La Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (Nupes) a dévoilé son programme au cours d’une conférence de presse. Sur huit chapitres, l’écologie apparaît comme la seconde priorité de l’alliance de gauche. Natura Sciences met en lumière cinq différences avec les propositions du président de la République, réélu le 24 avril dernier.
Le jeudi 19 mai, moins d’un mois avant les législatives, la Nupes, nouvelle alliance de la gauche créée pour l’occasion, a présenté un « programme partagé de gouvernement » lors d’une conférence de presse. Ce programme compte 650 mesures, dont 20 grands axes fondés sur l’écologie. Cette nouvelle union réunit la France insoumise (LFI), Europe Écologie – Les Verts (EELV), le Parti Socialiste (PS), le Parti Communiste Français (PCF) et Générations. Les partenaires veulent montrer leur bonne entente depuis cet accord le 7 mai dernier, en vue d’obtenir la majorité aux législatives.
« En face, les autres ont un petit texte qui n’est pas un programme et renvoie aux propositions du chef de l’État », a lancé Jean-Luc Mélenchon au début de son discours en parlant de l’alliance Renaissance. Le leader de la Nupes a ainsi qualifié le projet de la coalition adverse comme « la continuité d’une hyper-présidentialisation avec un non programme ». À contrario, Jean-Luc Mélenchon qualifie le programme de la Nupes d’une « respiration démocratique du pays avec des propositions partagées ». Pour différencier les idées d’Emmanuel Macron et de la nouvelle alliance de gauche, Natura Sciences met en lumière cinq différences phares en matière de transition écologique et de préservation de l’environnement.
1/ Nucléaire et énergies renouvelables : une opposition sans fin
Si le chef de l’Etat a réaffirmé en février dernier la relance du nucléaire, le sujet continue de diviser les alliés de la Nupes. La sortie du nucléaire – sans échéance précise – s’inscrit pourtant comme la première mesure en termes de « bifurcation et rénovation énergétique ». L’alliance promet ainsi d’« abandonner les projets d’EPR (Réacteur pressurisé européen), planifier le démantèlement, la réhabilitation et la reconversion des sites nucléaires et de l’ensemble de leur bassin de vie' ». À cela s’ajoute le passage à « 100% d’énergies renouvelables ». Un projet de déploiement massif sur lequel « la France est bonnet d’âne en Europe », a déclaré Julien Bayou, secrétaire général d’Europe Écologie – les Verts. En sortant du nucléaire, l’alliance s’engage à mettre une place une « convention collective unique pour les travailleurs du nucléaire », tout en garantissant leur reconversion.
Déjà au programme depuis les annonces d’Emmanuel Macron à Belfort, le déploiement massif des énergies renouvelables s’affirme davantage comme une urgence depuis le début de la guerre en Ukraine. C’est pourquoi l’ex-candidat En Marche! envisage pour sa part une production plus importante en termes d’énergie solaire et éolienne. Cela passe notamment par la création de 50 parcs éoliens en mer d’ici 2050, et le développement de filières françaises pour établir une « stratégie verte pour l’hydrogène vert ». Mais en 2050, le nucléaire aura bien toujours sa place dans le mix électrique français.
En effet, Emmanuel Macron entend compléter ce déploiement avec la construction de six à quatorze EPR. Au total, 50 milliards d’euros seraient consacrés chaque année à la transition écologique si le président de la République obtient la majorité présidentielle en vue des législatives. La Nupes vise quant à elle 200 milliards d’euros sur cinq ans pour réindustrialiser le pays. Et ce, « par des plans de filières au service de la bifurcation écologique ».
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2/ Deux conceptions de la planification écologique
Si Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon revendiquent tous deux la planification écologique, l’application qu’ils en ont diffère. La première proposition écologique pour la Nupes consiste à inscrire la règle verte dans la Constitution. Elle consiste à « ne pas prélever sur la nature plus de ressources renouvelables que ce qu’elle peut reconstituer ». Pour cela, l’union de la gauche entend reconnaître un statut juridique à la nature. Cette proposition n’est pas envisagée par la coalition Renaissance.
De nombreuses propositions découlant de cette règle verte figurent au programme de la Nupes. Parmi elles, la création d’un Conseil à la planification écologique. Ce plan, construit avec les citoyens, syndicats et associations, « supervise, organise et met en œuvre ‘[la planification écologique], en impliquant également les banques et les entreprises ». Un rôle similaire au Haut Conseil pour le Climat (HCC) créé sous le mandat d’Édouard Philipe. Le HCC est chargé d’apporter un éclairage indépendant sur la politique climatique du Gouvernement.
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Pour sa part, Emmanuel Macron a privilégié la nomination d’une Première ministre en charge de la planification écologique. Elisabeth Borne est ainsi épaulée par deux ministres. Amélie de Montchalin devient ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique.
3/ Biodiversité : deux stratégies opposées
La protection de la biodiversité fait partie des leviers prioritaires des deux coalitions. Cependant, quelques divergences subsistent. Pour mieux protéger la biodiversité, la Nupes compte notamment lutter contre l’artificialisation des sols. L’alliance souhaite également « stopper l’étalement urbain » pour préserver les espèces et leurs habitats. Il est notamment question de renoncer à certains projets d’infrastructures. Le programme cite par exemple des « entrepôts géants ». A la place, il conviendra de « planifier le développement urbain et économique » selon les besoins de maintien de la biodiversité.
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À coté de cela, les partenaires de la Nupes souhaitent renforcer les moyens humains et financiers des opérateurs publics et acteurs de la biodiversité. En ligne de mire : le Cerema, l’Office national des forêts, l’Office français de la biodiversité ou Météo France. Pour aller plus loin, les partis de gauche s’opposent aux organismes génétiquement modifiés (OGM), aux pesticides et aux accords internationaux. Ils les estimentnéfastes pour la biodiversité, le climat et la gestion de l’eau.
Contrairement à la Nupes, Emmanuel Macron s’appuie quant à lui sur la dépollution. Dans son programme présidentiel, l’ex-candidat En Marche! a proposé de mettre fin à 50 grandes décharges à ciel ouvert, source de « pollution pour [les] territoires, [les] rivières et [les] mers ». Le président de la République a également promis la restauration de 30% des écosystèmes en plantant 140 millions d’arbres d’ici 2030.
4/ Les espaces forestiers : une attention différente
Au niveau des espaces forestiers, les programmes n’affichent pas les mêmes priorités. Celui de la Nupes, plus conséquent en la matière, soutient surtout le renforcement des moyens humains, financiers et matériels des forestiers et de l’Office national des forêts. Pour ce dernier, l’union de la gauche a l’intention de stopper sa privatisation. En revanche, elle incite à la création de coopératives de petits producteurs et au groupement de la gestion de parcelles forestières privées.
Le programme de gauche consiste également à « reconstruire tout le secteur de la transformation du bois ». La Nupes tient notamment à favoriser l’usage du bois dans la production d’énergie et dans la construction. Et la Nupes compte bien lutter contre le trafic du bois. En plus d’autres pratiques illégales comme la déforestation ou l’orpaillage, la Nupes compte sur une plus grande coopération internationale. Quant aux importations, il est question d’« assurer une traçabilité complète » afin de contraindre les entreprises à exclure les produits issus de la déforestation de leur chaîne d’approvisionnements.
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Contrairement au programme exposé par la nouvelle alliance de gauche, Emmanuel Macron n’évoque que très peu les forêts dans ses nouvelles mesures. Son programme présidentiel mentionne la volonté de replanter 50 millions d’arbres pour « repeupler 45 000 hectares de forêts ». Pour ce faire, Emmanuel Macron a promis une aide de 200 millions d’euros grâce au plan de relance et au financement du label bas-carbone.
5/ Objectifs neutralité carbone
D’autres idées opposent les candidats de gauche à celles du Président de la République. L’agriculture, l’alimentation et la protection des océans marquent des divergences fortes entre les deux coalitions. Toutefois, l’objectif principal reste le même : atteindre la neutralité carbone en 2050. La France s’est fixé cet objectif lors de l’Accord de Paris en 2015, à l’occasion de la COP21. Pourtant, la Nupes et Renaissance n’affichent pas la même ambition en termes de réduction des émissions carbone. Si le clan du président de la République maintient les 40%, comme le veut la loi Climat et Résilience pour 2030, la Nupes vise plus haut.
La nouvelle union de gauche espère ainsi une baisse de 65% des émissions nationales dès 2030. ‘« Un objectif au-delà de ce que propose la Commission européenne », a rappelé Julien Bayou. Pour rattraper le retard de la France dans ses engagements climatiques, le secrétaire général d’EELV reprend les conclusions du rapport du Giec : « L’idée est d’investir vite et fort pour rattraper ce retard », a-t-il ajouté. Reste à savoir quel programme écologique, celui de Renaissance, de Nupes ou d’un autre parti aux législatives, convaincra les électeurs les 12 et 19 juin prochains.