À l’horizon 2025, la fondation Tara Océan prévoit d’envoyer en Arctique sa « Tara polar station ». Ce navire scientifique prévoit d’effectuer des prélèvements, analyses et expériences biologiques dans cette région particulièrement sensible au changement climatique. Ce 21 juin, avait lieu la présentation du projet à Paris.

L’Arctique s’étend sur près de 16,5 millions de km2. Son océan recouvre l’équivalent de cinq fois la surface de la Méditerranée. Pourtant, cette région du globe aux conditions extrêmes demeure mal connue. Quinze ans après une première expédition au pôle Nord, la fondation Tara Océan s’apprête à repartir dans la mer glacée. À l’horizon 2025, la fondation créée par la créatrice de mode Agnès Troublé — dite Agnès B. — prévoit d’envoyer une base scientifique polaire dérivante afin d’explorer l’Arctique sur le temps long.
Pendant 20 ans, ce laboratoire flottant, habité par douze à vingt membres d’équipage, scientifiques, journalistes et artistes permettra de comprendre une région hostile à l’homme, qui regorge de mystères biologiques. Ce 21 juin, Romain Troublé, directeur de Tara Océa présentait cette nouvelle expédition aux côtés des soutiens du projet.
L’Arctique, aux premières loges du dérèglement climatique
« L’Arctique est la sentinelle du climat », martèle ce mardi Gerhard Krinner, directeur de recherche au CNRS, climatologue et co-auteur du sixième rapport d’évaluation du GIEC. « Sur les 50 dernières années, il s’est réchauffé deux fois plus vite que la moyenne globale. […] Le changement climatique prédit et observé y est particulièrement fort », complète-t-il. Ainsi, cette région du globe s’avère clef afin d’anticiper les effets du dérèglement climatique sur le reste de la planète. »Comprendre les causes et les impacts du changement climatique au pôle Nord va nous permettre de prédire ses effets au sud », explique Romain Troublé.
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Ainsi, la station étudiera le changement climatique pour mieux anticiper ses effets.Gerhard Krinner complète : « En plus, le changement climatique en Arctique a des conséquences globales. La fonte de la calotte glacière du Groenland sera irréversible et causera à long terme une forte augmentation du niveau des mers. Le dégel de larges zones de permafrost en Sibérie et au Canada pourrait générer de fortes émissions supplémentaires de gaz à effet de serre, ce qui amplifierait encore le réchauffement ».
Un navire dérivant futuriste
En pratique, le projet a de quoi impressionner. 400 m2, 26 mètres de long et 14 mètres de large pour ce vaisseau marin ovale aux airs futuristes. 18 mois et 18 millions d’euros seront nécessaires pour la construction du navire. L’État a déjà annoncé participer à hauteur de 13 millions d’euros. « Nous investissons moins dans la recherche polaire que dans la recherche spatiale. Sur ce point, nous avons pris un retard considérable depuis une vingtaine d’années », témoigne Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur des pôles.
« C’est un bateau, une base polaire, un hôpital, une résidence d’artistes … », sourit Romain Troublé. Au-delà des marins et invités à son bord, la Tara polar station comptera deux chiens pour prévenir de la présence d’ours, mais aussi des capteurs solaires et des laboratoires secs et humides. De quoi recueillir et analyser sur place les données relevées sur la zone d’expédition. « Nous allons découvrir des milliers de nouvelles espèces. Ce sera une machine à produire de la connaissance et la partager », espère Romain Troublé.
Avant la station, la goélette
La Tara polar station permettra à la fondation reconnue d’utilité publique de poursuivre son travail de recherche entamé en 2003. À ce moment, Agnès B. et Étienne Bourgois reprenaient la goélette née de l’imagination du médecin explorateur Jean-Louis Étienne afin d’étudier les zones polaires. Depuis, celle-ci a parcouru près de 500.000 km et se trouve désormais au large de l’Angola.
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Il y a plus de dix ans, ce navire avait notamment permis de découvrir une forte pollution plastique en Antarctique, à l’occasion d’une expédition afin d’étudier le plancton. En Arctique, la Tara polar station mesurera également la pollution dans l’océan gelé. Avec, comme le rappelle Romain Trouvé, toujours le même but, partagé par les grands explorateurs : « Comprendre et mesurer notre place dans l’univers ».