La rentrée politique s’annonce bien chaude pour les entreprises. Après Élisabeth Borne, c’est Emmanuel Macron qui, ce lundi 5 septembre, a déroulé les principales mesures prises sur la crise énergétique, à l’échelle nationale et européenne. Des efforts sont demandés aux entreprises, mais comment sont-ils compris ?

Ce lundi 5 septembre, aux cotés du chancelier allemand Olaf Scholz en visioconférence, Emmanuel Macron a récapitulé comment la France comptait « passer l’hiver ». Ainsi le gouvernement va suivre trois piliers principaux : les stocks de gaz, la sobriété énergétique et la concertation européenne. « J’appelle à un plan de mobilisation active pour économiser 10 % de ce que nous consommons habituellement », a expliqué le président de la République. Une déclaration qui s’aligne avec le discours de la Première ministre Élisabeth Borne lors de la rentrée du Medef.
Pour « la sobriété énergétique« , le chef de l’État a demandé aux ménages et aux entreprises de « baisser la clim’ ou de se caler dans une référence chauffage de 19 degrés dans la pièce ». Pour lui, c’est une nécessité afin d’« éviter d’aller vers quelque chose de plus coercitif » comme des « rationnements » ou des « coupures ». Mais ces mesures proposées par la Première ministre et par le président de la République posent questions aux entreprises. Certaines ne savent pas encore réellement à quoi s’attendre et d’autres cherchent à s’organiser.
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Des mesures suffisantes et limpides ?
Le centre des jeunes dirigeants de France (CJD) est un mouvement qui accompagne les entreprises dans leurs engagements environnementaux. Mélanie Tisserand-Berger, présidente du CJD et Thomas Bourghelle, vice-président, ont signé une tribune dans le Journal du dimanche en août. Ils alertent sur l’urgence écologique et la nécessité d’aller plus loin dans la sobriété. Le tout à la fois du côté gouvernemental mais aussi chez les entreprises. « La sobriété énergétique va passer par les entreprises, les coopérations et leurs collaborateurs », affirme Thomas Bourghelle à Natura Sciences. Il ajoute :« Notre position est de dire qu’il faut agir sans attendre le gouvernement. Et ce, même sans cadre légal, sinon il sera trop tard ».
« De manière générale, le discours de Madame Borne nous a semblé un peu trop orienté sur de vieux schéma. Quand on nous parle de croissance sobre ou décarbonée, nous restons en surface. On entend ça depuis des années et rien ne change. On nous parle de personnes qui seraient responsables, au sein des entreprises, pour veiller à ces efforts, mais ce ne sont encore que des mesurettes », regrette Mélanie Tisserand-Berger à propos du discours d’Élisabeth Borne lors de la rentrée du Medef. « Les entreprises doivent mettre en place un plan pour faire une économie de 10%, mais cela ne suffira pas à sortir de la catastrophe écologique », explique-t-elle. Thomas Bourghelle ajoute : « On ne change pas le monde en éteignant juste une lampe et en débranchant trois prises. Quelle vision de la société nous propose le gouvernement ? Cela reste flou pour les entreprises encore ».
Les entreprises peuvent-elles toutes rapidement baisser leur consommation d’énergie de 10 % ? Le CJD espère que le gouvernement agira au cas par cas. « Il ne faut pas mettre toutes les entreprises dans le même sac. Nous ne sommes pas tous Total Energies. Élisabeth Borne nous donne rendez-vous en octobre pour un bilan, mais pour quoi faire ? Cela manque d’éclaircissement. Il faudrait contrôler la consommation selon les entreprises et selon leurs activités », espère Mélanie Tisserand-Berger. « Nous sommes sur le quai de la gare, et le gouvernement est le train. Nous n’attendons qu’eux », explique Thomas Bourghelle.
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S’organiser pour moins consommer
Pour régler le problème des heures de pointes de consommation, qui font craindre des coupures cet hiver, et s’inscrire dans une diminution de la consommation d’énergie, il « faut être capable de s’organiser de façon collective », assure Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric. Le groupe a testé cette année, dans une de ses usines en avril, un « effacement ». Autrement dit, l’usine a arrêté le chauffage et les charges de ses voitures pendant deux heures. « Ce jour-là, nous avons lancé le chauffage à 08H00 au lieu de 06H00. Nous avons économisé 850 kilowattheures« , détaille-t-il. À titre de comparaison avec 1 kilowattheure, on fait tourner un cycle de lavage du linge.
« Il faut savoir s’organiser. Chez Schneider Electric, nous sommes équipés de systèmes de gestion technique du bâtiment ». Ces systèmes agissent comme des cerveaux informatiques gérant les consommations d’énergie d’un bâtiment. Il s’agit d’une « spécialité » du groupe français qui compte sur le débat énergétique en cours pour accélérer ses ventes. « La France est un pays très tertiaire et a énormément de bureaux », relève-t-il. Il regrette toutefois que « seuls 6% des bâtiments » soient équipés de tels systèmes. Selon lui, en moyenne, « un bâtiment de bureaux consomme environ 300 kWh par mètre carré et par an », alors qu’il « n’en consomme plus que 180 » avec un tel équipement.
Jean Moreau, entrepreneur et fondateur de « Phénix », leader de l’anti-gaspillage en Europe et co-président du Mouvement Impact France, admet que « l’anxiété » peut gagner les entreprises dans ce contexte de restrictions, « couplé à l’inflation ». « Mais nous pouvons réduire notre consommation d’énergie. Cela est faisable, nous pouvons baisser notre consommation de 10 %. Chez Phénix nous avons réduit les trajets des équipes et favorisons ainsi le télétravail. Nous réduisons notre consommation d’énergie grâce à des ordinateurs ou des téléphones d’occasions. Bien sûr, nous veillons à éteindre les lumières quand elles ne sont pas nécessaires. Nous formons également les nouveaux arrivants à ces enjeux avec l’atelier « la Fresque du Climat« . Nous interdisons, dans notre charte, les déplacements en avions dans le territoire », assure-t-il. Il ajoute : « Pour obtenir des résultats, il existe plusieurs leviers : la carotte ou le bâton. Aujourd’hui le gouvernement a choisi le bâton, mais il faudra faire plus encore ».
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Les transports dans le viseur
Premier consommateur d’énergie, le secteur des transports est au cœur de cette réflexion. Air France, la SNCF ou encore Vinci Autoroutes vont devoir participer à l’effort. Ces mastodontes devront contribuer à la réduction de la consommation énergétique de 10 % d’ici deux ans. Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique, et Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports, ont réuni ce mardi les principaux acteurs des transports à l’Hôtel de Roquelaure. L’objectif : lancer un groupe de travail dédié au secteur dans le cadre du plan « sobriété énergétique » décidé par le gouvernement en juin dernier.
Plusieurs pistes ont été évoquées selon le gouvernement. « Des mesures relatives au chauffage, à l’éclairage et à la ventilation ont été présentées comme le déploiement généralisé des consignes de température pour l’ensemble des bureaux (climatisation à partir de 26°C / chauffage en deçà de 19°C), avec l’adaptation des tenues du personnel », peut-on lire sur le site du ministère de l’Economie. La diminution de l’éclairage dans les gares et stations, ainsi que la diminution des publicités lumineuses doivent également être repensées. « La mobilisation du secteur des transports est la clé pour la réussite de notre plan national de sobriété », a déclaré Clément Beaune.