À l’approche des fêtes de Pâques, Natura Sciences revient sur le classement du WWF sur l’huile de palme réalisée fin 2021. Ce scorecard relève des résultats jugés « décevants » pour les entreprises utilisant l’huile de palme, néfaste pour l’environnement. Parmi elles, l’industrie du chocolat déçoit encore, malgré de premiers efforts. Entretien avec Romain Deveze, expert en matières premières au WWF Suisse.
Fin septembre 2021, le WWF publiait son nouveau classement sur les entreprises utilisant l’huile de palme. Grâce à un Scorecard basé sur plusieurs critères, l’ONG a évalué leur implication environnementale. En ressort le constat que la plupart de ces entreprises n’excluent toujours pas la déforestation de leurs chaînes de livraison. « Les entreprises qui utilisent de l’huile de palme ne font pas assez d’efforts pour stopper la destruction de l’environnement et les violations des droits humains en lien avec la culture de cette matière première », a affirmé le WWF dans un communiqué.
Jugée néfaste pour l’environnement, la demande d’huile de palme continue d’augmenter. Parmi les secteurs évalués, l’industrie du chocolat affiches des résultats décevants. Romain Deveze, expert en matières premières au WWF Suisse, précise à Natura Sciences précise les lacunes de cette industrie.
Natura Sciences: Le classement du WWF indique que l’industrie du chocolat « déçoit ». Pourquoi ?
Romain Deveze : Le WWF a touché un point sensible avec le chocolat. Je suis toujours un peu déçu quand des entreprises communiquent autour de leurs engagements sur la production de cacao ou sur leurs projets sur le terrain. À côté, on commence à oublier que beaucoup d’autres ingrédients de la production des dérivés chocolatés, les pâtes à tartiner par exemple, produits par ces mêmes entreprises n’ont aucune garantie. Encore moins que celle du cacao. Puisque que l’huile de palme ne constitue pas l’ingrédient principal, les entreprises s’engagent beaucoup moins.
Qu’est ce que cela représente au niveau des quantités d’huile de palme ?
Cela reste de très gros volumes. De grands groupes comme Barry Callebaut possèdent environ 40% de la transformation mondiale de chocolat. Pour citer un autre exemple, Lindt possède de grandes quantités, dont certaines ne sont pas traçables et n’ont pas la certification sur une ligne de production dédiée. C’est-à-dire que la marque peut mélanger des volumes achetés et certifiés à des volumes qui ne le sont pas. C’est quelque chose que nous vérifions dans le scorecard.
Ces entreprises peinent aussi à s’engager sur des projets d’accompagnement des producteurs. Les consommateurs ne pensent pas au fait qu’il y a beaucoup d’huile de palme dans le chocolat dès qu’il y a un fourrage.
Lire aussi : La Commission Européenne veut interdire les produits favorisant la déforestation
Cette situation concerne-t-elle l’ensemble du secteur du chocolat ?
Non, il y a de très bons acteurs. Il y a des entreprises comme Ferrero qui possèdent d’énormes volumes et qui ont fait de gros efforts sur leurs produits, leur chaîne de valeur, leur traçabilité et le monitoring [le suivi et la surveillance des produits, NDLR]. Pour se faire une idée sur l’engagement d’une entreprise, il faut regarder les scores individuellement.
Le classement publié par le WWF évalue plus d’une centaine d’entreprises. Sur quels critères se base-t-il ?
Le classement compte 24 points. Toutefois, 18 d’entre eux sont vraiment liés à la chaîne de valeur de l’entreprise. Les six autres points concernent l’investissement de l’entreprise, sur des plateformes et projets de terrain.
Tous évaluent dix grands critères. Une large partie est consacrée à l’engagement de l’entreprise sur les questions de déforestation et des droits de l’homme. Puis, le classement évalue comment l’entreprise achète de l’huile de palme certifiée, sous toutes ses formes. L’attention se porte aussi sur la responsabilité des fournisseurs et par quel système ces derniers sont contrôlés. Cela permet de déterminer l’exigence de traçabilité mais aussi le financement de l’entreprise sur la production des forêts et sur la conservation au sein de l’espace.
C’est un scorecard que l’on renouvèle très régulièrement et qui, en général, de manière assez compétitive, va challenger les acteurs du marché.
Lire aussi : Les huiles alimentaires usagées ne rendent pas l’avion plus « vert »
Parmi les entreprises évaluées, certaines présentant de forts engagements vous ont-t-elles déçues ?
Non. Le scorecard, à travers sa méthodologie, évalue la robustesse et les engagements d’une entreprise, donc je ne vois pas trop de décalage. Toutefois, il est possible que certaines entreprises choisissent de parler de leur propre certification et de développer leur propre système en interne. C’est à dire adopter leur propre standard. Mais cela ne fonctionne pas puisque la transparence et la crédibilité restent difficiles à évaluer. Pour moi, ce classement montre comment l’entreprise a décidé d’investir dans la durabilité de l’huile de palme. Mais on ne pondère pas le score par rapport au volume. Il est certain qu’une entreprise qui travaille avec 5.000 tonnes d’huile de palme ne va pas avoir les mêmes enjeux qu’une autre travaillant avec un nombre bien moindre. Cela demande plus de temps et d’investissements.