Ce jeudi, place de la République à Paris, L214 invitait les passants à découvrir « les conditions d’élevage de poulets » des marques du groupe LDC, reconstituées dans un camion de 15m2. Quelques députés de la France insoumise ont participé à cette expérience immersive et dénoncent des conditions « aberrantes ». Reportage.

Une pétition circule. À Paris, place de la République, des militants L214 interpellent les passants avec des tracts. « Voulez-vous signer la pétition contre les pratiques d’élevage de Le Gaulois ? ». Mais plus qu’un simple flyer, l’association leur propose de découvrir par eux-mêmes les conditions d’élevage de poulets, commercialisés sous la marque Le Gaulois, propriété de LDC.
Comme une journée « portes-ouvertes », les passants sont alors invités à pénétrer à l’intérieur d’un camion de 15m2, aménagé sur la place pour reconstituer les pratiques d’élevage dénoncées par L214. Tout le matériel nécessaire est à leur disposition : surchaussures et combinaisons sont obligatoires pour participer à cette expérience immersive. Un militant vêtu du costume d’un commercial leur fait visiter les lieux. Puis, les portes se referment.
Les conditions réelles d’élevage dévoilées
Une fois à l’intérieur, les visiteurs découvrent une atmosphère déplaisante. De la vraie litière, récupérée directement des bâtiments d’élevage, répand une forte odeur au milieu du bruit incessant de piaillements de jeunes poulets. La pièce est sombre, éclairée par une lumière artificielle et aucun accès à l’extérieur n’est possible.

Le seul objet présent dans la pièce n’est autre qu’un mangeoire.« La litière n’est jamais changée, les poulets arrivent à un jour et repartent à l’abattoir à 35 jours. Ils sont en permanence sur leur litière et n’ont jamais accès à l’extérieur », détaille Sébastien Arsac, co-fondateur de L214. 35 jours, c’est la durée nécessaire pour que les poulets obtiennent leur poids d’abattage, soit presque deux kilos, rappelle Sébastien Arsac. La croissance est quatre fois plus rapide qu’en 1950. Cette prise de poids si rapide fait boiter les animaux. Pour certains poulets, cela entraîne jusqu’à une incapacité de porter leur propre poids, jusqu’à aller mourir de faim, à même le sol.
Des densités au-dessus des recommandations européennes
Dans le camion, deux écrans diffusent des images d’élevages fournissant la marque Le Gaulois. Souvent récupérées via des lanceurs d’alerte pour L214, celles-ci dévoilent des poulets déplumés, ailes brûlées par la souillure de la litière.« La règlementation implique l’appui d’un vétérinaire mais elle n’est pas appliquée », informe Sébastien Arsac.
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Un éleveur peut s’occuper à lui seul de deux à trois bâtiments, contenant chacun entre 20.000 et 30.000 poulets.« Il y a à peu près 21 poulets par m2. Il faut donc imaginer une feuille A4 comme l’espace réservé à chacun d’entre eux », précise le cofondateur de L214.
L214 demande au groupe LDC de s’engager
Depuis 2018, l’association L214 demande aux marques issues de l’agroalimentaire de s’engager sur les critères minimaux du European Chicken Commitment (ECC). Ces critères réclament notamment la réduction des densités d’élevage, soit environ 25 kg par m2, n’excédant pas les 30kg, ainsi que l’arrêt de l’utilisation de souches d’animaux à croissance ultra-rapide. Mais la marque Le Gaulois et le groupe LDC n’ont pas apporté de réponse. « Le dialogue est rompu », informe Hélène Gauche, porte-parole de L214.
Pourtant, leur site Internet témoigne d’élevage en plein air.« Ce sont des mensonges », réagit Philippe de Marquez, militant pour L214. En France, plus de 80% des poulets sont détenus entre 39 et 42 kg par m2. Soit une densité largement supérieure aux recommandations européennes.
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« En tant que poids lourd de l’agroalimentaire, LDC porte une responsabilité majeure dans les conditions d’élevage des poulets et dans l’idée que s’en font les consommateurs (…). Aujourd’hui nous demandons au groupe LDC et à sa marque Le Gaulois de bannir les pratiques les plus cruelles pour ces animaux », a déclaré Brigitte Gothière, cofondatrice de L214. Elle ajoute que l’absence de changement de la marque témoigne « d’un vrai mépris de la condition animale et des attentes sociétales« . Car selon un sondage IFOP de 2018, 91% des Français s’opposent à l’élevage intensif des poulets.
Des députés sensibilisés à la question de l’élevage intensif
Aux alentours de 13H30, quelques députés LFI se sont déplacés pour participer à l’expérience immersive. Enfilant eux aussi une combinaison et des surchaussures, ceux-ci dénoncent des pratiques « aberrantes », comme le fait sur son compte Twitter le député Christophe Bex. « C’est suffoquant », réagit pour sa part le député Gabriel Amard. Ce dernier souligne néanmoins qu’il s’attendait à ces images, et confie réfléchir à lancer, avec ses collègues députés, une proposition de loi pour changer ces pratiques d’élevage, tout en « protégeant et entraînant la paysannerie française » dans une « bifurcation ».

« Rien ne va dans ce système d’élevage », a quant à elle déclaré la députée Anne Stambach-Terrenoir. Cette dernière considère que l’élevage intensif « mérite » d’avoir sa place dans les débats à l’Assemblée nationale. « Dans ce système, les éleveurs sont aussi pieds et poings liés avec l’industrie agroalimentaire. Il faut les accompagner et faire avancer la législation ».
Plus tôt dans la matinée, Julien Bayou est venu lui aussi participer à l’expérience proposée par L214. Il y dénonce des « conditions d’élevage absolument horribles », et déclare sur Twitter « Nous nous battrons pour le bien-être animal ».
Suite à cette action, le camion de L214 a été déployé le vendredi 22 juillet à Sablé-sur-Sarthe, ainsi que devant le siège du groupe LDC. D’autres mobilisations sont organisées jusqu’au samedi 23 juillets dans 25 autres villes de France. Contactée par Natura Sciences, la société LDC n’a pas donné suite à nos sollicitations.