La prime à la conversion pour les véhicules thermiques a été grandement élargie en janvier 1018 aux véhicules thermiques d’occasion. En ouvrant la voie aux véhicules essence et diesel d’occasion, le dispositif peine à entraîner une vraie transition énergétique dans les transports. Les nouvelles règles d’août 2019 permettront toutefois d’améliorer le bilan socio-économique.
La nécessaire transition énergétique des véhicules est un véritable défi. Dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique et la pollution de l’air, il faut retirer les vieux véhicules diesel des routes. Mais tant qu’à dépenser de l’argent public, autant favoriser l’achat de véhicules à propulsion alternative les plus performants possible. La mobilité doit tendre au maximum vers des flottes de véhicules électriques ou à autre motorisation alternative, en autopartage.
De 2015 à 2018 : une évolution qui élargit le dispositif
Sous l’impulsion de Ségolène Royal, le ministère de l’environnement déploie depuis 2015 une prime à la conversion. Qualifiée de « superbonus » en 2015, la prime s’élevait à 3 700 euros pour un véhicule électrique, 2 500 euros pour un véhicule hybride rechargeable. Elle se cumulait au bonus écologique existant. Une aide de 500 € était prévue pour les ménages non imposables pour l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion émettant de 61 à 110 g CO2/km et respectant la norme Euro 6. Entre 2015 et 2017, le dispositif a connu peu de succès avec moins de 10.000 bénéficiaires par an.
Mais en 2018, les règles du jeu ont changé. Le dispositif a été élargi aux véhicules thermiques d’occasion (émettant moins de 130g/km de CO2 et disposant d’une vignette Crit’Air 1 ou 2). Cela a fait exploser le nombre de Français intéressés. En 2018, on compte plus de 253.000 bénéficiaires.
Des achats de véhicules diesel et essence largement en tête
Dans son rapport consacré au bilan 2018 du dispositif, le commissariat général au développement durable (CGDD) analyse la typologie des primes versées. La prime à la conversion devient plus une aide sociale pour pousser les Français à acheter un véhicule qu’une aide à la transition écologique et énergétique. « La prime à la conversion a bénéficié à des ménages plutôt ruraux, non imposables dans 72 % des cas, et a permis de mettre au rebut des véhicules anciens (19 ans), diesel à 80 %, pour les remplacer par des véhicules récents moins polluants », résume le commissariat général au développement durable (CGDD).
Loin d’assurer une transition vers des véhicules « propres », le versement de la prime sert à acheter des véhicules thermiques dans plus de 9 cas sur 10. En effet, 48,3% des véhicules achetés sont diesel et 44,9% essence. Seulement 2,3% des véhicules achetés sont tout électriques, soit 7 775 véhicules. 2,6 % ont une autre motorisation, notamment hybride. 60 % des véhicules achetés le sont sur le marché de l’occasion. Ils coûtent en moyenne 13 200 euros.14% des véhicules électriques ont été achetés d’occasion.
En réalité, la prime permet majoritairement à des ménages modestes de remplacer un vieux véhicule diesel par un véhicule un peu moins polluant. Deux tiers des véhicules achetés respectent la norme EURO 6, la plus récente, l’autre tiers la norme EURO 5. Ils émettent en moyenne 106 grammes de CO2 par kilomètre (gCO2/km). C’est un peu moins que les émissions moyennes des véhicules neufs (112 gCO2/km). Mais c’est bien plus que la nouvelle réglementation européenne qui entre en vigueur en 2020. En effet, dès l’an, prochain, les constructeurs devront afficher sur leur flotte de voitures neuves vendues en Europe des émissions moyennes inférieures à 95 gCO2/km.
De petits gains pour la collectivité
Le fait de remplacer de vieux véhicules diesel très polluants par des véhicules diesel ou essence plus récents permet tout de même quelques gains environnementaux. Le CGDD évalue les gains en matière d’environnement grâce au remplacement de vieux véhicules par des véhicules plus récents à 375 millions d’euros. Le principal gain est lié à la réduction de la pollution de l’air par les particules fines et les oxydes d’azote. D’autres gains proviennent des économies en carburant, en entretien et à la baisse des émissions de CO2. Ces 375 millions d’euros sont à confronter aux 310 millions d’euros dépensés par l’État pour accorder ces aides. En fin de compte, le gain net s’élèverait donc à 65 millions d’euros.
Mais le bilan pourrait être bien meilleur. « Dans plus de deux tiers des cas, le bilan collectif est négatif ou nul », note le CGDD. Pour être positif, les véhicules doivent rouler dans les agglomérations d’une densité supérieure à 1.000 habitants par km². C’est là que le coût social associé à la pollution atmosphérique est le plus élevé. Or, la densité moyenne des communes où habitent les bénéficiaires est de 991 habitants par km². Dans ces zones densément peuplées, le bilan collectif est « positif dans plus de 3/4 des cas ». Pour être sûr d’avoir un bilan positif : il faut remplacer un très vieux diesel par un véhicule électrique ou à faible émission de CO2. Les conditions d’attribution de la prime devraient donc se resserrer pour améliorer le bilan collectif.
Une aide utile qui permet un bilan positif pour l’acquéreur
La prime à la conversion permettrait d’anticiper l’achat de 2 ans pour les ménages non imposables et de 6 mois pour les ménages imposables. En absence de prime à la conversion, le bilan serait négatif pour l’acquéreur dans 92 % des cas, estime le
rt. Le gain estimé grâce aux économies de carburant et la réduction des frais d’entretien s’élèvent à 230 millions d’euros pour les acquéreurs. Loin de couvrir les 535 millions d’euros liés à l’anticipation de l’achat.
« Si on prend en compte les primes à la conversion versées aux acquéreurs, le bilan devient positif dans la quasi-totalité des cas […], avec un gain global de 140 millions d’euros », rassure le CGDD. Et en absence d’un intérêt individuel suffisant pour remplacer de vieux véhicules, « il semble donc que l’intervention publique soit justifiée », conclut l’organisme.
Une évolution des règles depuis août 2019
Pour contrer les dérives du dispositif, de nouvelles règles sont en vigueur depuis août 2019. Les Français imposables (dont le revenu fiscal de référence par part est supérieur à 13.489 euros) bénéficient d’une prime de 2 500 € pour un véhicule électrique ou une hybride rechargeable avec contrainte d’autonomie. La prime disparaît pour tous les véhicules thermiques et pour les véhicules électriques coûtant plus de 60 000 €.
Les Français non imposables, peuvent toujours acheter des voitures à essence d’après 2011, émettant moins de 117 g CO2/km. Les seuls diesels éligibles sont ceux dont la première immatriculation date du 1er septembre 2019. L’aide atteint 1.500€ pour ces véhicules. Elle est de 2 500 € pour les hybrides rechargeables avec contrainte d’autonomie.
L’aide double pour les foyers non imposables dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur à 6 300€. C’est aussi le cas pour les Français actifs non imposables dont le trajet domicile-travail est supérieur à 30 km. Et pour les Français qui roulent plus de 12.000 km par an. La prime atteint alors 3.000€ pour les véhicules thermiques, 4.000 € pour les véhicules hybrides rechargeables avec contrainte d’autonomie. Elle s’élève enfin à 5000 € pour les véhicules électriques.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura-sciences.com