Cette semaine a été marquée par un épisode de très forte chaleur. Le mercure à dépassé les 40°C à Paris et dans plusieurs régions de l’hexagone. Les travailleurs en extérieur étaient en première ligne, continuant à trimer dans des conditions météorologiques extrêmes, au détriment de leur santé et parfois au péril de leur vie.

La vague de chaleur qui a enveloppé l’Europe et la France cette semaine a mis en exergue la dangerosité d’exercer certains métiers. Nausées, évanouissements, déshydratations, voire décès, les travailleurs extérieurs sont en danger. Ce mardi, nous sommes allés sur les chantiers de Paris, à la rencontre des ouvriers. Sous 40,5°C, ils témoignent anonymement de leurs conditions de travail, pour ne pas mettre en danger leur emploi, à Natura Sciences.
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Des ouvriers non logés à la même enseigne
Il est 13H00 dans le 16ème arrondissement de Paris, quartier Auteuil. Marwan* (27 ans) et Akim* (30 ans) sont abrités dans l’ombre de leur camion stationné près du chantier. Bouteilles d’eau à la main, ils s’arrêtent régulièrement pour s’hydrater. « On est là depuis 8H du matin. La chaleur est déjà difficile à gérer depuis plusieurs heures maintenant », explique Marwan qui s’éponge le front avec ses gants. « On ne sait pas trop à quelle heure on va quitter le chantier, cela dépend un peu du travail de la journée. Et là, nous sommes obligés de prendre beaucoup de pauses à cause de la chaleur », dit-il. »Nous aimerions avoir des horaires aménagés », souffle Akim. Il poursuit : « mais ce n’est pas du tout le cas. Honnêtement, c’est inhumain de travailler sous cette chaleur ».
Dans le 20ème arrondissement de la capitale, Vadim*, (32 ans) travaille sur la toiture d’un immeuble dans le quartier de Charonne. « Nous n’avons pas d’horaires aménagés. Pas nous », grommelle-t-il. « Certains collègues du milieu ont cette chance, pas nous », répète-t-il. Vadim et son équipe sont déployés sur le toit d’un immeuble de 6 étages. « Nous sommes ralentis à 2.000%, c’est accablant. En haut il fait 40°C à l’ombre et 65°C au soleil », explique-t-il en pointant du doigt le toit. « Travailler dans ces conditions est dangereux », soupire-t-il. Il poursuit : « Nous avons un point d’eau potable à notre disposition dans l’immeuble. L’entreprise fournit un réfrigérateur pour garder la nourriture et l’eau au frais. Sur ce point, nous sommes mieux lotis que certains collègues. » La loi stipule que les ouvriers doivent disposer de trois litres d’eau dans la journée.
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Une canicule qui affecte les travaux
Franck (54 ans), chef de chantier pour la société E.V EN basée à Maurepas (Yvelines), met un point d’honneur à ce que les horaires aménagés soient respectés. « Quand cela est possible, on commence plus tôt, pour partir plus tôt, afin d’éviter la chaleur », explique-t-il. « En tant que responsable on doit s’occuper de l’eau et on se doit de respecter le QSE (qualité sécurité environnement) », dit-il. L’entreprise, via des fiches explicatives, sensibilise les ouvriers sur les risques liés à la canicule. « Quand on commence à ressentir la soif, c’est déjà trop tard sous cette chaleur, il faut boire », insiste Franck. Sur les chantiers, il veille à ce que les ouvriers changent de poste pour que les mêmes ne soient pas toujours sous le soleil.
La société « E.V EN » est spécialisée dans l’aménagement d’espaces verts. « La canicule affecte les aménagements que nous faisons », remarque Franck. « Les mairies nous font planter au mois de juillet alors que ce n’est pas la saison, encore moins cette année avec la canicule. Les plantes souffrent », regrette-t-il. Il ajoute: « Nous sommes obligés de déployer des équipes pour arroser, ce qu’on ne fait pas autant normalement. Les mairies ne comprennent pas et ne savent pas s’adapter. C’est n’importe quoi. Les plantes meurent et il faut recommencer ». Selon Franck, le secteur doit s’adapter en favorisant les travaux plus tard dans l’année.
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Les syndicats veulent des mesures concrètes
En France, deux personnes ont succombé ces derniers jours à leur travail, dans le cadre d’accidents « en lien possible » avec la canicule. L’un en Occitanie (Sud-Ouest) et l’autre en Bretagne (Ouest), ont indiqué les autorités sanitaires mercredi. Pour les syndicats, il faut impérativement des mesures concrètes pour protéger les salariés, notamment en raison de la fréquence des vagues de chaleur, qui devrait doubler en Europe d’ici 2050 sous l’effet du réchauffement climatique.
« L’Europe a besoin de températures maximales de travail », a ainsi estimé sur Twitter la Confédération européenne des syndicats (CES). Selon la CCOO (Commissions ouvrières), d’autres mesures sont nécessaires pour réduire les risques, comme l’instauration de pauses allongées et de sessions de formation à destination des employeurs. Il faut aussi « identifier tous les postes » les plus exposés « aux fortes chaleur », insiste le syndicat.
*Prénoms d’emprunts choisis par les interviewés.