En plus de la sortie des énergies fossiles, le troisième volet du rapport du Giec insiste sur la décarbonation de l’électricité pour parvenir à la neutralité carbone en 2050. Le déploiement des technologies bas carbone s’avère alors essentiel pour tenir les objectifs de l’Accord de Paris. Natura Sciences fait le point avec Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (Ser) sur les priorités énergétiques.
Le message du troisième volet du rapport du Giec est clair. La décarbonation de l’électricité doit être accélérée pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et respecter l’Accord de Paris. Dans les scénarios limitant le réchauffement à 1,5°C, voire 2°C, les seules réductions d’émissions à court terme s’avèrent insuffisantes. Il faudrait attendre entre 2045 et 2055 pour que ces émissions nettes de CO2 atteignent zéro au niveau mondial.
C’est pourquoi le rapport indique la nécessité de « modifier considérablement le système énergétique au cours des 30 prochaines années ». Alors, pour y parvenir, les solutions s’orientent principalement vers l’accélération du renouvelable et la sobriété énergétique. Mais tout cela dépend uniquement des moyens accordés par les États.
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« Il faut accélérer les renouvelables »
Redouté pour ses conclusions alarmantes, le rapport du Giec présente toutefois une bonne nouvelle. Les coûts de déploiement du solaire et de l’éolien ont connu une forte diminution au cours de ces dix dernières années. Un avantage considérable puisque ces deux énergies représentent le potentiel de contribution à la réductions de gaz à effet de serre le plus élevé. « La baisse des coûts des énergies renouvelables et des technologies vertes offre des possibilités importantes de progrès », confirme la présidence de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) dans une déclaration officielle.
En termes de coût de production, « le solaire a été divisé par dix et l’éolien par deux ou trois », complète Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables (Ser). Une diminution due selon lui aux politiques de développement de ces filières. « Celles-ci ont permis des effets d’échelle qui ont engendré à leur tour des investissements industriels, particulièrement dans le solaire », explique le président du Ser. Pour atteindre la neutralité carbone, l’expert insiste. « Il faut accélérer les renouvelables ». Une décision d’autant plus primordiale avec le conflit russo-ukrainien qui « entraîne des augmentations de prix d’énergie tout à fait affolantes », rappelle Jean-Louis Bal.
Électrifier tous les secteurs
Outre le solaire et l’éolien, d’autres options permettent la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Parmi elles, le nucléaire, l’hydroélectricité ou la chasse aux émissions de méthane dans la production d’énergies fossiles. Ces solutions présentent néanmoins un potentiel moins élevé pour un coût plus important.
Quoiqu’il en soit, le recours aux énergies renouvelables apparaît comme immanquable selon les conclusions du rapport. « Même avec un minimum de réacteurs nucléaires, il faudra 50% de renouvelables », précise Jean-Louis Bal. Un constat établi par les scénarios du Réseau de transport de l’électricité (RTE).
Sur le plan national, le président du Ser note l’urgence de « développer les usages de l’électricité » afin de décarboner l’économie française et se passer des énergies fossiles. Ce développement des usages de l’électricité sera permis, selon lui, grâce « aux transports qui deviennent électriques, l’utilisation de l’électricité dans le bâtiment pour le chauffage et l’eau chaude et dans l’industrie ».
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Réduire la demande d’électricité
Mais l’urgence climatique ne permet pas de compter uniquement sur les énergies renouvelables pour atteindre la neutralité carbone. Notamment puisque les énergies fossiles, dont le charbon, restent encore trop utilisées dans le monde. « ll faudra aussi travailler sur l’efficacité et la sobriété énergétique pour diminuer les consommations [d’électricité] », indique Jean-Louis Bal.
Cette efficacité énergétique est recommandée par le Giec à plusieurs reprises, notamment pour le secteur du bâtiment. Le rapport mentionne, pour ce secteur, une augmentation des émissions mondiales de CO2 de 50% sur la période 1990-2019. La demande d’électricité a, quant à elle, augmenté de 161%. « Intégrer du renouvelable va permettre des bâtiments à énergie positive, affirme le président du Ser. Cela va permettre d’exporter de l’énergie sur le réseau ».
Le rôle financier des décideurs politiques
Si le président du Ser confirme la priorité de l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, celle-ci dépend essentiellement des moyens mis en place par les décideurs politiques. « Le financement doit également être considérablement augmenté pour soutenir la transition urgente et juste vers une économie à faible émission de carbone, et relever les défis de l’adaptation », a déclaré la présidence de la CCNUCC après la publication du rapport du Giec.
En France, Emmanuel Macron a annoncé l’intensification du déploiement des énergies renouvelables, lors de son déplacement à Belfort en février dernier. « Il faut maintenant que ça se traduise dans les faits », signale Jean-Louis Bal. Le président du Ser confirme que cette accélération est possible grâce à des projets solaires et éoliens. Ces derniers ne demandent qu’à « être instruits par les services de l’État ».
« Il faut que l’État mette en place beaucoup plus de moyens humains à disposition, demande l’expert. Cela nous permettrait une accélération des projets dans un futur proche, dès 2022″. Un effort est alors attendu de la part des politiques. « Il peut y avoir une volonté politique chez nous en France, et dans la plupart des pays européens, rassure Jean-Louis Bal. Mais dans le monde entier, j’en suis moins sûr ».