Le quart des émissions de gaz à effet de serre en France provient de nos assiettes. Alors pour éviter de cramer votre bilan carbone au moment de l’apéritif, Jean-Luc Fessard, fondateur de l’association « Bon pour le climat » et Michel Duru, ingénieur agronome et directeur de recherche à l’INRAE, vous livrent leurs conseils.
Le barbecue est en place, prêt à chauffer vos saucisses pour votre apéritif en famille. Vous vous apprêtez à l’allumer avec du charbon de bois, très polluant, et soudainement vous vous interrogez sur votre impact carbone… On vous donne quelques pistes pour un apéro réussi, et mettre l’éco-anxiété au placard.
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Le bilan carbone d’un apéritif
Selon l’Ademe, l’alimentation en France occupe 54% du territoire et génère 20% des émissions de gaz à effet de serre. Les modes de production de nos aliments préférés ont parfois de lourdes conséquences sur l’environnement : l’utilisation d’engrais et de pesticides, la transformation des aliments, le transport, essentiellement routier des denrées, qui pollue l’air et émet des gaz à effet de serre, sans compter l’impact des importations par avion. Ici, choisir ses aliments consciencieusement est donc l’une des clés pour préparer au mieux un apéritif.
Jean-Luc Fessard, journaliste environnement, est le fondateur de l’association « Bon pour le climat ». Ainsi, il propose des actions concrètes et positives pour changer nos pratiques alimentaires afin de préserver la planète et son climat. « Pour commencer, aujourd’hui un repas avec entrée, plat et dessert représente environ 5 kg de CO2. Et pour être bon pour le climat, un chef doit proposer un repas en dessous de 2,2 kg de CO2. C’est ce que nous conseillons pour atteindre les objectifs du Giec », explique-t-il. Le journaliste détaille : « Je vous dirais, que dans le meilleur des cas, un apéritif doit, pour le climat, représenter environ 500-600 grammes de CO2, par personne, en fonction de ce que vous proposez ».
Globalement, l’Ademe calcule qu’un gramme de charcuterie émet en moyenne 7 g de CO2. Une tranche de saucisson pèse entre 5 et 10 grammes. Autrement dit avec 10 tranches de saucissons, le score de l’empreinte carbone de l’apéritif explose déjà.
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Un apéro presque parfait
Pour diminuer l’impact carbone de votre apéritif, il faut procéder par étape. « Il faut surveiller le ratio animal-végétal de votre apéritif, le tout avec des produits de saison », explique Jean-Luc Fessard.« Chez Bon pour le climat, nous nous soucions surtout de savoir comment les aliments sont produits. Autrement dit, il faut s’intéresser au sourcing des aliments que l’on souhaite acheter », dit-il. Il précise : « Selon la façon dont la viande est produite, elle n’a pas du tout le même impact. C’est la même chose pour les autres aliments. Il faut donc se tourner vers la polyculture élevage, éviter l’élevage intensif, et demander aux commerçants des détails sur la nourriture ».
Pour avoir un apéritif responsable, qui ne soit pas punitif, il faut comprendre quels sont les aliments à proscrire. « Dans certains apéritifs, ou buffets, on trouve des viennoiseries. Il faut les éviter à tout prix. Il y a énormément de beurre qui a un impact carbone horrible. Enfin, pour éviter la viande qui émet beaucoup de CO2, vous pouvez compensez avec des légumineuses (pois, fèves, ou lentilles NDLR) », conseille-t-il.
« Il ne faut surtout pas être dans ce côté privatif. Il faut cependant se rendre compte de ce que l’on mange », explique-t-il. Pour un apéritif respectueux de l’environnement voici quelques idées. « Vous pouvez prendre du fromage à pâte molle, qui a 3 fois moins d’impact que le fromage à pâte dure », propose-t-il. « Il faut aussi inverser la proportion entre l’animal et le végétal et éviter les produits transformés. Il faut donc des légumes et des fruits frais avec vos fromages. La salade, le choux sont idéals. Tournez vous également vers le tofu ou encore le tempe », soumet-il. De son côté Greenpeace insiste sur le houmous et considère qu’il peut sauver des vies de part son impact environnemental moindre pour la planète.
Certaines boissons sont à éviter
« Dans l’apéritif il y a plusieurs aspects et plusieurs types d’aliments. En ce qui concerne l’alcool, pour le vin par exemple, le véritable enjeu se situe au niveau du fait qu’on utilise trop de pesticides dans les vignes », explique le journaliste. L’alcool est donc à limiter et à choisir bio. « Les jus de fruits et les boissons fermentées, toujours issues de la polyculture élevage, sont très intéressantes et vertueuses pour compenser », assure Jean-Luc Fessard.
Le café et la thé seraient aussi à éviter. Ces deux produits sont presque toujours importés ce qui augmente l’empreinte carbone. Le café est parfois même responsable de la déforestation. De plus, « l’empreinte eau » calculée par Water footprint network détaille que pour fabriquer 1 kg de café, il faut 15.897 litres d’eau. Il est donc conseillé d’éviter ces produits et de privilégier des productions locales et surtout des fruits de saison. Il est plus raisonnable de choisir des fruits ou des légumes bio pour réduire la quantité des pesticides.
Protéines animales et protéines végétales
Pour comprendre quel apéritif adopter, il « faut avoir conscience des sources principales d’émissions de gaz à effet de serre », explique Michel Duru, ingénieur agronome et directeur de recherche à l’INRAE. « L’impact carbone de la viande est en réalité très liée à l’élevage, notamment à cause du méthane rejeté. Tout ce qui se passe à la sortie de la ferme représente à peine un tiers de l’impact carbone du produit. Je parle ici du transport vers les supermarchés, des voitures des consommateurs et la cuisson », détaille-t-il. En conséquence, pour votre apéritif, privilégiez les protéines végétales.« Car pour les légumineuses, le circuit est plus court que la viande. Il n’y a pas de transport vers l’abattoir par exemple. J’insiste, pour les légumineuses, l’impact carbone à la sortie de la ferme ne représente presque rien », dit-il.
« En France et en Europe on consomme deux fois trop de protéines animales. Les recommandations sont de l’ordre de 0,5 g par kg de poids corporel par jours », informe-t-il. « Donc si je pesais 100 kg, cela ferait 50 g de protéines animales. On en consomme le double. L’impact sur la planète est considérable ». Il précise : « Le Français moyen émet 1.600 kg de CO2 par an par son alimentation. Et ceux qui sont végétariens émettent 800 kg, c’est une différence énorme. Et ça, c’est juste avec le fait de manger moins de viande. Si vous prenez des légumineuses à l’apéritif, et bien vous divisez par 20 fois votre impact à proportion égale ».
Les ingrédients de base pour un apéro à faible impact
Pour un apéritif sobre en carbone, on peut imaginer une demi baguette de pain (pour 70 g de C02 équivalent), des légumineuses comme des lentilles, du pois chiche, ou alors du houmous pour faire des tartines. Les légumineuses émettent 0,79 g de CO2 par gramme consommé. Autrement dit pas grand chose. Un sachet de pois chiche, pour une personne, par exemple pèse 150 grammes (soit 118,5 g de CO2).
Vous pouvez compléter avec une salade de fruits frais de 150 grammes, pour un bilan carbone de 102 g de CO2. En boisson vous pouvez vous défouler sur les jus de légumes ou les jus de fruits de saison et locaux. Par exemple avec un jus de pomme de 20 cl, votre bilan carbone s’élève à environ 380 grammes de C02. Vous pouvez également remplacer la salade de fruits par des crudités. Toujours selon le tableau de l’Ademe, 200 grammes de légumes de saison, soit une assiette à moitié pleine, pèsent 258 grammes de C02. Votre apéritif complet reviendra ainsi à moins de 600 grammes de CO2 par personne. Il y a de quoi se faire plaisir, sans se priver, tout en préservant l’environnement.
« Pour respecter l’environnement, c’est important de veiller au carbone, mais aussi au gaspillage d’eau et au rejet de nitrates, qui sont une catastrophe pour la planète. Il faut également penser à notre santé. Il faut éviter les fruits exotiques et les tomates cerises importées qu’on peut trouver au supermarché, car c’est mauvais pour l’environnement », conseille Michel Duru. Bon appétit !