Alors que L214 alerte cette semaine les candidats et candidates à l’élection présidentielle à s’engager contre l’élevage intensif, nous avons rencontré Hélène Thouy, candidate du parti animaliste, à Paris. Elle alerte contre l’élevage intensif, l’abattage sans étourdissement et la nécessité de diminuer notre consommation de viande.
Cet entretien constitue le deuxième épisode de notre entretien avec Hélène Thouy, candidate à l’élection présidentielle sous la bannière du Parti animaliste. Dans le premier épisode, Hélène Thouy présentait ses positions sur différents sujets en lien avec la protection animale. Vendredi, le dernier épisode abordera le thème de la chasse.
Natura Sciences : Le Parti animaliste veut mettre fin à l’élevage industriel. Mais veut-il aussi mettre un terme à tout élevage?
Hélène Thouy : La fin de l’élevage industriel et intensif est effectivement la première et la mesure la plus urgente. Elle concernerait énormément d’animaux puisque 8 animaux sur 10 aujourd’hui qui sont tués en France proviennent de l’élevage intensif ou industriel. Donc déjà si on arrête ce type d’élevage, on limite toutes ces souffrances.
Le programme du parti animaliste a comme seule interdiction l’interdiction de l’élevage intensif industriel et aussi d’ailleurs de la pêche industrielle, mais n’a pas à son programme l’interdiction de toute forme d’élevage et d’ailleurs pas non plus l’interdiction de toute consommation de produits d’origine animale. Nous portons une réduction de 50% de la production et de la consommation de produits d’origine animale.
Ce qu’il faut déjà dire c’est que les éleveurs qui sont dans l’intensif et dans l’industriel ne s’en sortent pas économiquement la plupart du temps. Ils gagnent 400 ou 500 euros par mois, travaillent de 60 à 80 heures par semaine. Ils sont endettés la plupart du temps complètement désespérés et ils ne demandent qu’une chose : sortir de ce modèle qui ne leur assure même pas de revenus décent.
Comment accompagner ces éleveurs dans leur reconversion ?
La première des choses, c’est de pouvoir racheter leurs dettes, les aider à se reconvertir. Pour les aider à se reconvertir, il faut les amener sur des filières d’avenir. On veut les diriger vers des filières végétales pour arriver à une souveraineté alimentaire, c’est-à-dire que la France puisse produire toutes les céréales, toutes les légumineuses, dont elle a besoin sur son territoire. Nous avons des terres disponibles et donc au lieu d’affecter une part majeure de l’alimentation végétale à l’alimentation des animaux, on l’affecte directement à la consommation humaine. On arrive à nourrir tout le monde avec des plantations sur notre territoire et à des coûts beaucoup moins importants. Nous porterons aussi une TVA à O% pour tous ces produits d’origine végétale qui sont de première nécessité.
En début de mandat, il faut arrêter les nouvelles autorisations et les extensions d’élevage. C’est très facile à faire. Et sur toute l’échelle du mandat, il faut accompagner les éleveurs à se reconvertir. La fin de cet élevage industriel et intensif a été chiffrée aux environs de 10 milliards d’euros. C’est à peu près le montant de la suppression de la taxe d’habitation. Donc c’est tout à fait absorbable selon les économistes.
La fin de cet élevage industriel et intensif a été chiffrée aux environs de 10 milliards d’euros. C’est à peu près le montant de la suppression de la taxe d’habitation. Donc c’est tout à fait absorbable selon les économistes.
Dans ces conditions, vers quelle consommation de produits d’origine animale faudrait-il tendre ?
Il faut diminuer. Il faut devenir redevenir raisonnable parce que nos grands-parents n’ont mangé jamais autant de produits d’origine animale que nous. Et on le voit, ça a des conséquences sur les animaux, désastreuses sur l’environnement, sur le climat, sur la santé publique donc il faut arrêter, on va dans le mur. Il faut privilégier de la nourriture de bonne qualité qui soit éthique et qui sera beaucoup plus accessible économiquement. Parce que quand j’entends que la viande d’élevage industriel intensif n’est pas chère, en fait, ce n’est pas vrai. C’est que l’on ne paie pas la viande au réel coût. Si on devait intégrer toutes les externalités négatives, une étude a montré qu’on paierait le steak 10 euros, donc très loin de la valeur aujourd’hui dans un supermarché.
Il faut aussi se rendre compte que tous ces produits d’origine animale ne coûtent «pas cher» parce qu’ils sont ultra-subventionnés. C’est donc un choix politique de plutôt réorienter nos subventions, tout particulièrement de la PAC vers des productions qui ne soient pas préjudiciables aux animaux, à l’environnement, aux humains.
On porte une réduction de 50% de la production et de la consommation de produits d’origine animale, y compris dans la restauration collective. Cela se décline dans la restauration collective avec la moitié des repas qui sont sans produits d’origine animale.
Il faut sortir de l’idée qu’il est essentiel de manger tous les jours, trois fois par jour, des produits d’origine animale. Parce que ce que l’on mange dans ces conditions, c’est des produits qui sont produits dans l’élevage industriel et intensif, bourrés d’antibiotiques, dans des conditions désastreuses et on sait que la surconsommation de viande est à l’origine de maladies. Ce n’est pas parce qu’on va diviser par deux la consommation de viande que les enfants vont être en danger, au contraire. Et on va l’aider les éduquer à des nouvelles saveurs.
Plusieurs enquêtes d’associations montrent que, quel que soit le mode d’élevage, les animaux finissent leur vie dans les mêmes abattoirs. Que faire pour diminuer les souffrances dans les abattoirs?
On oblige l’étourdissement préalable systématiquement. Et on l’étend à tous les animaux. Aujourd’hui, les poissons ne bénéficient d’aucune obligation d’étourdissements préalable. Le principe de l’étourdissement, c’est de faire perdre conscience à l’animal. Donc ce qui veut dire que lorsque l’animal a perdu conscience, après lorsqu’il est mis à mort par la saignée avec un couteau, normalement, il ne ressent plus la sensibilité.
Sur le principe, l’étourdissement est censé limiter les souffrances. Selon les types d’animaux, les méthodes d’étourdissement vont être différentes. C’est loin d’être le Graal, loin d’être la panacée l’étourdissement mais malgré tout aujourd’hui au regard de nos règles de « protection animale », c’est une limitation des souffrances.
Souvent cette question est instrumentalisée. Donc c’est pour ça qu’on ne parle pas d’abattage rituel mais d’abattage sans étourdissement. Et l’un des plus grands pays musulmans au monde, l’Indonésie, pratique l’abattage avec étourdissement. Donc en soi, ce n’est pas un obstacle même du point de vue religieux.
Sur les abattoirs, on fait des contrôles et on met de la vidéo surveillance obligatoire. Ce que l’on voit c’est qu’il y a vraiment un problème d’identification des infractions et de poursuites. Et on laisse à des acteurs indépendants des abattoirs la possibilité d’avoir accès à ces images. Notamment des représentants d’associations de protection animale qui pourront avoir accès à ces images et qui pourront porter ces infractions devant les juridictions afin qu’elles soient sanctionnées.
Propos recueillis par Chaymaa Deb, Matthieu Combe et Léo Sanmarty