Nicolas Dupont-Aignan est plus connu pour ses positions souverainistes qu’écologiques. Pourtant, il a su construire un discours écologique étoffé. Nous l’avons interrogé à son QG de campagne à Paris sur la taxe carbone aux frontières de l’Europe, la neutralité carbone, l’Union européenne, la rénovation des bâtiments, la place de la voiture, l’éolienne, le nucléaire… Entretien.
![Nicolas Dupont-Aignan interrogé sur son programme écologique et climatique](http://natura-sciences.com/wp-content/uploads/2022/03/nicolas-dupont-aignan-ecologie-climat-1024x576.jpg)
Natura Sciences : Vous qualifiez votre écologie « d’intelligente ». En quoi consiste-t-elle?
Nicolas Dupont-Aignant : Je voudrais une écologie de l’action et pas de la parole. Et je voudrais qu’on se mette sur ce que je crois être l’essentiel, c’est-à-dire les grandes masses qui permettraient vraiment d’agir fortement. Alors d’abord, quelle est ma vision générale? Ma vision générale, c’est que l’écologie est fondamentale. Mais que l’écologie est trop importante pour la confier paradoxalement aux Verts, même si les Verts ont fait avancer le débat. Et je suis surpris dans cette discussion sur l’écologie, qu’on va en surface et qu’on ne s’attaque pas à des mesures qui permettraient de traiter les problèmes en amont et de manière sérieuse.
Je vais vous donner deux exemples : on se polarise sur l’énergie avec ces éoliennes et ces panneaux solaires, qui ne représentent pas une solution durable et solide, et on oublie complètement de mettre le paquet sur les économies d’énergie, notamment l’isolation des bâtiments. Il y a 5 millions de passoires thermiques, si on voulait traiter vraiment les 5 millions de passoires thermiques. Si on voulait vraiment les traiter, ce ne sont pas les 3 milliards que vient de rajouter le gouvernement qui vont y arriver. Mais c’est entre 6 et 10 milliards par an, c’est considérable. Donc j’ai l’impression qu’en fait, on en parle plus qu’on agit.
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Par exemple, j’ai fait un rapport sur la pollution des océans, et j’étais sidéré de voir qu’on parle des océans depuis des années, mais que par exemple pour la Méditerranée, où il y a 50 organisations internationales, il n’y a même pas un plan pour mettre à niveau les stations d’épuration du nord et du sud de la Méditerranée. Et donc plutôt que de faire de grands discours, il faut investir dans un plan de stations d’épuration, c’est-à-dire des égouts tout simplement. C’est tout con si je peux m’exprimer ainsi, mais on n’en parle pas. C’est-à-dire qu’on va discuter des heures sur les filets de pêche, sur ceci, sur cela, mais pour tous les égouts des pays riverains de la Méditerranée qui se jettent dans la Méditerranée, il n’y a pas de plan global chiffré avec un échéancier. Donc j’aimerais qu’on mette du sérieux dans ce domaine.
Natura Sciences : La Neutralité carbone en 2050 est-elle possible sans des efforts drastiques des Françaises et des Français ?
Nicolas Dupont-Aignant : Alors pour moi, c’est une aberration parce que la neutralité carbone pour la France est un suicide si parallèlement, on ne le fait pas ailleurs. J’aimerais que la France corrige ses défauts – isolation thermique des bâtiments, transports -, mais que la France arrête d’aller trop loin, trop fort ou alors qu’on exige la même chose des autres. Le drame de la conférence de Glasgow, c’est qu’on a très bien vu que la Chine, l’Inde, la Pologne et l’Allemagne dans une certaine mesure, ne sont pas du tout sur notre trajectoire. Donc moi je veux bien tout, mais je ne veux pas d’une France qui se sacrifie alors que les autres ne font pas. Alors, comment peut-on faire? Se servir des accords de libre-échange comme levier d’action. C’est-à-dire qu’à chaque fois qu’on achète un produit chinois, on fait sauter la planète. A chaque fois qu’on achète un produit allemand ou polonais, on fait sauter la planète.
La seule solution c’est de peser sur le commerce mondial pour dire à la Chine ou à l’Inde : stop. Quelle est la solution? C’est la taxe carbone aux frontières de l’Europe. C’est la seule solution.
En fait, on a fait quoi? On a désindustrialisé la France et on achète nos produits dans des pays qui polluent. Si on ne rompt pas ce mécanisme de folie, tous les discours sur les gaz à effet de serre n’ont aucun sens. Ce qui m’exaspère, c’est de voir le gouvernement, Madame Pompili qui est la plus nulle des ministres de l’écologie qu’on ait jamais eu, passer leur vie à faire une sorte de surenchère symbolique qui complique la vie des Français, qui ne sert absolument à rien, alors même qu’ils favorisent l’explosion de la planète ailleurs. Et j’espère que je suis clair.
Un : énergie, on continue le nucléaire, il n’y a pas d’autre solution donc il faut arrêter de raconter des salades aux gens. Deux : on réduit la consommation dans les bâtiments où il y a un gisement considérable et on met le paquet dessus. Je propose de transférer les subventions aux éoliennes vers l’isolation thermique. Et trois : on met une taxe carbone aux frontières si on veut que la Chine et les autres pays réagissent, sinon la planète va exploser.
À chaque fois que vous allez dans un supermarché, vous commettez un écocide. Chaque fois que vous achetez un produit chinois, allemand, polonais, vous produisez un écocide. Je ne suis pas contre un écocide, mais faisons un écocide mondial à ce moment-là.
Natura Sciences : Que faut-il donc faire pour être le plus efficace possible ?
Nicolas Dupont-Aignant : Ce que je voudrais, c’est qu’on tape juste. C’est-à-dire qu’on tape à l’endroit où il y a le plus d’effets sur l’écologie. Il y a un domaine où on n’agit pas assez, c’est l’économie circulaire. Ça ne coûte rien de réglementer l’obsolescence programmée. Prendre une bonne loi sur l’obsolescence programmée sera 1000 fois plus efficace que toutes les mesures punitives qui emmerdent les Français à longueur de journée.
Mais cela veut dire remettre en cause l’Union européenne. Et c’est pour ça que je veux remettre en cause l’Union européenne. L’Union européenne est un nid à lobbies. L’Europe verte, l’Europe ceci… mensonge total ! L’Europe est le nid des lobbies anti-environnementaux. Il n’y a que les écolos qui croient qu’à Bruxelles ça va s’améliorer. Alors oui il y a des discussions, il y a parfois des progrès, tout n’est pas blanc ni noir. Je pense qu’à un moment, il faut que la France prenne une loi pour interdire d’importation en France des produits qui ont une obsolescence programmée scandaleuse.
Moi je crois que la seule façon d’avancer, c’est pas de nier l’Europe, attention, parce qu’on est plus fort si on le fait ensemble. Mais c’est d’arriver à la fois à mêler action européenne de coordination et incitation française.
Pour qu’on passe vraiment à l’acte, il faut qu’on arrive à mettre la défense de l’environnement dans un processus économique positif. Le recyclage des produits peut être un gisement d’emplois fabuleux. L’isolation peut être un gisement d’emplois fabuleux. Et là tout le monde est content. Parce qu’on crée une filière du recyclage, de la réparation. Parce que quand vous changez la fenêtre, vous réduisez la consommation d’énergie donc la personne qui est au SMIC va consommer peut-être 10 euros, 15 euros de mois et ça lui permettra d’aller au cinéma. Ça c’est concret.
Natura Sciences : Vous défendez le nucléaire et êtes contre l’éolien. Pourtant, le gestionnaire du réseau RTE montre que quel que soit le scénario de transition énergétique, incluant ou non du nucléaire, il faudra de l’éolien. Maintenez-vous vos positions ?
Nicolas Dupont-Aignant : J’y suis complètement hostile. On arrête l’éolien. Je pense que le solaire est de l’avenir, notamment pour tout ce qui est eau chaude. Je pense qu’il y a certains parcs solaires qui peuvent être utiles. En revanche l’éolien est une aberration sur tous les plans. On garde l’éolien qu’on a, on est parti avec.
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Le modèle éolien va avec le modèle gaz. Et le gaz pollue beaucoup plus que le nucléaire. Donc quand vous ouvrez un champs d’éoliennes, vous ouvrez obligatoirement du gaz. Et voilà pourquoi les lobbies du gaz sont à fond derrière l’éolien. L’éolien n’a pas une rentabilité extraordinaire pour un pays comme la France qui a une énergie nucléaire. Si vous êtes un pays comme l’Allemagne qui est avec du charbon, l’éolien se justifie parce qu’il remplace du charbon par du gaz. Le modèle français n’est pas celui-là. Le modèle français, c’est une électricité nucléaire à 70%. Même il faut monter à 80% si on peut, 90%. Je suis pour un nucléaire maîtrisé. Je suis pour maintenir à 100% public EDF, c’est-à-dire revenir à 100% d’actionnariat public EDF, renationaliser EDF. Et je suis hostile au privé dans le nucléaire parce qu’il y a une course au prix qui peut être dangereuse. Et je suis favorable à de la recherche pour améliorer le nucléaire. Mais je pense qu’il faut en France solaire, nucléaire, hydroélectrique et économie d’énergie.
Natura Sciences : La fin du pétrole invite à interdire la voiture thermique les centres-villes. En même temps, elle joue un rôle capital dans les campagnes. Faut-il passer au véhicule électrique et aux transports en commun?
Nicolas Dupont-Aignant : Oui, il faudra sortir du pétrole. Oui, il faudra sur 50 ans que les gens arrivent à trouver un autre véhicule. Mais le passage au véhicule électrique manu militari en 10 ans est totalement irréaliste. La priorité pour moi, c’est par exemple d’enlever les vieux diesels. Ça oui bien sûr, je ne suis pas fou. J’ai l’impression qu’en fait on ne fait pas une politique écologique pour les gens. On fait une politique écologique pour se faire plaisir. Ou c’est devenu un business. C’est-à-dire dépenser de plus en plus d’argent dans sa voiture.
En Italie, les centres-villes sont interdits aux voitures, sauf aux riverains, mais complètement interdits. Les gens se déplacent librement et vont à des parkings intermédiaires. En France on n’a pas fait ça, parce qu’on n’a jamais osé. Mais il faudrait mieux que le centre de Toulouse sur un petit périmètre soit carrément interdit aux voitures, ce qui est quasiment le cas d’ailleurs, et qu’il y ait des parkings relais. Mais au nom de quoi allons-nous empêcher des gens qui habitent aux alentours de Toulouse de venir dans les parkings relais parce que la ZFE [Zone à Faibles Émissions, ndlr] couvrira toute l’agglomération?
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Les hommes ont besoin de leur voiture. Après, qu’on arrive à Paris et que même à Bastille il y ait un grand parking de 1000 places gratuit, très bien. Et après les gens prennent les transports en commun. Moi je ne suis pas un demeuré.
Vous n’allez pas pouvoir mettre un réseau de transport dans toutes les campagnes, ça ce sont des gens qui vivent à Paris qui pensent ça. Ça n’existe pas, parce que ce n’est pas possible. Les Français veulent être libres et la voiture est un instrument de liberté.
Les transports en commun doivent être dans les zones denses. Et je suis même pour la gratuité des transports en commun, je l’ai toujours été. On ne doit pas opposer la voiture et le transport en commun. On peut un jour pour aller travailler prendre des transports en commun et on peut avoir envie le week-end de prendre sa voiture pour aller se promener, pour visiter, pour vivre. Je n’aime pas cette manière d’opposer les automobilistes. On est parfois piétons, on est parfois transport en commun – bus, on est parfois train, on est parfois voiture. N’excluons pas l’une des mobilités par rapport aux autres.
Propos recueillis par Chaymaa Deb et Matthieu Combe
Images /Montage : Léo Sanmarty