3.500 rhinocéros unicorne dans le pays.
Tous vivent dans des réserves naturelles, mais ces havres de paix sont tout de même soumis aux diktats de l’environnement. Pendant la mousson, de nombreux rhinocéros et leurs petits sont déplacés, blessés ou même tués à cause des inondations. « En Inde, contrairement à l’Afrique, les rhinocéros ne sont plus tant menacés par le braconnage. Ils le sont surtout par le climat et l’action de l’homme » alerte Rikkert Reijnen.
Dégâts humains et mort des rhinocéros
Le dérèglement climatique est l’une des principales raisons expliquant la disparition de ces animaux dans la région. Le conseiller de l’IFAW indique que « dans l’État d’Assam, les inondations sont courantes, ce qui tue de nombreux rhinocéros. Mais avec le réchauffement climatique, ces événements surviennent plus souvent et sont plus violents ». Les rhinocéros, dont la population est déjà fragile, sont d’autant plus menacés. L’ambition du conseiller est de voir se développer des corridors protégés. « Cela pourrait faciliter le déplacement des animaux lors de ces événements climatiques, et ainsi voir baisser les risques. »
Leur espace naturel est également menacé. Même s’ils vivent dans des réserves, « les hommes empiètent sur leur territoire. Ils construisent illégalement des maisons ou des installations sur des terres normalement protégées pour ces animaux. Et une fois que ces activités démarrent, il est presque impossible de revenir en arrière » rapporte Rikkert Reijnen. Des éléments qui perturbent l’espace, l’alimentation et la reproduction de ces espèces. Par ailleurs, la cohabitation n’est pas toujours facile entre l’homme et les animaux. Rikkert Reijnen constate que « le gouvernement a un dilemme, il faut à la fois loger et faire travailler des milliers de personnes, mais aussi préserver la faune et la flore. Je comprends que ce soit compliqué. Donc avec eux nous élaborons des programmes de sensibilisation pour la population. L’objectif étant qu’ils comprennent l’enjeu et ne s’attaquent pas aux animaux qui vivent près d’eux ».
Ouns Hamdi