Emmanuel Macron annonce que le bonus écologique pour l’achat d’une voiture électrique passe de 6.000 à 7.000 euros. Si elle apparaît comme une alternative sérieuse face aux émissions des véhicules thermiques, plusieurs acteurs doutent de sa valeur écologique. Bien qu’elle présente certains avantages économiques, l’impact environnemental de la voiture électrique peut parfois s’avérer désastreux.
Loin des interminables files d’attentes enfumées et des concerts de klaxons aux stations-services, la voiture électrique laisse songeur. En cette période de pénurie de carburant, la France fait tout pour convaincre l’automobiliste de ses atouts. Le but : ringardiser l’auto thermique qui serait devenue le symbole d’un vieux monde pollué et polluant. Pour ce faire, les aides financières abondent. Dans un entretien publié dans Les Echos lundi dernier, Emmanuel Macron signe un nouvel épisode dans l’opération séduction de l’électrique. Le but : faire adopter ce type de véhicules au plus grand nombre d’automobilistes possible.
Le président de la République a annoncé que le bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique grimperait de 6.000 à 7.000 euros pour la moitié la plus modeste des ménages français. Dans cet entretien, Emmanuel Macron est aussi revenu sur l’une de ses promesses de campagne. Il a affirmé qu’à partir du deuxième semestre 2023 sera mis en place un « leasing social ». Grâce à ce dispositif, ces mêmes ménages modestes pourront louer une voiture électrique pour 100 euros par mois. Le chef de l’État rappelle que l’objectif de ces mesures est de « rendre la voiture électrique accessible à tous ».
La voiture électrique : un marché florissant
Jusqu’à présent, la stratégie de promotion de la voiture électrique fonctionne. Selon les chiffres du ministère de la Transition écologique, les ventes de véhicules électriques et hybrides ont plus que triplé en cinq ans. Entre 2016 et 2020, le nombre d’acquisitions par an est passé de 109.557 à 312.767. L’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere France) indique même que pour la première fois en septembre 2022, les immatriculations de véhicules 100% électriques ont dépassé celles des diesels. Dans un communiqué diffusé à l’occasion de l’ouverture du Mondial de l’Automobile, l’association indique que ces ventes ont respectivement représenté 16% et 14,4% des parts de marché.
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Ces ventes ont fait augmenter la part des voitures électriques sur les routes françaises entre 2018 et 2022. Selon l’Avere France, leur nombre est passé durant cette période de 206.099 à 995.596. Dans le même temps, le nombre de bornes de recharges a pratiquement triplé. Elles étaient 24.808 en 2018, et sont actuellement 71.630. Initialement, le gouvernement avait pour objectif d’atteindre les 100.000 bornes avant fin 2021. Ce cap manqué le sera encore à la fin de cette année. En dépit de cet échec, Emmanuel Macron reporte le calendrier à l’année prochaine. « Nous serons à 100.000 bornes publiques à la fin du premier semestre 2023. Et à 400.000 en 2030 », explique le chef de l’État.
31/12/2018 | 30/09/2022 | |
Nombre de véhicules électriques et hybrides rechargeables en circulation | 206.099 | 995.596 |
Nombre de points de recharge ouverts au public | 24.808 | 71.630 |
Duel économique sur le plein
Pour l’Avere France, la voiture électrique représente des avantages certains pour les automobilistes. « Pour une majorité de particuliers, recharger un véhicule thermique coûte moins cher au quotidien que de faire le plein d’un véhicule thermique », indique l’association. L’argument est difficilement réfutable.
La taille des réservoirs à carburant est variable et peut aller de 40 à 90 litres. Pour une Peugeot 208, voiture la plus vendue en France, la taille du réservoir oscille entre 40 (diesel) et 44 (essence) litres. Le gouvernement tient une carte quotidiennement actualisée des prix que pratiquent chaque station-service du pays. En ce moment, les tarifs au litre dépassent les 2 euros, notamment en, Île-de-France. À ce prix, le montant du plein varie de 85 à plus de 100 euros. En voiture électrique, le plein revient beaucoup moins cher. Selon des données partagées par EDF, le plein d’un véhicule avec une batterie d’une capacité de 50 kilowattheures (kWh) se situe entre 8 et 11 euros. Ce prix peut même tomber sous la barre des 5 euros si la recharge a lieu à domicile.
Consommation spécifique kWh/100 km | Heure pleine (€) | Heure creuse (€) |
12 | 2,6 | 1,3 |
15 | 3,2 | 1,7 |
17 | 3,7 | 1,9 |
20 | 4,3 | 2,3 |
Ces disparités de prix font que les trajets parcourus sont plus rentables en électrique. Avec la Peugeot 208, le constructeur français estime qu’il faut 4 litres en moyenne pour parcourir 100 kilomètres. Donc, il faut compter un peu plus de 9,50 euros pour effectuer ce trajet avec la citadine. Avec un équivalent électrique, cette somme n’excède pas 3 euros.
La batterie de la voiture électrique au cœur des enjeux
Sur cet aspect, la voiture électrique semble plus intéressante économiquement. Mais le frein du prix du véhicule à l’achat subsiste. Pour Luc Chatel, président de la Plateforme automobile, le plein plus cher n’est pas un argument solide pour passer à l’électrique. « L’écart du prix de vente de la voiture électrique par rapport à la voiture thermique est de l’ordre de 40% », expliquait-il à BFM Business. L’expert ajoute que « l’explosion du prix des métaux rares et de l’énergie depuis le début de la crise » laisse présager « un impact de 30 à 40% sur le prix de la batterie ». Selon l’ancien député LR, cette augmentation des tarifs pourrait annuler les économies faites sur les pleins.
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Il semblerait néanmoins que la comparaison tarifaire entre l’électrique et le thermique soit moins évidente si l’on considère le coût global du véhicule. Dans un avis rendu cette semaine, l’Ademe indique que « sur sa durée de vie, le coût complet d’un véhicule électrique doté d’une batterie d’environ 60 kWh est inférieur à celui d’un véhicule thermique comparable dès aujourd’hui ».
L’agence estime même que sur 15 ans, un véhicule électrique compact avec une batterie de 40 kWh et chargé à domicile a un coût global de 8.000 euros inférieur à l’équivalent essence. En revanche, l’Ademe alerte sur le fait qu’avec une batterie de 80 kWh, « le surcoût d’investissement rend le coût complet défavorable ».
SUV électriques au top des ventes
Pour conserver l’avantage écologique de la voiture électrique, l’Ademe préconise donc « de choisir une batterie juste adaptée à l’usage majoritaire du véhicule, en sélectionnant un modèle de véhicule le plus petit et léger possible ». Or aujourd’hui, les SUV caracolent en tête des ventes des véhicules électriques. En effet, selon le mandataire automobile Caroom, pas moins de cinq modèles figurent parmi le Top 10 2022 des ventes de véhicules électriques.
Face à cette nouvelle génération d’automobiles, les défenseurs de l’environnement enragent. « Des gros SUV électriques, ça n’a aucun sens. Ils vont consommer énormément d’électricité et de matières premières. Ces véhicules n’ont absolument pas le droit à un bonus écologique », peste Cathy Lamri, co-présidente de l’association Paris sans voiture. « Au fil des années, tout s’est miniaturisé. Mais pas les voitures. Elles sont de plus en plus grosses, de plus en plus lourdes », déplore-t-elle. Cette dernière ajoute qu’il faudrait que les constructeurs parviennent à fabriquer des alternatives « plus légères qu’une [Renault] Zoé ».
La voiture électrique, une solution de court-terme
Au-delà du débat thermique VS électrique, Cathy Lamri aimerait que les usagers interrogent leurs déplacements. « La voiture électrique doit être légère et utilisée autrement. On ne peut plus prendre son véhicule pour acheter son pain », signale-t-elle. Ce rappel est loin d’être superflu. En février 2021, l’Insee indiquait que les automobilistes prennent leur voiture pour 53% des trajets domicile-travail de 2km. Cette proportion passe à 60% pour les déplacements de moins de 5km. Pour la co-directrice de Paris sans voiture, l’électrique est au mieux « une solution de transition, de court terme ».
De plus, RTE prévoit que le réseau électrique sera assez résilient pour recharger 15,6 millions de véhicules électriques en 2035. À cette date, la vente de véhicules thermiques sera interdite. Or, selon le ministère de la Transition écologique, plus de 38 millions de véhicules circulent sur les routes de France. En clair, dans les prochaines années, la détention d’un véhicule individuel est problématique d’un point de vue écologique. « Si on ne veut que remplacer la voiture thermique par une électrique, on ne s’en sortira pas », abonde Cathy Lamri. Cette dernière rappelle, par ailleurs, que la pollution de l’air en France cause annuellement la mort de 48.000 personnes.