À gauche, la majorité des candidats à l’élection présidentielle se soucient de l’avenir climatique français et mondial. Mais Fabien Roussel, lui, le fait à sa manière. Entre « apéroussel », nucléaire et jours heureux, le communiste conjugue décarbonation et préservation du pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Pour en savoir plus, Natura Sciences lui a soumis des questions ciblées sur son programme écologique.
Silhouette élancée, sourire éclatant, coiffure ébouriffée. Sur fond de « bonne viande » et de réunions publiques baptisées « apéroussel », Fabien Roussel se présente volontiers comme l’épicurien de cette élection présidentielle. Durant les cinq prochaines années, il ambitionne de faire de la France une « République des jours heureux ». Face à la morosité ambiante et la fadeur de cette campagne, ces mots sonnent comme une invitation à l’espoir.
Mais à y regarder de plus près, certaines de ses propositions peuvent interroger les électeurs dont le cœur penche traditionnellement à gauche. Alors que de ce côté de l’échiquier politique la sortie du nucléaire semble être la norme, Fabien Roussel prône l’inverse. Autre tendance : consommer moins de viande. Plus écologique, et meilleur pour la santé disent les scientifiques. Qu’à cela ne tienne, ce n’est pas la vision de Roussel.
Durant plusieurs semaines, Natura Sciences a suivi le candidat communiste dans plusieurs déplacements à Paris et à Montreuil. Et malgré une enquête de Mediapart qui l’accuse d’emploi fictif portant sur son passé d’assistant parlementaire, Fabien Roussel est donné devant Anne Hidalgo au premier tour. Pour en savoir plus sur son programme écologique et ses solutions face à l’urgence climatique, nous lui avons soumis quelques questions ciblées. Voici ses réponses.
Natura Sciences : Le GIEC l’a encore dit hier dans le troisième volet de son sixième rapport : il y a urgence. Dans trois ans au plus tard, les émissions de gaz à effet de serre devront avoir atteint leur pic mondial. Sans cela, il sera impossible de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C voire 2°C.
Mais aujourd’hui, la Terre s’est déjà réchauffée de plus de 1,1°C depuis le début de l’ère préindustrielle. Si vous deveniez président de la République, quelles seraient vos actions les plus structurantes pour changer de modèle de développement et de consommation ?
Fabien Roussel : Je propose d’investir massivement pour la transition énergétique, et de respecter les recommandations du GIEC qui demande à tous les pays d’investir 6% du PIB pour le climat. Pour la France, cela suppose d’atteindre 140 milliards d’euros d’investissements par an, et donc de tripler les investissements actuels.
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En ce qui concerne les investissements publics, je propose d’investir 65 milliards d’euros supplémentaires par an. Cette somme sera répartie de la façon suivante : 25 milliards pour décarboner la mobilité, 23 milliards pour économiser l’énergie dans les bâtiments, 7 milliards pour relancer la production d’électricité décarbonée et 10 milliards pour transformer notre agriculture et faire évoluer notre alimentation.
Fabien Roussel, à gauche, vous êtes le seul candidat pro-nucléaire. Comment expliquez-vous cette position alors que plusieurs scénarios énergétiques (RTE, ADEME, négaWatt) montrent qu’il est possible d’avoir un mix d’électricité 100% renouvelable en 2050 pour un tarif pratiquement similaire à celui n’incluant pas de nucléaire ?
Je suis favorable à un mix électrique incluant la construction d’au moins six EPR supplémentaires et une augmentation conséquente de la production d’électricité renouvelable comme le proposent plusieurs scénarios de RTE. Les scénarios proposés par différents organismes n’incluant pas de nucléaire font des paris technologiques risqués, et pour plusieurs d’entre eux prennent des hypothèses en matière d’évolution des modes de vie qui me semblent irréalistes socialement.
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Il ne me semble ni possible ni souhaitable de parier sur une réduction importante de la mobilité des Français. Un tel objectif ne peut à mon avis être atteint qu’en contraignant par la pauvreté une partie importante de la population à ne pas se déplacer. Pour moi, c’est socialement inéquitable. De même, la réduction massive de la construction de maisons individuelles prônée par plusieurs scénarii me semble tout à fait irréaliste, alors que l’aspiration à vivre en maison individuelle est, de longue date, très majoritaire dans notre pays.
Votre modèle de « République des jours heureux » se veut convivial et accessible à tous. Comment faire pour que Françaises et Français puissent acheter des produits moins polluants et réduire leur empreinte écologique ?
Il faut que notre fiscalité soit entièrement adaptée. Je souhaite en particulier que les produits les plus vertueux pour le climat bénéficient de taux de TVA réduits. De plus, il est essentiel que notre pays s’engage dans une politique très volontariste de réindustrialisation. En effet, notre empreinte carbone a très fortement augmenté du fait du développement massif de nos importations à partir de pays qui produisent leurs produits sur la base d’énergies très carbonées, en particulier de centrales à charbon.
Fabien Roussel, estimez-vous qu’il y ait un sens à interdire les publicités pour les produits polluants? Selon vous, la France devrait-elle prendre des mesures contre les entreprises qui ne s’aligneraient pas sur la trajectoire de l’Accord de Paris ?
Oui, tout à fait.
Quelle place accordez-vous à la voiture individuelle (électrique ou autre motorisation), notamment dans les zones rurales ? Et pour les transports en commun ?
En matière de mobilité, il faut investir massivement pour rendre les trajets moins polluants. Cela passe par le développement du rail, des transports urbains et du vélo. Mais cela ne pourra concerner qu’environ 20% des kilomètres parcourus en automobile. Dans les zones périurbaines et rurales, la voiture restera incontournable à long terme. Il est donc essentiel de faire évoluer l’automobile. Le véhicule de demain sera électrique et moins lourd, pour consommer moins d’énergie, et de l’énergie décarbonée.
Quel regard portez-vous sur les initiatives citoyennes telles que la Convention citoyenne pour le climat et le référendum d’initiative citoyenne ? Fabien Roussel président pourrait-il faire appel à ce processus ?
Il s’agit d’initiatives très positives. Pour faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique, les initiatives citoyennes sont essentielles.
Propos recueillis par Matthieu Combe et Chaymaa Deb