Nathalie Arthaud est candidate à l’élection présidentielle au nom de Lutte Ouvrière. Succédant à Arlette Laguiller, elle vise la présidence de la République pour la troisième fois. Entretien sur son programme écologique et climatique.

Natura Sciences : Vous défendez un modèle de société qui est contre le capitalisme. Comment mettriez-vous en place ce nouveau modèle pour qu'il soit compatible avec les objectifs climatiques?
Nathalie Arthaud : Cette nouvelle société naîtra si des millions de femmes et d'hommes décident de la construire. Il faut prendre conscience que c'est une question vitale : préserver la planète et l'espèce humaine. J'imagine un changement profond et radical de la société au travers d’une période révolutionnaire, où des millions de femmes et d'hommes prennent conscience de l'impasse dans laquelle nous mène cette société capitaliste. Cette société est basée sur l'exploitation, la destruction des ressources naturelles, la course au profit, et sur un gâchis inouï. Ainsi, j'espère que ces femmes et hommes réalisent qu’ils sont en mesure de prendre en main la société, de la diriger eux-mêmes collectivement.
Nous construisons un parti communiste avec la perspective que tout le système productif et les entreprises finissent dans nos mains à tous. Nous visons l'expropriation de la classe capitaliste des grands moyens de production et finalement la collectivisation de ces moyens de production, leur fusion dans des entités uniques. Et ce, de façon à pouvoir organiser la production, et la planifier en fonction des besoins de la population.
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Ce type d'organisation est pour moi le seul moyen de produire consciemment. La société capitaliste c'est tout sauf l'organisation, la planification et la coordination. C'est l'anarchie la plus complète. Ce sont les lois du marché, la concurrence, et finalement des millions d'initiatives individuelles. Elles se télescopent avec quelques grosses initiatives menées par des multinationales.
Dans un système post-révolution, que deviendraient ces multinationales ?
Ces multinationales seraient pour nous des outils fantastiques pour coordonner et pour planifier. J'imagine tout ce qu'on pourrait faire avec ces satellites qui aujourd'hui servent autant à spéculer qu’à résoudre les problèmes environnementaux ou les problèmes climatiques. Ces satellites ont une capacité de prévision, d'organisation. Si vous pouvez décider que les GAFAM [Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, ndlr] servent à recenser nos besoins, à collecter l’avis de tout un chacun, on aurait là des outils extrêmement puissants pour organiser les choses.
Pour nous le communisme, ce n’est sûrement pas la destruction de ce que le capitalisme a construit. C'est au contraire la mise au service de l'ensemble de la population de ces outils qui peuvent être des outils fantastiques. Mais aujourd'hui gérés par une classe capitaliste, ils deviennent uniquement une source de profit pour quelques-uns, pas des outils pour servir la population.
Les ingénieurs et autres cadres auraient-ils leur place dans un système répondant à des règles communistes?
Bien sûr qu’ils auront leur place ! Je pense simplement que toutes les activités purement spéculatives, par exemple les activités de « trading haute fréquence » disparaîtraient. J’ose espérer que ces ingénieurs s'épanouiraient en mettant leurs compétences au service d'autres tâches, plus exaltantes, et je pense qu'il y a de quoi faire.
Aujourd'hui, il y a encore de la malnutrition dans le monde. Il y a même des enfants qui meurent littéralement de faim. Quand on réalise qu’il y a des gens qui n'ont pas d'eau potable, des gens qui sont encore en train de creuser la terre presque à mains nues pour essayer d’y faire pousser un petit quelque chose, on se rend compte qu'il y a énormément de choses à faire.
J’espère que tous ces cerveaux, toutes ces compétences auront envie de s’investir. Pour moi aujourd’hui ce sont des compétences et des intelligences qui sont gâchées. Quand je vois tous les moyens, les trésors d'inventivité, d'intelligence qu'on déploie pour fabriquer des armes ultra-sophistiquées et qu'on n'arrive pas à résoudre des problèmes de logement ou d'éducation, je pense que c'est vraiment la preuve qu'on marche sur la tête.
Comment pourrait-on contraindre les entreprises à s'aligner avec les objectifs fixés par l'accord de Paris ? Comment les obliger à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre jusqu'à atteindre la neutralité carbone en 2050 ?
Moi je pense très clairement qu'il faut les exproprier et qu’il faut les gérer comme des services publics finalement. Je parle là de l’industrie automobile. Je parle de l'industrie agroalimentaire, je parle de ces grandes multinationales numériques… Les exproprier et les gérer comme des services publics et les gérer effectivement à l'échelle internationale parce qu’il est évident et j'insiste quand même là-dessus : la crise climatique ne trouvera pas de solution à l'échelle d'un seul pays. Vraiment là c'est la question de notre organisation planétaire. Aucun pays ne pourra espérer s’en sortir tout seul, nous sommes tous dépendants les uns des autres. Moi je ne suis pas de ceux qui veulent faire reculer la mondialisation. Je pense même que la mondialisation sera un bout de la solution.
Tous les gouvernements raisonnent en se disant "on ne va pas emmerder comme le dirait Emmanuel Macron, on ne va pas emmerder nos capitalistes parce qu'il y a la guerre économique". Et bien moi je pense qu’il faut qu’on les emmerde ! Y compris qu'on se batte pour que ces supers moyens de production n...
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