Alors que les associations de protection animale appellent les candidates et candidats à l’élection présidentielle à s’engager sur la question de la condition animale, une candidate a bâti tout son programme autour de cette question. Il s’agit d’Hélène Thouy, candidate du parti animaliste, que nous avons rencontrée à Paris.
Cet entretien sera publié en trois épisodes. Dans ce premier épisode, Hélène Thouy, candidate du Parti animaliste à l’élection présidentielle, présente ses positions sur différents sujets en lien avec la protection animale. Dans le deuxième épisode, publié ce mercredi 23 février, nous nous intéresserons à la question de l’élevage et de la consommation de viande. Et vendredi, le dernier épisode sera consacré à la chasse.
Natura Sciences : Le Parti animaliste est monothématique et transpartisan. Quelle est l’ambition de votre candidature dans un contexte où les problématiques à régler en France dépassent l’unique question animale?
Hélène Thouy : Nous avons décidé de nous présenter à l’élection présidentielle pour faire de la question animale l’un des enjeux majeurs de cette élection présidentielle. Nous voulons la mettre à l’agenda politique des cinq prochaines années et obliger les autres candidats à se positionner sur ce sujet. Nous souhaitons qu’ils indiquent les mesures qu’ils entendent mettre en œuvre sur cette question.
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Quand on parle de cause animale, on a parfois tendance à considérer que cela ne concerne que des questions de bons ou mauvais traitements sur les animaux. En fait, la question animale est beaucoup plus vaste et touche à de grandes thématiques de société et au sort des humains. Nous sortons de deux ans de pandémie, on sait très bien les conséquences dramatiques qu’ont eu pour nous, humains, cette crise sanitaire. Les rapports scientifiques, notamment de l’IPBES, nous indiquent que les élevages industriels et intensifs, constituent des risques majeurs de futures pandémies. Nous portons donc la fin de ces élevages, ce qui bénéficiera évidemment aux animaux mais aussi aux humains.
Vous êtes avocate au barreau de Bordeaux et défendez notamment L214. En quoi votre métier est-il une force pour être la candidate du parti animaliste?
Par mon métier d’avocat, j’ai vu la nécessité d’inscrire mon combat sur le plan politique parce que j’ai vu les limites du droit. Ma connaissance et mon expérience du droit aujourd’hui applicable – et de ses limites – me permet de savoir ce qu’il faut changer.
J’interviens beaucoup pour la cause animale, mais j’interviens aussi sur des problématiques sociales beaucoup plus classiques qui concernent le quotidien de tous nos citoyens. Cela me permet d’avoir une vision assez globale de la société et des difficultés de nos concitoyens.
Quelles sont dans nos lois les limites qui concernent directement la cause animale et qui sont très problématiques à vos yeux?
Malheureusement, il y a beaucoup de limites. La principale limite c’est que beaucoup d’activités sont autorisées alors qu’elles sont génératrices d’extrêmes souffrances pour les animaux. L’élevage intensif et industriel en premier lieu, enferme les animaux dans des bâtiments ou des cages extrêmement étroites sans accès au plein air.
Ensuite, il y a une absence de protection des animaux sauvages contre toute forme de violence. Les animaux sauvages ne sont pas du tout protégés. Seuls les animaux domestiques apprivoisés ou tenus en captivité le sont. Cela signifie qu’il est possible de faire subir n’importe quoi aux animaux sauvages sans encourir la moindre sanction.
Quand on parle de biodiversité, on pense aussi climat. Pourquoi la question animale est-elle importante si l’on s’intéresse au climat?
La question animale est importante si l’on s’intéresse aux enjeux environnementaux et aux enjeux climatiques. On le sait, de nombreux rapports scientifiques, nous alertent sur les conséquences qu’ont les élevages industriels, les élevages intensifs, sur le climat et sur l’environnement. On sait que pour nourrir les animaux dans l’élevage intensif et l’élevage industriel, nous avons besoin d’importer beaucoup de nourriture végétale, ce qui engendre une déforestation importante, notamment en Amazonie.
Parallèlement nos élevages industriels et intensifs en France sont générateurs d’extrême pollution et donc nous n’avons d’autre choix aujourd’hui que d’en finir avec ce modèle qui est désastreux pour les animaux, pour l’environnement, pour le climat, et donc finalement aussi pour les humains. Il faut avoir le courage d’en sortir. Nous avons tous les rapports scientifiques qui nous y incitent, qui même nous enjoignent de le faire, il manque juste le courage politique pour le faire.
Une loi récente souhaite mettre fin à la maltraitance animale, notamment dans les cirques, les delphinariums, animaleries et spectacles. Quels sont pour vous les oublis importants de cette loi?
Cette loi est une avancée indéniable. Les citoyens attendaient ces mesures depuis longtemps. En revanche, on est très loin du compte au regard, à la fois de ce que subissent les animaux, et des attentes des citoyens. Cette loi est très insuffisante parce que elle n’évoque absolument pas le sort des animaux d’élevage. Les animaux d’élevage, c’est trois millions d’animaux terrestres qui sont tués chaque jour en France. La loi ne prend aucune disposition sur les animaux de chasse, sur la corrida, ou encore sur les combats de coqs. Il faut donner davantage de moyens aux services de gendarmerie et de parquets pour identifier les infractions, les poursuivre et les faire sanctionner.
Quelle est votre position sur le réensauvagement, le fait de réintroduire des espèces animales dans des espaces où ils ont disparu ?
Notre proposition est de réserver des territoires aux animaux, sur lesquels l’empreinte humaine doit être minimale, ou même inexistante. Sur la question des réintroductions, nous sommes assez partagés et réservés, parce que la plupart du temps, par exemple pour les ours, c’est dramatique, ils se font tuer.
Il faut réserver des espaces aux animaux et il y a des activités humaines qui n’ont pas lieu d’être. Il faut accepter par exemple que les activités d’élevage soient cantonnées dans certaines parties du territoire. Quand on parle de transhumance par exemple, il faut réserver des espaces ou l’élevage n’a pas sa place et où les animaux sauvages sont souverains sur leurs territoires. Cela ne veut dire qu’il ne faut pas laisser d’espace aux éleveurs, cela veut juste dire qu’ils doivent accepter que tout le territoire ne leur appartient pas.
C’est une très mauvaise idée de systématiquement perfuser d’argent public sans jamais essayer de tirer les leçons des événements dramatiques passées. C’est la même chose avec les questions de grippe aviaire et les élevages de canards. Tous les ans, cette maladie fait abattre des millions d’animaux comme si c’était normal. On continue d’année en année et on dépense des millions d’euros de subventions pour compenser, mais à un moment donné, il faut arrêter ! Il faut arrêter de gaspiller l’argent public, il faut arrêter de sacrifier des millions d’animaux.
« Il faut arrêter de gaspiller l’argent public, il faut arrêter de sacrifier des millions d’animaux. »
Hélène Thouy, candidate du Parti animaliste à l’élection présidentielle
On l’oublie souvent, mais le braconnage reste une réalité en France métropolitaine. Que proposez-vous pour pour endiguer cette atteinte claire à la biodiversité?
Le problème est que les services en charge de réaliser les contrôles et de dresser les infractions n’ont souvent pas assez de moyens. Nous avons l’arsenal juridique pour pouvoir sanctionner ces types de faits, mais malheureusement nous n’avons pas assez de moyens, de personnes, qui peuvent aller sur le terrain, vérifier, faire des contrôles et donc dresser des procès-verbaux d’infractions et les transmettre au parquet.
Finalement, les sanctions et les condamnations sont tellement hypothétiques et tellement faibles qu’elles n’ont pas d’effet dissuasif. Vous vous faites beaucoup plus d’argent en braconnant plutôt qu’en évitant de le faire.
Quelle est votre position sur le référendum d’initiative citoyenne (RIC)?
Si nous avons créé le parti animaliste, c’est parce qu’il y avait un décalage entre les attentes des citoyens et la réponse politique qui était apportée. Nous assimilions cela à un déni de démocratie. En effet, nous avons une majorité de citoyens qui sont très favorables à des avancées sur la question animale.
À un moment donné, il faut que les citoyens reprennent leur pouvoir sur ces sujets. C’est pour cela que nous avons mis le référendum d’initiative citoyenne, le RIC, au programme pour la question animale, mais de façon générale sur toutes les autres thématiques où on se heurte à des blocages, où les citoyens veulent que cela avance et où leurs représentants politiques, eux, verrouillent les avancées. Nous portons un seuil de 1 million de signatures, ce qui nous paraît à la fois un seuil raisonnable pour pouvoir être atteint, sans pour autant complètement bloquer le fonctionnement de nos institutions. Mais un million c’est tout à fait accessible sur des sujets importants de société.
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Propos recueillis par Chaymaa Deb, Matthieu Combe et Léo Sanmarty