Les escargots géants attaquent la Floride. Cette phrase pourrait faire penser au début d’une mauvaise blague, mais la menace posée par ce gastéropode est bien réelle. Classé à plusieurs reprises comme l’une des pires espèces envahissantes au monde, cet escargot menace à la fois la santé, l’agriculture et les écosystèmes.

Le 21 juin 2023, les autorités placent officiellement le comté de Broward, en Floride, en quarantaine. La raison ? Des escargots géants africains (Lissachatina fulica), ou Achatines, pouvant atteindre les 20 centimètres de long, ont été repérés dans le comté. Cette quarantaine interdit aux habitants de bouger les gastéropodes, ainsi que de transporter certains composts, plantes et sols pouvant contenir ces escargots ou leurs œufs. Ces mesures de sécurité pourraient sembler exagérées. Pourtant, malgré sa lenteur, l’escargot géant africain constitue une véritable menace.
Un problème bien connu en Floride
Les achatines n’en sont pas à leur première invasion de la Floride, mais bien à la troisième. La dernière remonte à 2011. Il aura ensuite fallu 10 ans à l’État de Floride pour en finir avec l’infestation. Le 8 octobre 2021, le Département d’Agriculture des États-Unis (U.S. Department of Agriculture ou USDA) annonçait “l’éradication de l’escargot géant africain des comtés de Broward et de Miami-Dade. Cette annonce marque seulement la seconde éradication de ce nuisible au monde, les deux ayant eu lieu en Floride du Sud”. Dans la même annonce, l’USDA déclare avoir collecté 168.538 escargots lors de cette décennie.
Le danger que représente l’achatine et sa persistance une fois installé explique donc les actions rapides des autorités cet été. Entre la découverte des escargotss et la mise en quarantaine du comté de Broward, les autorités annoncent avoir capturé 1.434 gastéropodes, répartis sur 30 propriétés. Selon l’USDA, les propriétés où des achatines ont été trouvés seront traitées pendant 18 mois avec un molluscicide. De plus, la zone sera maintenue sous surveillance pendant deux ans à compter du moment où le dernier escargot sera découvert.
Un escargot exceptionnellement vorace…
Si l’escargot géant africain inquiète autant, c’est à cause de son large régime alimentaire. Le gastéropode est en effet capable de dévorer plus de 500 espèces de plantes différentes. Il peut se nourrir tout aussi bien des tiges, feuilles, fleurs et fruits de ces végétaux. De plus, celui-ci montre une préférence particulière pour la plupart des fruits, légumes et cucurbitacés. Toutes ces caractéristiques en font une véritable menace pour l’agriculture des régions dans lesquelles il s’installe. L’USDA a déterminé que cette espèce cause “des dommages économiques à plus de 500 espèces différentes de plantes agricoles économiquement importantes, ainsi qu’à des plantes de valeurs horticoles, culturelles et médicinales”.
Selon le Dr Scot Nelson, phytopathologiste, cité dans Hanai’Ai, une newsletter de l’université d’Hawaii, ces escargots affectent l’agriculture de plusieurs manières. Ils causent des pertes de rendement des récoltes en dévorant les fruits. Ils provoquent la mort des plants en s’attaquant aux tiges. En plus, ils entraînent la hausse des coûts agricoles, à cause du renforcement de la main-d’oeuvre, des équipements et des pièges associés à leur contrôle.
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En plus de ce régime alimentaire étendu, la vitesse de reproduction du gastéropode le rend dangereux. Selon l’USDA, “en général, le nombre d’œufs en une seule ponte peut varier de 300 à 1.000 ou plus, pondus à deux ou trois mois d’intervalles”. Le Dr Nelson seconde cette analyse. “Bien que les escargots représentent la lenteur […], la rapidité avec laquelle une population en quête de nourriture peut se multiplier et décimer des cultures est démoralisante et coûteuse pour les fermiers et les jardiniers affectés” explique-t-il dans la newsletter. Cette croissance éclair menace également les écosystèmes locaux, notamment à cause de la compétition engendrée avec les escargots indigènes.
…qui détruit tout sur son passage
L’achatine est une menace pour les plantes, mais peut également poser un danger direct pour les humains. En effet, il peut être porteur du ver pulmonaire du rat, un parasite pouvant provoquer la méningo-encéphalite éosinophilique chez l’Homme. Cette maladie produit une “infection ou inflammation, aiguë ou chronique, de l’encéphale et des méninges” définit le Dictionnaire médical de l’Académie nationale de Médecine. L’ingestion d’un produit agricole non lavé sur lequel un escargot porteur serait passé suffit à la contamination. L’achatine pose un tel risque sanitaire que le Département d’Agriculture de Floride préconise le port de gants pour toute manipulation du gastéropode.
L’escargot africain géant peut causer des dégâts plus inattendus. Selon le Département d’Agriculture de Floride, sa carapace solide est capable de crever les pneus des voitures lui roulant dessus. En Floride, les habitants ont aussi vu le stuc, un enduit mural, de leur maison dévoré par le gastéropode. Le stuc est souvent composé de carbonate de calcium, le même minéral formant la coquille de l’achatine. L’escargot géant africain peut donc se servir du stuc comme source de calcium pour sa coquille.
Y-a-t-il un escargot dans l’avion ?
D’après l’Animal and Plant Health Inspection Service de l’USDA, l’escargot géant africain se répand à travers le monde avec l’aide de l’Homme. Ce transport peut être involontaire. Par exemple, lorsque le gastéropode ou ses œufs se retrouvent dans des véhicules ou des produits déplacés d’un endroit à un autre.
Toutefois, ces escargots sont parfois importés intentionnellement à des fins gastronomiques, médicinales, religieuses ou même en tant qu’animal de compagnie. “[L’escargot géant Africain est] couramment intercepté par les inspecteurs d’avant-départ de l’USDA à Hawaii ainsi que dans des containers et bagages de voyageurs internationaux en provenance d’Asie et occasionnellement d’Afrique, des Antilles et de l’Amérique du Sud” témoigne l’USDA.
Une menace reconnue depuis longtemps
Dans son évaluation internationale des espèces exotiques envahissantes et de leur contrôle, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) classe ce gastéropode à la 8e place des espèces exotiques envahissantes ayant l’impact négatif le plus documenté sur les contributions de la nature aux populations. La plateforme intergouvernementale a documenté 36 impacts sur l’alimentation humaine et animale. L’achatine se place aussi comme espèce exotique envahissante ayant le plus d’impacts documentés sur la qualité de vie.
L’achatine n’a pas attendu le rapport de l’IPBES pour se glisser dans les classement des pires espèces envahissantes. En effet, le gastéropode avait déjà été classé par deux fois parmi les 100 pires espèces envahissantes au monde. Tout d’abord, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) l’avait inclus dans sa liste en 2000. Ensuite, l’escargot géant s’était hissé, en 2013, à la 2nd place des 100 pires espèces envahissantes au monde selon l’Invasive Species Specialist Group (ISSG).
L’escargot géant africain est originaire d’Afrique de l’Est. Cependant, on le retrouve aujourd’hui également au nord de l’Afrique, dans tout le bassin Indo-Pacifique et dans les Antilles. De plus, la présence de l’escargot a été signalée dans plusieurs pays d’Amérique du Sud et aux États-Unis, dont plusieurs fois en Floride. L’achatine menace les écosystèmes de tous ces pays. L’USDA décrit ce gastéropode comme “l’une des vermines les plus invasives de la planète, causant des dégâts agricoles et environnementaux partout où on le retrouve”.