La COP15 sur la biodiversité s’est ouverte ce mercredi 7 décembre à Montréal, au Canada. Durant deux semaines, États, scientifiques et société civile tenteront de trouver un nouveau cadre mondial pour mettre un terme à l’érosion de la biodiversité. Maud Lelièvre, présidente de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), nous explique les enjeux de ce rendez-vous.

Quelques semaines après la Conférence des Nations unies sur le climat, s’ouvre un autre rendez-vous crucial pour l’environnement : la COP15 biodiversité. Du mercredi 7 au lundi 19 décembre, les pays membres de la Convention sur la diversité biologique seront réunis à Montréal au Canada, afin d’obtenir un accord sur un cadre global pour stopper cette destruction de la biodiversité. Cet accord devra trouver un nouveau cadre pour succéder aux 20 objectifs d’Aichi sur la période 2011 – 2020 et qui n’ont pas tous été atteints.
Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), sera sur place pour suivre les négociations. Connu pour ses actions en faveur de la biodiversité, l’UICN avait l’année dernière organisé à Marseille le Congrès mondial de la nature. L’organisation fait aujourd’hui autorité au niveau mondial sur l’état de la nature et des ressources naturelles dans le monde, et sur les mesures pour les préserver.
Natura Sciences : Qu’est-ce qui explique l’échec des 20 objectifs d’Aichi ?
Maud Lelièvre : Cet échec est avant tout dû à un manque de financement et d’accords internationaux. La biodiversité a malheureusement souvent été mise derrière la question climatique. Pourtant, la crise de la biodiversité est tout aussi urgente que la crise du climat. Néanmoins nous avons quand même avancé sur certains objectifs fixés à Nagoya. Notamment la meilleure identification des espèces envahissantes, le doublement du fond loué à la biodiversité, ou encore l’élargissement des espaces protégés.
Les objectifs d’Aichi ont également permis de ralentir la dégradation de la biodiversité avec une décroissance de la déforestation ou encore une meilleure protection de l’écosystème marin. Nous ne pouvons donc pas totalement considérer ces mesures comme un échec. En 10 ans des choses ont été faites. Même si bien sûr ça n’a pas été suffisant par rapport à la crise que nous traversons. Aujourd’hui la situation est dramatique. Nous sommes entrés dans un processus accéléré de crise, nous ne pouvons pas attendre 10 ans de plus. Nous avons déjà perdu trop de temps.
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La COP15 doit donc prendre le relais des objectifs d’Aichi pour la période 2020-2030. Ces objectifs sont déclinés en une vingtaine de cibles. Pouvez-vous m’en citer quelques-unes ?
La première serait de réussir à mettre en place l’accord pour protéger 30 % de la surface terrestre et 30 % de la surface marine d’ici 2030 [actuellement, les Nations unies estiment que 16,44 % des terres dans le monde sont protégées ainsi que 7,74 % de l’océan, ndlr]. Nous souhaitons aussi obtenir la restauration de 20% des espaces dégradés, qui représentent à peu près 2 milliards d’hectares. C’est un objectif réalisable, car il peut-être quantifié et quantifiable par pays.
Il y a aussi un autres point très important sur les financements, l’une des clés des négociations. Aujourd’hui, les principales réserves de biodiversité se trouvent dans les pays en développement. Ces pays sont prêts à faire des efforts mais n’ont pas les moyens financiers. En France, 2 milliards d’euros sont consacrés chaque année à la protection de la biodiversité et des paysages, c’est insuffisant.
Et en ce qui concerne les subventions néfastes à la biodiversité ?
Nous espérons leur arrêt. Les États subventionnent des activités comme celles qui financent le recours aux pesticides dans l’agriculture ou la pêche industrielle, l’énergie fossile, l’agriculture intensive… Tout cela représente environ 500 milliards de dollars au niveau mondial. Il y aurait donc moins besoin d’investir pour la biodiversité si on y mettait un terme.
Avez-vous une autre revendication pour ces négociations ?
Un dernier sujet qui est extrêmement clé pour nous, c’est que nous puissions avoir des indicateurs et des rapportages, dans l’idéal tous les deux ans. Ce serait une sorte d’état des lieux, que nous sachions tous où en est la biodiversité. L’aggravation de la crise climatique fait que nous ne pouvons pas attendre la COP suivante, qui préparera la COP suivante et ainsi de suite. Il faut vraiment un accélérateur et cela passe par des indicateurs et des visions.
En matière de climat, il suffit d’avoir des objectifs recentrés autour de l’augmentation des températures. En biodiversité, cela est plus complexe, car il y a plusieurs indicateurs à suivre. Il faut comparer la disparition d’espèces, avec la disparition d’habitat, avec la fragmentation, ou encore avec la lutte contre la surpêche.
Les négociations ont-elles une chance d’aboutir ?
Pour cela, il faut obtenir l’engagement de l’ensemble des pays qui sont présents, ce qui n’était pas le cas lors des objectifs précédents. On peut notamment l’absence des États-Unis notamment. Même s’ils ne sont pas autour de la table lors de ces conférences, il faut nécessairement des avancées du côté américain, car on ne peut s’en passer pour lutter contre la disparition de la biodiversité.
La question de la protection des peuples autochtones sera-elle prise en compte durant la COP ?
À l’UICN nous sommes sensibles à cette question, à la fois parce que les peuples autochtones font partie de notre gouvernance, mais aussi car nous prônons des solutions fondées sur la nature pour lier les questions climatiques et de la biodiversité. Il n’y a pas que la richesse des paysages et des espèces. Il faut aussi préserver les savoir-faire, vivre dans une alliance territoriale, en lien avec les peuples autochtones.
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La voix des autochtones est attendue sur la convention. Il y aura à la fois des gens présents, des think tank et des moments de conférence qui intégreront leurs prises de parole, et je pense qu’on saura les entendre. Les partenariats entre les peuples autochtones et les gouvernements territoriaux sont clés pour la protection de la nature dans un certain nombre de territoires.